Page 9 - LFF2_web
P. 9
9 En partenariat avec
Guillaume de Tonquédec, média pour raconter cette histoire. Le scé-
Yoann Guillouzouic, nario (adapté du roman de Yasmina Kadhar
Jean-Robert Viallet, publié chez Julliard, Ndlr), était à l’origine
Mara Gourd-Mercado, très nourri littérairement. Aussi, il y avait
Alice Odiot, Robin Renucci, possibilité de s’échapper visuellement.
Mathieu Demy
et Gérard Jugnot.
Comment Eléa est-elle arrivée
sur le film ?
Z.B. : Nous avons émis un appel d’offres.
qu’une partie de la solution. Aujourd’hui, Ma première exigence était que le style choses, comme le traitement de la violence
on fait encore des films pour qu’ils soient graphique ne devait pas du tout ressem- du quotidien des Afghans à l’époque.
vus sur grand écran. Il faut continuer à bler à celui des productions d’animation
réfléchir sur la salle de cinéma. actuelles, et que les personnages soient très Vous avez filmé au préalable
caractérisés. Il fallait trouver une identité les acteurs en situation, afin de servir
À vos yeux, Cannes devient visuelle spécifique, à la fois réaliste et de base à la création graphique…
une place importante intime. La proposition d’Eléa était la bonne. Z.B. : Ce fut ma condition principale. À
pour le documentaire ? mon sens, le jeu d’acteur est si fonda-
Cela fait quatre ans que je viens et j’ai Eléa, comment avez-vous préparé mental, et tellement minutieux qu’il était
vraiment pu constater l’évolution du Doc l’élaboration graphique ? hors de question de le perdre en passant
Corner. Le Festival accueille de plus en Eléa Gobbé-Mévellec : Les Armateurs à l’animation. Dans une interprétation, le
plus de documentaires dans toutes ses connaissaient mon travail en tant que geste et la posture s’accordent avec le ton,
sections. Or le monde entier se retrouve dessinatrice sur Ernest et Célestine. ils sont indissociables pour caractériser un
à Cannes. Cela permet aux cinéastes de C’était un graphisme assez proche, très personnage. Mais la volonté était aussi de
trouver éventuellement des distributeurs. plastique, autour duquel j’ai pu dévelop- ne pas faire de rotoscopie, de partir sur une
Nous avons samedi un showcase Canada per une vision et une ambiance propre à création originale.
au Docs-in-progress où nous accompa- Kaboul. Dans la documentation que j’ai E.G.M. : Le défi technique, ensuite, était
gnons quatre films de réalisatrices qui réunie sur la ville et l’Afghanistan, j’ai de choisir quel détail, quel geste, mettre
viendront les pitcher et en présenter un repéré plusieurs éléments propices à la en avant par le dessin dans chaque scène.
extrait. Patrice Carré mise en image, et notamment les lumières Le postulat graphique d’un blanc qui fait Gérard Jugnot.
fortes ou saturées qui donnent beaucoup apparaître ou disparaître les lignes exigeait
de contrastes. beaucoup de choix. Sylvain Devarieux
© JULIEN LIENARD POUR “LE FILM FRANÇAIS” Eléa Gobbé- de raconter cette histoire en étant Gérard Jugnot Je fais un petit caméo dans Ducobu 3 que
N’était-ce pas une contrainte
Et le cinéma ?
si loin de Kaboul ?
Mévellec
Z.B. : Les documentaires ne manquent pas
sur le pays, son histoire et ses habitants,
et Zabou
va réaliser Elie Semoun. Je devrais ensuite
des talibans dans les années 2000. Nous
Breitman et sur la vie de ces derniers sous le joug comédien, réalisateur tourner Pourris gâtés de Nicolas Cuche,
le remake d’un film mexicain. J’ai aussi
pouvions aussi nous appuyer sur le roman.
envie de retourner un film comme metteur
réalisatrices Ce n’était donc pas à nous d’effectuer ce Dans Quand on crie au loup en scène.
travail d’incursion, nous pouvions nous
concentrer sur autre chose. de Marilou Berri, qui sort le 3 juillet, Vous avez tourné Ali Baba
E.G.M. : C’était finalement assez précieux vous jouez un grand-père aimant ou Merlin en minisérie. La fiction
Zabou, qu’est-ce qui vous d’avoir cette distance pour se focaliser sur et facétieux dans une proposition vous intéresse ?
a convaincu de vous attacher, le ressenti à l’écran. En allant sur place, rare en France : un film d’aventures Je suis très client de séries comme
en tant que réalisatrice, à ce projet nous nous serions peut-être perdues en pour les enfants. Le bureau des légendes, Baron noir ou
Les hirondelles de Kaboul ? voulant illustrer trop d’informations. C’est L’homme de Rio… 2.0 ! J’ai été bercé Hippocrate mais aussi de séries allemandes
Zabou Breitman : J’ai été convaincue par Z.B. : Et au mieux, qu’aurions-nous fait ? enfant par le Club des Cinq. C’est le même comme Babylon Berlin ou Arthur’s Law,
les producteurs, Les Armateurs, que le des- Un autre documentaire ? Comme pour esprit, revisité par l’esprit numérique. une comédie très grinçante. J’aimerais
sin et l’animation formaient le meilleur le roman, la distance autorise plus de C’est le second film de Marilou Berri… Elle bien m’installer dans un personnage.
devait jouer dedans, puis on lui a proposé François-Pier Pelinard-Lambert
de le mettre en scène. C’est une très bonne
réalisatrice. Elle était enceinte de sept mois
et demi. C’est une grande bosseuse qui ne
lâche rien. J’avais tourné avec elle Merlin
pour TF1. Mais elle m’a rappelé que je Robin Renucci
l’avais filmée quand elle avait deux jours,
dans les bras de sa maman à la maternité. président du jury du prix de
C’est touchant. J’ai été aussi content de la meilleure création sonore
tourner avec elle. Sur les 100 films que j’ai
faits, il n’y en a que deux avec des femmes.
Vous êtes président du jury
Ces derniers temps, vous avez fait du prix de la meilleure création
beaucoup au théâtre. Entre autres sonore lancé en 2017.
avec La raison d’Aymé de et avec Comment avez-vous été amené
Isabelle Mergault que vous jouez à participer à cette aventure ?
en tournée ? C’est une proposition de Christian
On arrive à la 300 . Nous allons partir à Hugonnet, président fondateur de la
e
La Réunion et à l’île Maurice, puis la pièce Semaine du son. Et nous avons une sélec-
sera captée par C8. tion de 18 films à voir dans le cadre d’Un
certain regard à Debussy ou la restitution
sonore est excellente. Or c’est un sujet
qui m’intéresse particulièrement. Il y a
un grand pouvoir de l’image dans nos
sociétés, mais la paupière nous permet de
nous mettre en retrait alors que l’oreille ne
le peut pas. Le rapport à l’écoute me paraît
Eléa Gobbé-Mévellec très important, d’un point de vue même
et Zabou Breitman. politique.
16 mai 2019