Page 21 - LFF4_web
P. 21
21
Séance spéciale
QUE SEA LEY
LEUR CORPS EST À ELLES
Fils du réalisateur argentin Fernando E. Solanas – lui-même habitué de Cannes,
où il a présenté plusieurs films en compétition, parmi lesquels Le Sud (prix de
la mise en scène en 1988) et Le voyage (grand prix de la CST en 1992) –, Juan
Solanas a reçu le prix du jury 2003 pour son court métrage L’homme sans tête,
puis a montré son premier long, Nordeste, en 2005 à Un certain regard, suivi
d’Upside Down (2012). Au moment où son père présente Le grain et l’ivraie, le
documentaire à charge qu’il a consacré aux ravages de l’agriculture transgénique,
c’est lui aussi cette forme qu’il adopte pour rendre compte dans Que sea ley de
l’impact réel de la légalisation de l’avortement sur la société argentine votée le
14 juin 2018. Huit mois durant, le cinéaste a parcouru 4 000 kilomètres à travers
le pays pour sonder les femmes sur cette révolution des mœurs qui marque
l’aboutissement d’un long combat. J.-P. G. © DR
Séance de minuit
LUX ÆTERNA
HISTOIRES DE SORCIÈRES
C’est la troisième fois que Gaspar Noé, primé à la Semaine de la critique
pour Carne en 1991 et Seul contre tous en 1998, a les honneurs d’une
séance de minuit, après le tollé provoqué par Irréversible en 2002, et la
projection en 3D de Love en 2015. Un an après avoir présenté Climax
à la Quinzaine, le réalisateur d’Enter the Void (en compétition en 2009)
revient avec Lux Æterna, un moyen métrage décrit par Thierry Frémaux
comme “un essai sur le cinéma, sur la cinéphilie et sur l’hystérie des
plateaux” à travers la rencontre sur un tournage de Béatrice Dalle et
Charlotte Gainsbourg qui “se racontent des histoires de sorcières”. Une
mise en abyme qui réunit la comédienne déjà vue en séance de minuit
dans The Blackout d’Abel Ferrara en 1997 et Trouble Every Day de Claire
Denis en 2001, et celle qui décrocha le prix d’interprétation féminine pour
© DR Antichrist de Lars von Trier en 2009. J.-P. G.
Hors compétition
LES PLUS BELLES ANNÉES D’UNE VIE
L’AMOUR… TOUJOURS !
Palme d’or à 28 ans pour Un homme et une femme (1966), Claude Lelouch a montré
plusieurs de ses films à Cannes dont sa suite, Un homme et une femme, 20 ans
déjà en 1986, et aujourd’hui Les plus belles années d’une vie, “cet épilogue qui
n’est surtout pas une fin”. Très attaché aux symboles, le réalisateur y retrouve
Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant, ce film constituant l’ultime composition
de Francis Lai, disparu en novembre dernier et relayé par Calogero. “J’ai toujours
essayé d’être un homme de mon temps, ajoute Claude Lelouch. Nous avons tourné
avec des caméras numériques principalement (des Sony F55), et même avec des
smartphones (iPhone Xs Max) pour les séquences les plus intimes. Ces nouvelles
caméras, j’en ai rêvé toute ma vie ! Je suis passé par tous les formats : le 8 mm,
le 16 mm, le 35 mm, le super 35 et même le 70 mm. J’ai passé ma vie derrière
des caméras souvent lourdes, encombrantes. De la Caméflex (pour Un homme
et une femme notamment) en passant par l’Arriflex (à partir de La bonne année),
qui était déjà une révolution à l’époque ! Pour filmer la chair de poule au plus
près – ce qui reste pour moi l’aristocratie de ce métier –, il est essentiel de libérer
les acteurs. Aujourd’hui, ces caméras numériques et le smartphone permettent
cette quête de vérité !” Reste que le plus difficile a été d’obtenir “l’accord de Jean-
Louis Trintignant et d’Anouk Aimée. Ils avaient très peur, 52 ans après, de ne
pas être à la hauteur. Le film, tourné dans l’ordre chronologique, s’est nourri de
cette réalité, du trac de se retrouver. Cette énergie que retrouve Jean-Louis en
jouant au contact d’Anouk est née au fur et à mesure du tournage. C’est comme
le reportage d’une rencontre. J’essaie de ne pas être un metteur en scène… mais
un metteur en vie ! Filmer la spontanéité est une obsession chez moi, à mi-che-
min entre le mensonge et la vérité. Donc j’essaie d’être le coach idéal pour mes
acteurs, en leur permettant d’aller au bout de leur vérité, de leurs cicatrices et de
leur joie.” De Cannes, il déclare : “Comme je suis très joueur, j’ai bien l’intention
de fréquenter ce ‘casino’ jusqu’à ma dernière image” et “comme je vois la ligne © METROPOLITAN FILMEXPORT
d’arrivée se rapprocher doucement, j’ai envie de faire plaisir à ma boulimie de
cinéma… et me shooter de plus en plus !”
Propos recueillis par J.-P. G.
18 mai 2019