Cinéma

Lumière MFC 2016 - Éric Miot : “Le travail sur le patrimoine va à l’encontre de la vitesse dans laquelle on est engagé aujourd’hui”

Date de publication : 13/10/2016 - 08:36

Ayant pris la direction du groupe patrimoine de l’Afcae depuis la fin juin, Éric Miot est délégué général du festival d’Arras et a programmé pendant plus de quinze ans la salle du Majestic à Lille.

Peut-on parler d'une explosion de l’offre sur le marché du film de patrimoine ?
Oui et pas seulement dans les salles de cinéma. C’est lié à des événements spécifiques et depuis peu à des festivals spécialisés qui créent des rendez-vous. Et certains festivals comme le mien consacrent, parfois depuis longtemps, une place au répertoire. Avoir accès à autant de titres est formidable car c’était bien plus compliqué auparavant. Ce qui est devenu complexe, c’est le fait de se retrouver avec un type de sorties comparables à ce qui peut se faire pour des films frais. C’est pour cela que le groupe patrimoine de l’Afcae labellise une vingtaine de films par an. C’est un coup de projecteur sur des titres qui nous paraissent pertinents, afin d’aider les exploitants à faire leur choix.

Les restaurations vous donnent donc un plus large choix ?
Il est colossal. Il y a eu une période transitoire au début de la numérisation, mais aujourd’hui il existe un nombre considérable de films de tout type en réédition. On peut aller puiser dans les catalogues, créer ses propres ciné-clubs. On n’est plus limité et cela donne à chaque exploitant la possibilité de personnaliser sa programmation. En même temps, le film de patrimoine s’est parfois un peu mis au diapason des sorties d’actualité. Les courbes qui étaient auparavant assez horizontales s’alignent à présent sur celles des films frais. La grande force c’est qu’on peut les ressortir quand on veut, d’autant qu’il n’y a plus d’usure des copies. Du temps du 35 mm, il y avait les sorties Paris, puis province et le dernier récupérait une copie en stade final. Et puis le numérique a aussi grandement simplifié la circulation des œuvres.

Les succès des films de patrimoine ne sont-ils pas très fluctuants en fonction des lieux ?
L’exploitant a plus que jamais un rôle de passeur à jouer sur le patrimoine car il faut très bien connaître son public et aller le chercher. Dans certains lieux, on aura affaire à un public plus jeune, intéressé par le cinéma des années 1970 à 1980. Dans d’autres, des spectateurs plus âgés se tourneront davantage vers les films des années 1940 ou 1950. En outre, il faut bien marquer la différence par rapport à des diffusions habituelles. On ne montre pas un film de patrimoine comme un film d’actualité. Il faut donner des clefs. Le plus dur aujourd’hui, c’est de capter les 15 à 30 ans et d’arriver à les convaincre qu’un film se voit en salle. Il faut leur redonner le goût de la salle et c’est pour cela que l’éducation à l’image a un rôle préalable très important à jouer.

Qu’est ce qui peut pousser des salles à diffuser du patrimoine ? Et au contraire, qu’est ce qui peut les freiner ?
Pour ce type de films, on va peut-être s’adresser à un public qui ne viendra pas voir autre chose. Donc cela passe par une diversification de l’offre, qui est essentielle pour une salle. En outre, elle va jouer un rôle éducatif en formant le public à mieux comprendre les films. Pour comprendre le cinéma d’aujourd’hui, il faut connaître les œuvres du passé. C’est essentiel. Une salle art et essai n’est pas un simple diffuseur d’images. Ensuite, ce qui peut freiner une salle, c’est le temps qu’il faut pour convaincre un public. Le travail de répertoire, quel qu’il soit, est un travail sur le long terme. Il va à l’encontre de la vitesse dans laquelle nous sommes engagés aujourd’hui. Quand nous avons commencé à programmer le Majestic à Lille, en 1999, il nous a fallu un an pour trouver notre public. Mais ensuite, quand c’est parti, on ne revient pas en arrière.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : © Benjamin Deneuféglise


L’accès à cet article est réservé aux abonnés.

Vous avez déjà un compte


Accès 24 heures

Pour lire cet article et accéder à tous les contenus du site durant 24 heures
cliquez ici


Recevez nos alertes email gratuites

s'inscrire