Congrès FNCF 2020 - L’exploitation unie et solidaire au Forum de discussion
À l’occasion du traditionnel rendez-vous fédéral de cette deuxième journée de la grand-messe des exploitants français à Deauville, le secteur a exprimé ses difficultés et ses inquiétudes liées à la crise sanitaire, tout en affirmant haut et fort son unité.
“Cette période est la pire crise que notre profession ait traversé en 125 ans d’existence. Comme vous, j’attends de ce Congrès qu’il nous apporte des solutions, des perspectives, un espoir de reprise, voire du retour rapide des films et des spectateurs. Les salles de cinéma ont été exemplaires durant toute cette crise. Tous ensemble, nous allons continuer à démontrer que les exploitants de salles sont unis et solidaires pour construire le cinéma de demain, dans lequel nous garderons une place primordiale, irremplaçable et exclusive.”
Cette introduction du président de la FNCF, Richard Patry, en préambule du traditionnel Forum de discussion fédéral qui se tenait ce mardi après-midi au Grand Auditorium du CID, a posé précisément les bases et l’esprit animant ce temps d’échange, plus que jamais placé sous le signe de l’unité face à la crise.
Crise qui a été évidemment omniprésente, sur toutes les lèvres et dans tous les esprits lors de ce forum, comme elle l’a été le matin même dans les trois commissions de branches, éclairant d’une lumière nouvelle mais aggravante tous les sujets et problématiques qui traversent habituellement l’exploitation. Mais non sans provoquer une mobilisation sans égale de la profession.
Accès aux films, relance économique et éducation à l’image au menu de la petite exploitation
Ainsi, Sonia Brun, porte-parole de la branche petite exploitation, a souligné dans son rapport que “les échanges entre exploitants de la branche n’ont jamais été aussi riches et constructifs pendant cette période difficile. Cette pause forcée (la fermeture des salles de mars à juin, Ndlr) nous a permis de nous réinterroger sur nos pratiques, de chercher des solutions innovantes, et de nous rapprocher les uns des autres.”
Parmi les doléances mises en avant par la rapporteuse, on a ainsi retrouvé la problématique récurrente de l’accès aux films, pour le coup accélérée dans une période de déséquilibre de l’offre. “Nous déplorons la décision de reports de sorties et de déprogrammation de films, que nous attendions pour relancer la fréquentation, et ce, au profit des plateformes (de streaming, Ndlr).”
Rappelant au passage l’attachement de la branche à la fenêtre d’exclusivité des salles au sein de la chronologie des médias, remise en cause par le Premier ministre Jean Castex à Angoulême, l’exploitante a ensuite exprimé la demande d’une “accélération de l’accès au film pour la petite exploitation, afin de lutter contre la concurrence accrue des plateformes”. Mais aussi “un élargissement et une facilitation du partage des copies” ; “un accès à l’ensemble de l’offre de films au plus tard en 3e semaine, pour toutes les salles, dans des conditions d’exploitation raisonnables et dans le respect de la diversité des œuvres.”
"Ne faudrait-il pas raisonner non pas en nombre de séances, mais plutôt en pourcentage de séances, en fonction des spécificités de chaque lieu ?”, a interrogé la porte-parole.
Parmi les demandes fortes de la branche figurait aussi un renforcement des pouvoirs du médiateur du cinéma, “pour une meilleure régulation des sorties des films en salle, afin de favoriser une plus grande équité”.
Elle a en outre émis le souhait d’un plan d’accompagnement économique spécifique, “pour la relance de nos exploitations sur les deux prochaines années”. Plan incluant notamment l’effacement des remboursements de Cinénum, le remboursement des PGE étalé sur dix ans avec encadrement des taux, une prolongation des mesures de chômage partiel et d’exonération des charges sociales jusqu’à la fin 2020, et un déplafonnement de 30% à 50% des montants des aides à l’investissement et au fonctionnement dans le cadre de la loi Sueur.
“Les dispositifs d’éducation à l’image sont indispensables à nos cinémas”, a enfin rappelé l’exploitante, qui interpellait ainsi le CNC et les collectivités territoriales sur une augmentation du nombre de médiateurs cinéma, ainsi qu’une aide renforcée des collectivités pour le transport des scolaires.
La moyenne exploitation dans la crainte
Prenant ensuite la parole au nom de la branche moyenne exploitation, Sylvie Jaillet a, pour sa part, souligné la “situation cataclysmique” à laquelle cette catégorie de salles fait face cette année. “Sans diversité de films, après une fermeture historique de 99 jours, nous accusons aujourd’hui une chute de fréquentation de l’ordre de 70%. Cependant, une immense majorité des salles de la moyenne exploitation est restée ouverte depuis le 22 juin. Conscients de notre mission de service public, pour apporter un divertissement culturel au cœur de nos territoires, (…) au final, nous avons le sentiment d’être un peu seuls.”
