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6 ÉVÉNEMENT
[Institutionnel]
L’UPC À L’HEURE
DE LA LOI AUDIOVISUELLE
Le président de l’Union des producteurs de cinéma (UPC),
qui organise son dîner annuel le 16 mai sur La Croisette, revient sur les enjeux
du futur projet de loi sur l’audiovisuel pour le cinéma. SARAH DROUHAUD
l’heure où le secteur de la production
cinématographique fait face à une LA RÉGULATION
crise de son financement dans un
environnement bouleversé et que A ÉTÉ MISE EN PLACE
le projet de loi sur l’audiovisuel est, DANS L’INTÉRÊT COLLECTIF
à ce stade, attendu pour l’été en
Conseil des ministres et en 2020 ET N’A PAS PROFITÉ
A au Parlement, l’UPC, qui regroupe QU’AUX PRODUCTEURS
plus de 200 membres présentant dix films à Cannes (huit
en sélection officielle et deux à la Quinzaine), évoque ses ET AYANTS DROIT
principales priorités par la voix de son président Frédéric
Brillion (Épithète Films). “Tout le travail de ce projet de DES FILMS MAIS AUSSI
loi sur l’audiovisuel pour adapter notre filière, en tout cas AUX DIFFUSEURS
en ce qui concerne le cinéma, est un travail d’équilibriste,
avec des réglages qui doivent être très fins”, expose- t-il en ET AU PUBLIC. Frédéric Brillion
préambule. L’adoption de la directive SMA, tout comme
l’a été ensuite la directive Droit d’auteur, est un combat
européen en faveur de la diversité culturelle. Une première © MICHÈLE SEBBAG
manche a été remportée quand ce texte a été adopté à d’un film. Cela empêcherait la fluidité de circulation des
Bruxelles. Maintenant, nous devons gagner la deuxième : œuvres, qui est essentielle dans l’intérêt général, notam- Frédéric Brillion, président
en réussissant sa transposition en droit français, en ment du public, et consubstantielle de l’indépendance : de l’Union des producteurs de cinéma.
faveur de la création. Depuis 70 ans, la France maintient nous sommes indépendants parce que nous savons faire
une régulation très réactive, réadaptable et réadaptée passer les œuvres d’un mode d’exploitation à l’autre. Et
en permanence. Nous avons gagné les batailles sur a-t-on envie aujourd’hui que les films ne puissent être directeur du cinéma, ou sur les sujets des jours interdits,
l’Exception culturelle. Nous évoluons depuis dans un diffusés que chez tel ou tel opérateur exclusivement ? des coupures publicitaires, à l’heure où est réclamée par
modèle de diversité culturelle et il y a aujourd’hui eu un Enfermer les œuvres dans un seul lieu de commercia- les chaînes privées une troisième coupure publicitaire,
engagement politique fort de la France pour l’imposer lisation, est-ce une piste politique qui nous intéresse ou encore des obligations d’investissement par chaîne
au niveau européen : ce n’est donc pas maintenant en termes d’accès pour les spectateurs ? Cela a pour au niveau des groupes.”
que nous allons baisser les bras. Il faut continuer dans corollaire le financement des œuvres. Et vu l’échelle Il ajoute, en réponse à certaines déclarations ou positions
cette dynamique. Nous avons la capacité de réguler nos de notre cinéma et du cinéma européen, si l’on veut se – dont le rapport de l’Autorité de la concurrence, qui a
marchés pour faire vivre notre diversité culturelle. La maintenir, il faudra inventer le recours à des financements ulcéré toute la filière de la création en ne tenant compte
régulation, également pratiquée par les États-Unis, est européens. Multiplier les partenaires d’un film permet que de l’économie des diffuseurs télévisuels et non de
un moyen d’action moderne et efficace pour faire respecter d’obtenir des budgets de production plus importants, celle de la création –, que “la régulation a été mise en place
la logique de filière dans laquelle les marchés audiovisuels nécessaires pour certains sujets.” dans l’intérêt collectif et n’a pas profité qu’aux producteurs
doivent évoluer.” et ayants droit des films mais aussi aux diffuseurs et au
Parmi les propositions évoquées par certains, l’UPC est LE FINANCEMENT DES ŒUVRES public. On peut estimer que des investisseurs voient que
farouchement contre la fusion des obligations d’investis- UN SUJET PRIORITAIRE le cinéma est un domaine où il y a une réelle économie et
sement dans la production cinéma et dans la production Plus largement, pour Frédéric Brillion, la bataille actuelle un public. Par rapport aux plateformes, la chronologie des
audiovisuelle. “Cette mesure serait destructrice sans porte sur les œuvres, ce qui implique donc leur finan- médias signée l’an passé, que nous savons tous transi-
rien construire. Pour France Télévisions par exemple, un cement : “Il y a des sujets qui ont tendance à remonter toire, a l’avantage, au rythme où vont les choses, de donner
chiffre est parlant : la production audiovisuelle représente en haut des déclarations, toujours en amont, et ce sont un peu de temps pour adapter notre système. Celui-ci a
420 M€ d’investissements par an et le cinéma 60 M€. souvent les dossiers que l’on ne règle pas. C’est le cas de montré sa capacité d’évolution tout en restant stable. Et
Pour augmenter de 5% le financement de l’audiovisuel, la lutte contre le piratage, qui demeure pourtant une de si des opérateurs doivent arriver dans la chronologie, il
il faudrait diminuer de 30% celui du cinéma. D’un côté, nos priorités. Je ne voudrais pas que le financement de sera important de leur imposer des obligations propres au
on ferait progresser la fiction de 5%, de l’autre, on tuerait la création soit simplement une pétition de principe. Je le cinéma, distinctes de l’audiovisuel. En outre, la transposi-
le cinéma…”, prévient Frédéric Brillion. répète, c’est à l’intérieur de la régulation, pas à pas, que tion de la directive ne doit pas être utilisée pour abaisser les
Un autre sujet majeur du syndicat est de faire en sorte, l’on adaptera notre modèle.” quotas d’exposition des œuvres en France, quand la direc-
dans cette loi sur l’audiovisuel, de préserver la circulation L’UPC prône par ailleurs que la future loi procure un tive SMA a fixé à 30% le quota d’exposition des œuvres
des œuvres. “Les textes actuels ont défini l’indépendance statut aux accords professionnels. À l’instar de celui sur européennes aux plateformes. La question du contrôle et
d’une œuvre par plusieurs critères, capitalistiques et de la chronologie des médias, qui est prévu par la loi. “Il de la transparence des données relatives à l’exploitation
détentions de droits. Certains proposent de revenir au s’agirait par exemple d’inscrire dans la loi le recours à des films par les plateformes de vidéo à la demande par
seul critère de détention capitalistique, ce qui permettrait ce type d’accord pour la diffusion des films en salle, le abonnement est également un des sujets que doit prendre
à un unique opérateur de prendre la plupart des droits lieu qui est le déclencheur de la chronologie et le marché en compte le projet de loi sur l’audiovisuel.”
16 mai 2019