Annecy 2019 - La nouvelle stratégie ambitieuse de Sony Pictures Animation

Le festival d'Annecy a été une nouvelle fois choisi par Sony Animation Pictures (SPA) pour faire des annonces exclusives, lors d’un "studio focus" transformé en show réglé au cordeau, interventions avec prompteur comprises. Il a été ouvert par Kristine Belson qui a résumé les ambitions de SPA comme étant celles "d’un studio qui va vous surprendre". L’idée est de toucher le plus grand nombre de public possible à travers le monde grâce à des contenus différents et dotés d’une forte identité, le principe étant de sortir des sentiers battus par Pixar ou DreamWorks. Le studio en profite au passage pour retravailler son identité visuelle, une version, encore provisoire, de son nouveau logo ayant été furtivement dévoilée.

La présentation a débuté par un retour sur Spider-Man : New generation, opéré par Pam Marsden, responsable de la production au sein du studio. Cette analyse, revenant sur le travail de retour aux sources du comics d’origine, insistant sur les expérimentations, parfois audacieuses, menées en termes de stylisation et d’animation, afin d’obtenir un look bande dessinée tout en travaillant la profondeur de champ, préparait en fait le reste du focus. Car pour Kristine Belson, Spider-Man : New generation, qui a connu un succès tant public que critique, remportant en fin de compte l’Oscar 2019 du meilleur long métrage d’animation, symbolise, dans son ensemble, les ambitions futures du studio. "Tous les films d’animation des studios américains qui dominent le business depuis des années sont faits sur le même modèle souligne-t-elle. Nous voulions faire quelque chose de différent ce qui est un sacré défi. Nous y avons réussi avec Spider-man. Cela place la barre très haut car à présent tous nos films doivent s’inscrire dans cette trajectoire".

Un développement qui passe par les films d’animation pensés comme des blockbusters traditionnels, d’autres développés à l’international, la dernière voie explorée étant celle de l’animation alternative. Trois labels clairement identifiés, qui ne correspondent pas pour autant à la création de départements distincts. Dans le premier volet figure donc naturellement Angry Birds, copains comme cochons, de Thurop Van Orman et John Rice, dont la sortie est calée pour le 16 octobre. Un extrait, aux gags millimétrés redoutablement efficaces, a été projeté lors de la session. "Il faut toujours arriver à se démarquer quand on fait une suite. Je pense que ce sera le cas avec ce nouvel opus sur le monde Angry Birds qui sera une comédie très physique"».

Autre long métrage à venir, The Mitchell vs The machines, confrontera visuellement deux mondes, celui des humains, traité picturalement comme de l’animation 2D artisanale et l’univers des robots, très coloré et géométrique. "Il ne s’agit pas d’un film anti technologie mais de traiter la façon dont elle agit sur notre quotidien" résumait Kristine Belson durant la présentation. Vivo sera le premier film d’animation musical de SPA. Rythmé par une dizaine de chansons composées par Lin-Manuel Miranda (auteur compositeur ayant notamment co-écrit les chansons de Vaiana : La Légende du bout du monde), il suivra de La Havane à Miami, le voyage d’un petit singe capucin "assoiffé d’aventures et de musique", permettant ainsi d’explorer différents genres musicaux. Et le grand directeur de la photographie britannique Roger Deakins, consultant visuel, entre autres, sur la trilogie Dragons, vient de rejoindre l’équipe. Les deux films sont programmés pour la seconde moitié de 2020, le premier étant à la moitié de sa production, celle du second ayant à peine débuté.

Producteur au sein de SPA, Aron Warner est ensuite venu parler du nouvel axe de développement vers l'international dont il a la responsabilité au sein du studio. Le premier partenariat passe par un accord avec la Chine, SPA ayant rejoint en tant que partenaire le groupe Tencent pour coproduire avec eux le film Wish Dragon (photo), coproduit également avec Sparkle Roll Media, la société de la société de Jacky Chan, qui fera l’une des voix. Initié par Tencent, réalisé par Chris Appelhans et Amy Heckerling, Wish Dragon se situe donc en Chine, racontant la rencontre entre un jeune garçon prénommé Din et un dragon, invisible aux yeux des autres, mais capable de réaliser ses rêves. Actuellement en postproduction il sortira en 2020.

Le film préfigure de futures collaborations à venir ou en cours avec de nombreux autres territoires, Aron Warner évoquant notamment la Corée, l’Inde, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud, le Mexique et le Brésil, mais aussi la France et l’Espagne. SPA a ainsi l’ambition de rejoindre des projets, voire de les initier en s’appuyant sur les talents locaux. Mais rien de concret ne filtre encore à ce stade. "Ce qui caractérise à mes yeux l’animation européenne c’est qu’elle prend constamment des risques artistiques énormes en dépit de budgets très faibles" résume Aron Warner, déterminé à trouver des auteurs capables de développer "de grands récits contemporains". Et, en aparté, Kristine Belson, confie spontanément que J'ai perdu mon corps est le meilleur film qu'elle ait vu depuis longtemps.

Dernier axe de développement, l’animation alternative, présentée par les vice-présidents Katie Baron et Kevin Noel. Le principe est de découvrir de nouveaux talents en développant des œuvres ayant en commun d’expérimenter. Trois séries sont ainsi dans les tuyaux. Hungry Ghosts, d’après le roman graphique de Anthony Bourdain et Joël Rose regroupant neuf courtes histoires d'horreur basées au Japon ayant en commun le thème de la cuisine. Développé en partenariat avec Sony Pictures TV, The Boondocks, se présente comme un reboot par rapport aux 4 premières saisons déjà diffusées sur Adult Swim. Elle sera à nouveau réalisée par Aaron McGruder d'après sa bande dessinée éponyme. Quant à Superbago, ce sera une série comique décalée mêlant plusieurs techniques d’animation dont du volume. Elle est centrée sur deux allumés qui rêvent de devenir des superhéros. Aucun format n’a encore été clairement défini à ce stade.

En fin de session le réalisateur Genndy Tartakovsky (Hôtel Transylvanie) a fait une entrée digne d’une rock star pour présenter les deux longs métrages de ce label "alternatif". Black Knight sera un film de chevalerie, dans lequel un chevalier ayant failli va devoir jouer les ninjas pour sauver le Royaume qu’il était censé protéger, et Fixed, racontera la journée d’un chien qui vient de réaliser qu’on va l’emmener chez le vétérinaire pour le castrer le lendemain matin. "Cela devrait s’approcher du ton des films de Judd Appatow ou de Very bad trip. J’espère qu’aucun parent n’aura l’idée d’y emmener ses enfants. Ce ne sera vraiment pas pour eux" conclut en riant Kristine Belson.