Lumière MFC 2016 – Un point sur le devenir des droits en cas de cessation d’activité
Le premier rendez-vous de la 4e édition du Marché du film classique s’est penchée sur le cas des droits en cas de procédure de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires des sociétés détentrices. L’occasion aussi d’aborder les œuvres en déshérence.
Co-organisée par l’Institut Lumière et la SACD, la première table ronde pratique du 4e MFC invitait les accrédités à se pencher sur le thème “Exploitation des films classiques : cessation d’activité, liquidation judiciaire, rachat de catalogue, quelles conséquences ?” Modérés par Anthony Bobeau, les échanges se concentraient sur l’aspect pratique du sujet, articulé en quatre parties.
Tout d’abord un point juridique, guidé par Christian Ardan, expert judiciaire près la cour d’appel et des tribunaux de Paris, spécialisé dans les domaines audiovisuels et cinéma, et Me Valérie Leloup, présidente de Mandataires judiciaires associés. Un point destiné à rappeler les bases formelles et légales autour des différentes procédures judiciaires appliquées aux sociétés. L’occasion de retracer le cas particulier du cinéma et de la création audiovisuelle dans son ensemble qui, dans le cadre d’une procédure, répondent à la fois au code des procédures collectives et au code de la propriété intellectuelle – et notamment à son article 132-30 dans ce cadre précis –, deux procédures qui se heurtent parfois dans la pratique.
Droit de résiliation : danger ou protection ?
“En cas de liquidation, il y a obligation de purger les droits de préemption des ayants-droit avant cessation de l’activité, film par film”, explique Valérie Leloup. “Or, le ‘créancé’ n’est souvent pas au courant de l’exacte étendue de ces droits, ce qui pose problème au liquidateur pour mesurer la totalité des actifs.” La juriste a également souligné la concurrence entre droits de préemption en cas de liquidation, selon laquelle producteurs et coproducteurs de l’œuvre sont prioritaires sur les auteurs et réalisateurs pour le rachat d’actifs.
L’occasion de rappeler le droit de résiliation du contrat de production audiovisuelle des auteurs et réalisateurs dans le cadre d’une liquidation judiciaire, qui a notamment fait débat dans la deuxième partie de la table ronde, durant laquelle intervenaient deux dirigeants de Gaumont : Gilles Venhard, directeur du catalogue, et Marine Forde, directrice juridique. Le premier a ainsi exprimé son opinion sur la “dangerosité de la résiliation des contrats par les auteurs”, qui peut provoquer dans certains cas le blocage total des droits d’exploitation d’une œuvre. Gilles Venhard a illustré son propos avec le cas, certes extrême, de La diagonale du fou de Richard Dembo (1984), pourtant Oscar du meilleur film étranger et prix Louis-Delluc, qui n’a jamais pu être exploité après la résiliation du contrat de son auteur-réalisateur à la suite d’une liquidation. Un point de vue vite tempéré dans la salle, où plusieurs ayant-droits ont rappelé la fonction “protectrice” de ce droit.
Rouvrir une liquidation
Les invités ont également soulevé un autre point intéressant, résultant de la modification du code civil par l’ordonnance du 12 mars 2014. Cette dernière précise que la fin d’une société n’est plus automatiquement actée par la liquidation judiciaire, mais après l’insuffisance de tous les actifs. Ce qui ouvre la possibilité, en cas de réapparition d’un “film perdu”, même des dizaines d’années plus tard, de rouvrir temporairement une liquidation le temps de sceller le sort de l’actif.
Une troisième partie de la table ronde s’est arrêté sur la déclaration de créance. Valérie Leloup a rappelé que les ayants-droit jouissaient d’un délai de deux mois à compter de la publication de l’annonce légale de liquidation pour déclarer leurs créances. “Parfois, le détenteur des droits oublie certains auteurs car leurs droits ne sont pas fixés”, a témoigné l’avocat. “Si vous ne savez pas combien déclarer, déclarez le plus possible, cela ne vous pénalisera pas : il sera toujours possible d’actualiser ensuite”, a-t-elle ajouté à l’attention des ayants-droit dans la salle. Plusieurs accrédités se sont toutefois accordés sur l’idée que ce délai réglementaire n’était pas adapté aux spécificités des œuvres cinématographiques et méritait une réforme.
En déshérence
La dernière partie de l’échange fut entièrement consacré aux œuvres en déshérence, à travers le cas pratique de la société Les Documents Cinématographiques. Dirigée par Brigitte Berg depuis sa reprise en 1989, la société, a été créée par Jean Painlevé en 1930. “Quand j’ai décidé de la reprendre, je me suis rendue compte de la nécessité de développer le catalogue, a expliqué la dirigeante. En cela, les œuvres en déshérence représentaient une belle opportunité.”
Concrètement, après être remontée dans son enquête jusqu’aux auteurs de chaque œuvre, et avoir obtenu leur approbation, la société dépose pour chaque œuvre une requête afin d’être nommée mandataire judiciaire en leur nom. La SACD, le registre public et les archives du CNC sont les principales sources pour remonter la chaîne des droits de chaque œuvre. “Car l’accord formel des auteurs est obligatoire et nécessaire.” Ceci fut l’occasion toutefois pour Gilles Venhard de rappeler la grande vigilance à exercer envers le registre public, qui laisse parfois apparaître des chaînes de droits douteuses ou montées de toute pièce par des sociétés peu scrupuleuses.
À noter que la thématique de cette table ronde sera reprise dans la rencontre technique co-organisée par la Ficam et la SACD, mais sous le prisme du devenir du matériel, en clôture du MFC ce vendredi 14 octobre.
Sylvain Devarieux
© crédit photo : 'Répulsion' de Roman Polanski (1965) - DRVous avez déjà un compte
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