Cinéma

Lumière MFC 2016 - Restaurer le son à partir des sources originales est enfin devenu possible

Date de publication : 14/10/2016 - 08:39

L’apparition de scanners permettant notamment de lire des éléments négatifs son en simulant les rendus positifs a permis des avancées spectaculaires dans le domaine de la restauration du son d’origine optique.

Avant l’arrivée du numérique, les restaurateurs son se contentaient le plus souvent d’adapter la bande son des films de patrimoine aux normes de diffusion en vigueur, quitte à faire des restaurations destructives. Par ailleurs, la technologie de l’époque ne permettait pas de lire directement les négatifs son originaux. Les procédés passaient par une lampe incandescente qui impactait un système convertissant le signal lumineux en signal électrique. Mais seule une copie positive pouvait être utilisée en raison de la nécessité d’un contraste élevé sur le support pour diminuer au maximum le bruit de fond. En outre, la chaleur émise par la lampe, interdisait la manipulation de tout élément nitrate. Avant de lancer toute restauration, il fallait donc tirer une copie positive son qui coûtait aux alentours de 4 000 € en 2000. Beaucoup d’ayants-droit rechignaient à payer une telle somme dans le but d’une opération destinée uniquement à déterminer si leur élément était exploitable ou non. De plus, dans le monde analogique, le positif tiré du négatif était un élément de 2génération avec son lot de déperdition sur les hautes et basses fréquences du signal.

Cependant, au milieu des années 2000, l’apparition d'une nouvelle génération de scanners dédiés à la captation du son va changer la donne. Au Danemark tout d’abord, l’ingénieur Henrik Lausen, spécialiste du rayon laser, est contacté par la Cinemateket de Copenhague, qui lui demande de mettre au point un scanner capable de lire les négatifs son. Partant d’une simple défileuse, ce dernier conçoit et construit le Sound Direct Laser Interface qui va permettre ce changement décisif qu’est la captation directe de la première génération du son original, sans tirage préalable, grâce à un balayage laser proposant une méthode de lecture différente des méthodes traditionnelles. Un scanner dont le labo français L.E Diapason va faire l’acquisition en 2009.

Parallèlement, à partir de 2008, l’université de La Rochelle commence à travailler sur un scanner son, destiné aussi à numériser directement les négatifs son, en collaboration avec le département restauration de Digimage, dont les équipes vont contribuer à apporter une vision de l’outil plus pragmatique, véritablement dédiée à l’exploitation. Baptisé Résonance, ce scanner linéaire capture l’élongation sonore continue en la découpant en 75 images par seconde. Un système particulièrement pertinent pour les négatifs son à densité variable, permettant d’analyser visuellement les défauts. Il est installé à Joinville-le-Pont durant l’été 2012 et fait aujourd’hui partie intégrante du département dédié au son de la Business Unit “Film Heritage & Post-Production” du groupe Hiventy. De tels outils sont rarissimes. Seuls une dizaine de Résonance et quatre autres Sound Direct Laser Interface – dont le principal concurrent est le Cosp américain –, sont actuellement en service dans le monde.

Mais, en offrant enfin un accès direct à la source première qu’est le négatif son, grâce à la simulation d’un rendu positif, ils ont offert aux restaurateurs la possibilité de toucher le Graal. “Lorsque nous avons restauré Le quai des brumes (présenté cette année à Lumière), Studiocanal nous a livré le négatif son”, se rappelle Léon Rousseau, responsable du département son de L.E. Diapason. “En ouvrant la boîte, j’ai eu la quasi-certitude que personne n’y avait touché depuis le tirage de l’inter en 1938. Et le son était sublime. Certes il y avait pas mal de restauration à faire, mais l’ensemble avait une présence très forte.” Les négatifs étaient très souvent stockés dans de bonnes conditions et n’étaient en outre jamais réutilisés en raison du coût des tirages. Pouvoir les lire en direct a donc permis une avancée majeure, la pierre angulaire de la restauration étant de partir des meilleurs éléments possibles.

Patrice Carré
© crédit photo : L.E. Diapason


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