Page 24 - LFF3_web
P. 24
24 DOSSIER
LES PROFESSIONNELS TÉMOIGNENT
Réalisateur, vendeur, distributeur étranger, anciens directeurs et présidents : ils se souviennent. SARAH DROUHAUD, VINCENT LE LEURCH, FRANÇOIS-PIER PELINARD-LAMBERT
Margaret Jean-Paul Torsten
MENEGOZ SALOMÉ FREHSE
PRODUCTRICE (LES FILMS DU LOSANGE) RÉALISATEUR DIRECTEUR DE NEUE VISIONEN
“Pour moi, on doit financer “Vu de l’étranger, même si c’est (ALLEMAGNE)
le prochain film avec les recettes compliqué, il y a toujours “Les Rendez-Vous de Paris
du précédent.” cetteappétence et une envie.” sont une chance rare
d’avoir une vision globale
“ n temps que “ ’ ai été très marqué, de votre production.”
pendant mes man-
pro ducteur des
Efilms de Rohmer, J dats, de sentir qu’à
Les Films du Losange l’étranger, il y avait encore un “ ’ est grâce au travail d’UniFrance
ont toujours travaillé avec appétit pour le cinéma fran- que nous avons pu découvrir de
l’étranger. Ses longs ont © JEAN-BAPTISTE LE MERCIER/UNIFRANCE MADAME FIGARO çais. En France, on râle, c’est C nombreux projets et films excitants
toujours marché même toujours la crise, et c’est vrai. par le passé. Pour nous, distributeurs étrangers,
dans des territoires Mais vu de l’étranger, même les Rendez-Vous de Paris sont toujours une
difficiles. Pour moi, on si c’est compliqué, et de plus chance rare d’avoir une vision globale de votre
© UNIFRANCE doit financer le prochain en plus, il y a toujours cette production hexagonale. UniFrance nous soutient
film avec les recettes du
appétence et une envie. Et
également fréquemment dans la distribution
précédent, cet argent des les gens nous envient d’avoir des titres, sous différentes formes, par exemple
recettes internationales a toujours été important. J’ai UniFrance, d’avoir des films et cette place-là, d’avoir cette via le prix d’aide à la distribution décerné lors
toujours pensé que l’étranger était un enjeu essentiel industrie. Une industrie qui, malgré les difficultés, reste des Französische Filmtage de Tübingen (une
pour la bonne marche du cinéma français. variée, jeune, avec beaucoup de femmes réalisatrices et collaboration entre la MFG, l’Ofaj et UniFrance),
Pendant mon mandat, j’ai proposé d’ouvrir, non sans productrices. qui a été attribué au Goût des merveilles d’Éric
mal, la présidence d’UniFrance aux deux autres collèges J’étais président à un moment où l’international et la salle Besnard en 2016 ou à Patients de Grand Corps
qui le composent, artistes et exportateurs, en plus ont évolué avec le poids des plateformes. C’est un défi Malade et Medhi Idir en 2017. Puis, UniFrance
des producteurs. Parce que, sans parler des exporta- de savoir quel travail on doit mener pour l’exploitation est toujours à l’écoute et défend l’importance et
teurs, certains artistes, notamment les réalisateurs, internationale avec elles alors qu’il est de plus en plus le besoin de la présence des équipes de films
connaissaient mieux les distributeurs étrangers, qui difficile pour les films français de sortir en salle à l’étran- lors de nos sorties.
les invitaient lors de la sortie, que les producteurs. Ils ger. Il ne s’agit pas de renoncer à la salle, mais, hors de La première fois que j’ai découvert les activités
avaient déjà vu une salle japonaise ou russe. nos frontières, ce n’est plus que ça. C’était important d’y de cette association, c’était lors du Festival de
Mais il a toujours été compliqué d’expliquer aux acteurs réfléchir dans le cadre UniFrance. Car, avant ou pendant Berlin, il y a bien longtemps. Puis, j’ai été invité
que le fait de se déplacer à l’étranger est certes dans mon mandat, j’ai toujours apprécié que cette association aux Rendez-Vous de Paris, la première fois en
l’intérêt du film pour sa sortie dans un territoire mais soit un lieu transversal de réflexion et de débat pour le 2000 si je me souviens bien. L’un de mes sou-
aussi dans leur propre intérêt pour devenir des stars cinéma français. venirs particulièrement émouvants avec eux
dans d’autres pays. En Europe, j’ai souvent regretté qu’à la différence de mani- a été lorsqu’ils nous ont décerné le French
La promotion des titres était une partie très importante festations lointaines comme à New York ou au Japon, il Cinema Award en 2017. Je leur souhaite bien
du travail bien sûr, mais une association doit aussi était plus difficile d’emmener quelques comédiens, même évidemment un bel anniversaire et encore au
œuvrer pour ses adhérents. Donc j’ai essayé de défendre à Barcelone ou en Allemagne. Alors qu’il y a un déficit moins 70 ans à venir ! Selon moi, dans dix ans,
les intérêts des exportateurs, de leur faire rencontrer des de notoriété des comédiens, plus chez les hommes que ils seront toujours à Paris, Cannes ainsi que
distributeurs locaux, de réfléchir à comment les encou- chez les femmes d’ailleurs, comparé à d’autres époques. dans les festivals du monde entier, assumant
rager à mieux acheter nos films, etc. Et de la même Margaret avait travaillé là-dessus et nous avons essayé de sans relâche la promotion du cinéma français
manière, j’ai voulu créer des moments de rencontre faire cette pédagogie auprès de leurs agents. Mais c’est avec passion.” Vincent Le Leurch
entre les réalisateurs et les distributeurs étrangers, pour le combat perpétuel d’UniFrance !
leur faire comprendre les difficultés des professionnels J’ai aussi constaté que tout le monde n’a pas encore
locaux. J’ai aussi travaillé sur la coproduction en Europe, cette notion du poids de l’international. Une partie de
le premier marché du cinéma français où ça fonctionnait, la profession reste très ancrée sur le box-office français
mais aussi sur des possibilités de coproductions avec uniquement.
des territoires très difficiles comme la Chine et le Japon. Il y a eu des producteurs, un réalisateur, il ne serait pas
Un meilleur et pire souvenir ? Les deux en même temps. illogique qu’un jour un exportateur devienne président.
Au moment justement des discussions avec les Japonais Après, c’est un poste chronophage et qui demande de
pour tenter d’aboutir à un accord de coproduction, côté s’impliquer.” Sarah Drouhaud
français, nous expliquons tout ce que peut comporter
cet accord, alors que côté japonais il n’y avait rien.
Et là Kiyoshi Kurosawa me demande : “Qu’est-ce que
je peux faire ? Épouser une Française pour avoir la © NEUE VISIONEN
nationalité ?” Sarah Drouhaud
LES DATES CLÉS
1949 : Naissance d’UniFrance 1968 : Ouvert en 1955,
le 30 août, renommé sur la base le bureau new-yorkais d’UniFrance 1974 : Le premier marché 1988 : Daniel Toscan du Plantier
de l’Association française de diffusion est fermé suite à des coupes budgétaires. du film français se tient 1984 : UniFrance est élu président d’UniFrance
et d’expansion cinématographique Les premières projections à New York avec devient UniFrance le 23 juin, soutenu par Jack Lang,
(Afdec), elle-même créée le 25 avril dans les universités américaines débutent. 38 longs projetés International. ministre de la Culture, et Jérôme
de la même année. et 80 professionnels réunis. Clément, directeur du CNC.
17 mai 2019