Annecy 2015 - Les temps forts de la 39e édition vus par Marcel Jean, délégué artistique du festival
Le délégué artistique du festival, qui signe sa 3e sélection, a choisi cette année de mettre en avant l'Espagne ainsi que la place des femmes dans le monde de l'animation. Une programmation particulièrement riche rendue possible par la convergence vers leur sommet de nombreux cycles de production.
Pourquoi avoir choisi de faire ce focus sur l'Espagne, pays invité de cette 39e édition ?
C'est un choix qui remonte au moment ou j'ai accepté la mission de délégué artistique du Festival. Dès 2012 j'ai amorcé les discussions à propos d'un regard sur la production espagnole. Et grâce nos relais sur place nous avons rapidement établi que 2015 serait la meilleure année possible. Il y avait des projets de restauration de films du patrimoine et l'écriture d'une histoire de l'animation espagnole était en cours. Nous savons qu'il y a eu en Espagne un pionnier du cinéma d'animation en la personne de Segundo de Chomon. Mais cette cinématographie est assez mal connue et c'était l'occasion idéale pour la découvrir de manière ordonnée. Carolina López Caballero (Directrice du festival Animac et du cinéma l'Xcèntric à Barcelone) et nos collaborateurs sur place ont fait un travail remarquable. Ce cycle est unique, je ne crois pas qu'il y ait déjà eu une telle concentration de films espagnols dans un festival d'animation.
Il vous importait de mettre également les femmes en avant dans ce secteur ?
Il s'agissait d'avantage pour moi de poser la question de leur place dans l'animation d'aujourd'hui, dans la mesure où l'on sait que, historiquement, il y a eu une forme de discrimination. On a vu apparaître sur le web il y a quelques années des documents attestant que, au sein des grands studios au cours des années 40, l'idée qu'une femme soit animatrice n'était pas acceptée. On les limitait à des postes subalternes d'assistantes ou de gouacheuses. C'est une idée qui m'est venue lorsque j'ai vu qu'il y avait des femmes comme Brenda Chapman qui venait de réaliser Brave (Rebelle) ou Jennifer Lee qui faisait La reine des neiges. Cela prouvait que la situation était en train de changer. Durant la même période deux femmes recevaient le Cristal du long métrage à Annecy. En 2008 c'était Nina Paley pour Sita sings the blues puis Anca Damian en 2012 avec Le voyage de monsieur Crulic. Tout cela m'a amené à me poser la question de la place réelle des femmes dans le cinéma d'animation. Ce cycle de projections n'a pas la volonté de retracer un historique ou de faire un bilan mais de poser cette question. Et nous avons fait venir cette année des femmes jouant un rôle majeur dans ce milieu afin d'ouvrir le débat avec elles.
Cette année, vous avez changé de règle en ne sélectionnant en compétition que des films inédits. Cela vous tenait à coeur ?
Nous attendions d'avoir l'opportunité de le faire. Ce n'est pas un hasard si ce changement de règle survient cette année. Le cycle de production nous semblait en effet favorable. Si on regarde en arrière on se souvient qu'il n'y avait aucun long métrage français inédit en sélection en 2014. Minuscule avait eu sa sortie commerciale en mars. Cette année, nous sentions que c'était la bonne année pour prendre cette décision, en France comme ailleurs. Et le résultat est que nous avons un plateau particulièrement relevé.
Vous avez des attentes particulièrement fortes pour cette année ?
Pour moi chaque projection est un moment fort. Mais ce qui singularise un festival, ce sont les rencontres, les moments durant lesquels on est en mesure d'avoir accès à un contenu à la fois unique et évènementiel. Je pense par exemple à la projection du Voleur et le cordonnier en la présence de Richard Williams. Ce sera absolument exceptionnel. Tout comme la présentation par Peter Sohn des premières images de The good dinosaur. Et puis bien sûr la séance durant laquelle Byron Howard et Rich Moore nous parleront de Zootopia. Mais il faut citer les Work in Progress autour de Ballerina ou Red Turtle par exemple. Tous ces moments sont des opportunités qui ne se présenteront qu'une seule fois.
Et vous avez tissé des vrais liens avec les distributeurs ?
C'est un travail de longue haleine. Il nous a fallu construire des relations de confiance avec les distributeurs français mais aussi les grands studios étrangers. Le résultat de la programmation de cette année est le fruit de plusieurs années de travail mais aussi d'un changement dans le secteur du long métrage d'animation. Il y a de plus en plus de distributeurs. Des gens qui ne nous connaissaient pas et ne nous fréquentaient pas par le passé ont à présent toutes les raisons du monde d'être ici.
Propos recueillis par Patrice Carré
© crédit photo : © G. Piel/CITIAVous avez déjà un compte
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