Cinéma

Annecy 2016 - Aardman, 40 ans d’humour "so british"

Date de publication : 16/06/2016 - 08:30

Lors d’un keynote à Bonlieu, Peter Lord et David Sproxton sont revenus sur l’histoire d’un studio qui occupe une place à part dans l’histoire du cinéma et ne se limite pas à Wallace et Gromit.

"Il faut me considérer comme un simple hors d’œuvre alors que Peter est véritablement le plat du jour". En une seule phrase, mêlant le français et l’anglais David Sproxton plantait le cadre de la rencontre, un zeste d’absurdité et beaucoup d’humour, distillés tranquillement et sans effet de manche. Seul au pupitre, Peter Lord (photo) revenait ensuite à rebours sur les 40 ans du studio qui emploie à présent environs 80 personnes. L’occasion aussi de dévoiler ses premiers films, des courts métrages tournés en pixilation dans la campagne anglaise, avec une caméra 16 qui appartenait au père de David Sproxton.

A l’origine du nom du studio, Aardman est un personnage de superhéros maladroit qui a vu le jour sous forme d’un petit dessin animé. Ce sera leur première réalisation professionnelle. Les deux amis s’installent alors à Bristol qu’ils ne quitteront plus. Mais pour Peter Lord, la matière royale est la pâte à modeler de son enfance, l’argile dont une petite boulette qu’il n’aura de cesse de modeler ne va pas quitter sa main durant toute la durée de la rencontre. Nait alors le personnage de Morph qui va devenir un personnage récurrent et inspirera plusieurs séries dont The Amazing Adventures of Morph.

En 1985, Nick Park rejoint l’équipe. Totalement autodidacte, il utilise à son tour l’argile pour réaliser Creature Comforts, un court métrage hilarant donnant la parole aux animaux d’un zoo qui évoquent leur captivité avec humour. "L’idée de départ fut de ne pas partir d’un scénario mais de situations réelles que nous avons ensuite transposées. Tous les dialogues ont été construits à partir de vrais enregistrements faits avec des gens qui habitaient Bristol raconte Peter Lord. Le lion avec son accent latino nous a été inspiré par un étudiant brésilien qui souffrait du mal du pays". Le film remporte un Oscar en 1989. Un style était né.

Viennent ensuite Wallace et Gromit qui vont donner au studio une aura mondiale. "Faire ces films a été une aventure incroyablement excitante. Travailler en stop motion sur des personnages en pâte à modeler permet de les voir s’animer quasiment sous vos yeux. C’est très complexe à faire, cela nécessite une grande finesse, mais en même temps c’est concret et physique. Parallèlement nous avons toujours fait très attention à ce que nous voulions raconter". Avec Chicken run une nouvelle étape est franchie. "La question de le réaliser en images de synthèse s’est posée. Mais moi je tenais à rester fidèle à cet aspect "fait à la main" et j’avais peur de m’ennuyer en le faisant sur ordinateur. On s’est retrouvé avec des plateaux de tournage énormes mais il y régnait une énergie extraordinaire. Les gens travaillaient avec toutes sortes de matières, de l’argile, du bois. Mais surtout ils faisaient ça avec leurs mains". Depuis Aardman a produit six longs métrage - le dernier en date étant Shaun le mouton - et prépare Early Man, de nouveau avec Studiocanal. Ce nouveau film, dont l’action se situe à l’époque préhistorique promet "de montrer les hommes des cavernes comme vous ne les avez encore jamais vus" souligne Peter Lord. Prévu pour 2018, Early man marquera le retour de Nick Park à la réalisation.

Pour autant Aardman ne se limite pas à la stop motion. Particulièrement décalée, la série Angry Kid a été tournée dans les années 2000 avec de vrais acteurs sur le visage desquels a été greffé un masque réalisé en image de synthèse. Réalisée par Darren Walsh, elle met en scène, dans des épisodes très courts, un jeune ado rouquin totalement borderline. Son humour très noir l'a d'ailleurs réservée à un public adulte. Trois saisons d’une soixantaine d’épisodes ont été produits à ce jour.

Le modèle économique du studio passe ainsi par de multiples activités, le long métrage restant la partie la plus visible. Mais le CA de Aardman est assuré majoritairement par la télévision et la publicité. Le studio vient également de se lancer dans le créneau de la réalité virtuelle. Special delivery est ainsi un court métrage à 360°, permettant de suivre une dizaine d’histoires secondaires avec des fins différentes en fonction de l’angle de vue choisi.

Patrice Carré
© crédit photo : Citia


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