Annecy 2016 - "La jeune fille sans mains", un film fait en dehors de toutes normes
Produit par Jean-Christophe Soulageon, ce premier long métrage de Sébastien Laudenbach a été animé, presque entièrement, par son seul réalisateur.
Sébastien Laudenbach a déjà réalisé sept courts métrages, les alternant avec des travaux de commande, comme des génériques pour les films d'Emmanuel Mouret. Pour autant, il est difficile de trouver le fil rouge entre toutes ses œuvres, notamment du point de vue de la technique. "Ma particularité, c’est que je recommence à chaque fois, précise le cinéaste. Je dis souvent que j’ai fait sept premiers films, tous différents. Certes, il y a une thématique commune mais je n’ai pas un style marqué." La rencontre avec Jean-Christophe Soulageon (Les Films Sauvages) s'est faite en 1999, lors du Festival de Clermont-Ferrand où Sébastien Laudenbach présentait Journal, son film de fin d’études.
La genèse de La jeune fille sans mains est complexe. "Les Films Pelléas m’ont proposé d’adapter une pièce d'Olivier Py, La jeune fille, le diable et le moulin. C’était en 2001 et je sortais à peine de l’école. On a développé le projet pendant sept ans, en écrivant plusieurs versions du scénario et en faisant un storyboard complet. On a fait des marchés avec différents pilotes, on avait des partenaires en distribution mais on n’a pas trouvé assez d’argent pour faire le film tel qu’on le voulait."
Mis de côté, le projet a continué d’habiter Sébastien Laudenbach qui lit également le conte de Grimm ayant inspiré Olivier Py. "J’ai pensé alors le faire en prises de vues réelles avec des acteurs. J’ai envoyé un synopsis d’une dizaine de pages à un producteur italien qui ne l’a jamais reçu. Ensuite, le projet est resté dans un tiroir." La réalisation de son dernier court métrage XI la force, en une dizaine de jours, lui donne l’idée de reprendre La jeune fille sans mains. Accompagnant sa femme cinéaste en résidence à la Villa Médicis, Sébastien Laudenbach décide de se lancer tout seul dans la réalisation de son film. "Les temps d’attente étaient trop insupportables, notamment les délais de réponse de diffuseurs qui peuvent prendre un an pour dire non. Alors j’ai mis à la poubelle tout ce qui avait été développé et je suis reparti de zéro, en improvisant du premier plan jusqu’au dernier, en suivant juste le canevas du conte. Et j’ai dessiné pendant neuf mois en filmant au banc titre. Je suis rentré à Paris avec plein de dessins sans savoir ce que cela pouvait donner de façon précise. Je pensais avoir environs 45 minutes de film."
Jean-Christophe Soulageon, qui travaillait parallèlement avec le réalisateur sur un autre projet, découvre alors ce travail et s’y intéresse aussitôt. Une aide à la réécriture est décrochée au Fonds d’aide à l’innovation audiovisuelle du CNC. "On l’a eu en disant que ce film avait été écrit avec des dessins, ce que la commission a accepté." Six mois plus tard, une vision d’ensemble du film commence à apparaître. Puis les 20 premières minutes sont finalisées, ce qui permet à Jean-Christophe Soulageon de convaincre Shellac de mettre un MG pour la distribution. Mais il faudra encore de nombreux tours de table avant de réussir à boucler un financement minimum. Car le film est atypique. Sans scénario, il a été animé entièrement seul par son réalisateur. "Il y a juste eu le renfort d’un animateur extérieur pour les papillons. Et à la fin, j’ai reçu de l’aide pour le compositing et le montage image et son."
Le bout à bout est terminé en novembre 2015. Mais du fait de la méthode de travail utilisée, le film présente alors de nombreux problèmes de narration, de raccords et de rythme. "Tout ce qui aurait dû être réglé au storyboard l’a été en fait à la fin. Même chose pour les dialogues. Quelque part, c’est un peu un film fait à l’envers, comme une chaussette retournée. Je sais ce que j’ai perdu, mais je sais aussi que j’ai gagné beaucoup plus, à commencer par une énorme liberté doublée d’un vrai plaisir. L’animation n’était plus l’exécution de quelque chose qui était prévu à l’avance. C’était presque de l’ordre de l’écriture automatique. Et il fallait que j’aille vite et que je fasse environs 15 secondes d’animation utile par jour. C’était énorme mais cela m’a permis d’être dans une sorte de flux continu."
Trois ans pile se seront écoulés entre les premiers dessins et la première projection à Cannes dans le cadre de l’Acid. Et la sélection d’Annecy arrive comme une sorte de couronnement puisque six des courts métrages de Sébastien Laudenbach y ont déjà été sélectionnés. "Je suis très content d’y aller car je vais pouvoir parler de ma démarche à mes pairs en animation. Ce n’est pas la première expérience d’un film fait quasiment tout seul, mais au-delà de la perception que l’on peut en avoir je pense que cela peut être une boîte à outils intéressante. Et j’espère que cela va susciter des désirs."
Patrice Carré
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