Lumière MFC 2016 - Cinq questions à Sébastien Arlaud, directeur de Celluloid Angels
La plateforme participative destinée à financer la restauration de films de patrimoine, lancée par Ymagis, entend offrir aux ayants-droits un service inédit. Une douzaine de projets sont d’ores et déjà en recherche de contributeurs, tirés par la locomotive Les tontons flingueurs.
On a déjà vu des projets de restauration de films financés sur des plateformes généralistes. Qu’apporte en plus Celluloid Angels ?
Celluloid Angels a de vrais atouts par rapport aux solutions actuelles de crowfunding. Les plateformes généralistes prennent tout par définition. Nous avions identifié trois projets de restauration menés à bien sur les trois dernières années : Les parapluies de Cherbourg, la trilogie Marcel Pagnol et un projet de Lobster autour de Buster Keaton. À l’étranger, certains projets passent aussi par des solutions de financement participatif existantes. Mais il n’existe aucune plateforme spécialisée dans le patrimoine. Or, sur une généraliste, on ne peut pas toucher un public ciblé. En outre, c’est le porteur de projet qui gère entièrement sa campagne en amont, comme en aval, y compris les contreparties. C’est un travail colossal et extrêmement chronophage. Celluloid Angels permet de toucher une communauté fortement sensibilisée aux problématiques de la restauration. De plus, nous prenons entièrement en charge l’organisation de la campagne. Nous offrons donc aux ayants-droits et aux distributeurs une communauté constituée et un service intégré. C’est totalement nouveau.
C’est une plateforme qui a vocation à se développer sur l’international ?
En France, nous avons la chance incroyable d’avoir le CNC, qui soutient la restauration et la diffusion du film de patrimoine. Mais c’est l’exception. Ailleurs, c’est un désert en termes de financement. Et je pense que le monde de demain ressemblera peut-être plus à cela qu’au paysage français. Donc, nous sommes dans l’anticipation. Pour le moment, des films qui ont été refusés au CNC viennent chercher de l’aide sur la plateforme, où ils côtoient des films ayant seulement besoin de compléments. Mais à l’étranger, nous aurons quasiment des projets de restauration non financés. Nous allons rapidement proposer des projets internationaux afin que les communautés de cinéphiles du monde entier puissent s’intéresser aux mêmes films.
Combien de films en cours ?
Nous en avons une douzaine. Le dernier que nous avons lancé est un film que l’on croyait perdu, avec Jean Gabin : La belle marinière, réalisé en 1932 par Harry Lachman. Il a été retrouvé à UCLA, dans une boîte qui n’avait pas le bon titre. C’est la seule copie au monde qui existe. Nous travaillons aussi sur d’autres titres, comme Le dernier des six de Georges Lacombe ou encore Le grand bleu et La folie des grandeurs. Et nous lançons aussi une campagne pour L’empire des sens. Le film a été restauré, mais nous finançons un projet destiné à créer une copie 35 pour l’international. Et tous ces titres sont tirés par une locomotive, qui est celle des Tontons flingueurs.
Comment s’est organisée la campagne pour Les tontons flingueurs ?
Cela s’est accéléré sur la fin, comme toutes les campagnes de crowfunding. Nous avons atteint les 100% lors du dernier week-end de la campagne, qui se clôture le 16 octobre et cela continue à grimper (un chiffre qui est de 117 % le 11 octobre, Ndlr). Nous avons mis en place diverses opérations pour doper le processus. Tout d’abord, un réseau d’ambassadeurs Celluloid Angels, qui seront tous les passionnés d’un film. Ensuite, deux villes sont en train de mobiliser leurs citoyens afin de soutenir le projet des Tontons flingueurs. Il s’agit de Saint-Prix, dans le Val d’Oise, et de Montauban (Tarn-et-Garonne, Ndlr). C’est une véritable participation citoyenne à un évènement qui va leur revenir, puisqu’il y aura dans ces deux villes une projection particulièrement festive du film restauré. Cela rejoint une réflexion sur le devenir de la salle. Est-ce que le film suffit à faire venir les gens ? Il faut parfois raconter des histoires qui vont au-delà. Enfin, nous avons ouvert aussi aux entreprises. Une société de conseil, Twelve Consulting, va ainsi couvrir 10% du budget. J’aimerai démocratiser cela en amenant des entreprises vers la restauration, afin qu’elles en tirent quelque chose en termes d’image de marque et de communication.
Et après les Tontons, quel serait le projet à mettre en avant ?
Il y a Le grand bleu, qui est pour le moment très loin des Tontons. Le film a beaucoup de fans mais très différents. Les fans des Tontons, ne parlent pas du réalisateur mais d’Audiard, des acteurs et des dialogues. Pour Le grand bleu, c’est le film qui est mis en avant, avec ceux qui détestent et ceux qui adorent. Je pense que Le grand bleu a procuré aux gens une expérience qui va au-delà du cinéma, en impactant leur vie. Ce ne sont pas forcément des cinéphiles, que l’on pourrait amener à soutenir d’autres films. En fait, je pense que chaque œuvre nécessite une approche personnalisée. En lançant ainsi plusieurs projets, nous pouvons tester différents concepts. Cela nous permet de voir comment les internautes réagissent et d’élaborer peu à peu notre modèle.
Propos recueillis par Patrice Carré
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