La rapporteuse a pointé en outre que plusieurs “témoignages de situations dramatiques, sans précédent” ont émergé de la commission de branche le matin même. Citant au passage plusieurs éléments aggravants dans ce contexte de crise : peu de soutien des élus locaux, concurrence de séances en plein air illicites durant l’été, report et déprogrammation de sorties, renforcement des mesures sanitaires strictes en zone rouge, météo trop clémente prolongée… Par ailleurs, une tendance de “souscriptions massives de PGE” a été relevée au sein de la branche, concernant au moins 75% des exploitants présents le matin même selon la porte-parole. “Avec la crainte de ne pas être en mesure de les rembourser.”
“Notre branche attend une réponse financière forte de la part du gouvernement et du CNC”, et ce, “sans contreparties, qui seraient discriminantes pour certains de nos collègues”. Et l’exploitante d’appeler de ses vœux un “plan triennal de relance pérenne” pour affronter l’éventuel prolongement de la crise sur la durée. Parmi les autres sujets surlignés dans le rapport, notons également le souhait d’une “offre diversifiée”, l’amélioration de la qualité des œuvres françaises en invitant “le CNC à favoriser l’écriture”, la défense de la fenêtre salle à quatre mois au sein de la chronologie des médias et le renfort des dispositifs d’éducation à l’image.
“Sommes-nous face à un bouleversement structurel ou conjoncturel ? Pour l'heure, nous essayons de survivre. (…) Si cela dure, comment résister ? a questionné la rapporteuse. La crise que nous vivons est sans précédent et c’est uniquement ensemble, tous ensemble, que nous allons la surmonter. Nous avons montré une solidarité sans faille jusqu’à présent, et resteront unis pour relancer notre secteur.”
La “situation inquiétante” de la grande exploitation
Au tour de Laurence Meunier de s’exprimer en qualité de porte-parole de la branche grande exploitation, pour un rapport mettant surtout l’accent sur les difficultés financières de ses membres. “Tous les cinémas, y compris les plus grands, sont impactés par cette crise.”
Et la rapporteuse de distinguer que “la réduction du nombre de films distribués affecte tous les cinémas, mais plus encore ceux qui comptent un grand nombre d’écrans, car l’offre ne permet pas un renouvellement suffisant de leur programmation”. L’exploitante a appuyé ensuite, parlant de la “situation financière inquiétante” des cinémas, “accentuée par le climat anxiogène lié aux incertitudes sanitaires persistantes”.
La branche a exigé enfin un “soutien financier clair et précis, mis en œuvre rapidement, compte tenu de la gravité de la situation. Des mesures qui ne reposent pas sur l’exclusion de certains au prétexte de leur taille.” Parmi les principales aides attendues : “Le maintien des dispositifs d’activité partielle au-delà de 2020”, un accès aux aides de relance “dans les mêmes proportions que l’ensemble des cinémas français, sans discrimination”, sur 2021 et 2022, et la non-remise en cause de la fenêtre cinéma, “ne laissant pas les producteurs décider seuls de l’avenir de la chronologie des médias : la fenêtre salle doit être impérativement maintenue".
“Notre souhait le plus cher est de vivre à nouveau de la recette de nos spectateurs, et non dans l’attente constante de subventions. (…) Cette crise inédite et universelle, différente des précédentes, appelle des réponses non-dogmatiques. Elle ne fait toutefois qu’accélérer nos prises de conscience sur des problèmes de fond déjà existants. L’anticipation et la solidarité de toute la filière s’imposent.”
"Notre résistance, notre union”
Point d’orgue de la célébration de cet esprit solidaire et unanime du secteur, une dernière motion commune, et donc inédite, fut ensuite déposée par les trois branches de la fédération sur la scène du CID. L’occasion de remercier au passage, par la voix d’Amélie Delage prenant la parole pour l’ensemble, “les distributeurs qui ont eu le courage de sortir leur film, et le public, qui est venu les voir”.
“C’est ensemble que les cinémas continueront d’être la pierre angulaire de la diversité culturelle, de l’animation des centres-villes, des campagnes, de l’éducation à l’image et du divertissement, a poursuivi l'exploitante. Notre résistance, notre union, sont les garantes de l’exception culturelle française.”
"Nous pouvons, vous pouvez être fiers de ce combat, a déclaré plus tôt Richard Patry, toujours dans son préambule. Nous avons été à l’avant-garde de notre filière, montrant notre mobilisation, donnant le signal de la reprise, affirmant notre envie d’accueillir dans nos salles des films et du public. Mais nous avons beaucoup souffert, et douté. Prenant des coups au moral et creusant quotidiennement notre trésorerie. (…) Le plan d’urgence et de relance de la filière cinéma s’annonce être d’une importance inédite pour les salles de cinéma. Et je veux croire que le CNC, qui sera chargé de le mettre en place, aura la possibilité d’agir très rapidement, car il y a urgence. Nous avons besoin de retrouver notre trésorerie, pour tenir, tenir jusqu’à des jours meilleurs.” Réponse ce mercredi après-midi, lors du débat avec les pouvoirs publics.