Cinéma

Annecy 2018 - Marcel Jean : "Nous sommes condamnés à nous renouveler constamment"

Date de publication : 12/06/2018 - 08:30

Le délégué artistique du festival dévoile les temps forts de sa 6e sélection et revient sur l’imposante présence latino-américaine et la montée en puissance de la VR.

Peut-on parler, à ce stade, de grandes tendances pour cette édition 2018 ?
Il y a une tendance qui se raffermit d’année en année, depuis peut-être trois ans, le caractère de plus en plus politique des longs métrages qui nous sont soumis. Cela s’explique de plusieurs façons. D’une part, le développement de toute cette mouvance du documentaire animé, et de l’autre, une volonté même des cinéastes, voulant s’adresser à un public familial, d’aborder l’état du monde. Je pense à Parvana de Nora Twomey, qui est sans aucun doute le parangon d’un cinéma grand public, mais également très impliqué socialement.

Vous recevez de plus en plus de films ?
Nous avons, depuis trois ans, une augmentation de 10%, en termes de nombre de films soumis chaque année. Auparavant, il y a eu une assez longue période de stabilisation. Cela découle du développement de l’animation, du fait qu’il y ait de plus en plus de studios et d’auteurs dans un nombre de pays toujours plus large.

Cette année, le Brésil est le pays invité, mais, au-delà, il semble y avoir une forte participation latino-américaine…
Oui, et c’est l’une des grandes caractéristiques de cette édition 2018. Nous l’avions vu venir, mais pas à ce point. Les éditions 2013 et 2014 avaient été marquées par des longs métrages brésiliens et, par la suite, nous avons constaté l’arrivée des productions colombiennes et vénézuéliennes. Mais, cette année, nous aurons aussi l’Équateur, le Chili, l’Argentine et le Mexique. L’Amérique latine est en train de devenir un pôle extrêmement important.

Les grands studios américains adorent toujours Annecy ?
Je pense que nous avons réussi à consolider nos relations avec eux. Il faut avoir à l’esprit que la base des grands studios est plus large qu’elle ne l’était. Preuve en est, le retour de Sony et de Warner, venus s’ajouter à Dreamworks, Pixar et Disney, lesquels sont présents à Annecy depuis très longtemps. Là dessus, arrivent des nouveaux studios, tels que Blue Sky. Et il y a des structures de plus petite envergure mais très actives. Nous sommes ainsi très fiers d’avoir Starburns Industries, qui nous a donné Anomalisa, comme invité d’honneur cette année.

Le festival se penche toujours autant sur la place des femmes dans le secteur ?
C’est la première conséquence positive de l’édition 2015, durant laquelle nous avions fait une place prépondérante aux femmes dans le cinéma d’animation. Depuis, Annecy est devenu un rendez-vous pour Women in Animation et les autres associations. Nous sommes très heureux de voir qu’une telle manifestation est issue du milieu lui-même. Nous avons donné l’impulsion en 2015, mais, ensuite, ce sont des productrices et réalisatrices qui ont mis sur pied cette rencontre annuelle, venue se greffer à la manifestation. Le prix Mifa sera d’ailleurs remis cette année à WIA et nous allons signer la charte des festivals afin de poursuivre des objectifs d’équité et de diversité. C’est un engagement fort et très important. Nous voulons être à l’avant-garde et montrer l’exemple.

La réalité virtuelle est toujours très présente ?
Pour la première fois, nous avions créé un formulaire d’inscription VR. Nous avons, de ce fait, reçu une centaine de propositions, à partir desquelles nous avons fait une sélection, qui est beaucoup plus large cette année. Je pense que nous sommes à un tournant. On peut imaginer qu’en 2019, la sélection VR deviendra une compétition officielle.

Il semblerait qu’une réflexion soit en cours autour de la création d’une section qui mettrait d’avantage en valeur les longs métrages hors compétition. Où en êtes-vous exactement ?
Je pense, en effet, que le hors compétition n’est pas entièrement satisfaisant, ni pour nous, ni pour les spectateurs, ni pour les œuvres. Il y a encore un espace pour bonifier la qualité de l’accueil et mettre davantage en lumière ces films-là. Nous travaillons donc à une transformation du hors compétition long métrage pour personnaliser cette sélection. Nous l’avons déjà fait avec ce qui était le hors compétition court métrage, qui a débouché sur les sections Off-limits, Perspectives et Jeune public, avec beaucoup de succès. Nous voudrions appliquer une médecine un peu semblable au long métrage.

C’est votre 6e sélection. Comment avez-vous vu évoluer le festival ?
Une manifestation comme la nôtre doit évoluer, car le paysage et l’environnement dans lequel nous nous situons sont en mouvement constant. Chaque année, nous devons nous positionner face à de nouvelles réalités. Il y a six ans, on avait une conception très classique de la production de séries télévisées. Aujourd’hui, beaucoup sont produites pour des diffuseurs qui sont en fait des plateformes. La présence croissante de titres récents et inédits sur le web fait qu’un événement comme le nôtre doit encore plus miser sur les rencontres. Nous devons amener une plus-value au simple fait de montrer des films. Nous sommes condamnés à nous renouveler constamment.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : Gilles Piel


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