Annecy 2017 - Guillermo del Toro : "Ce Festival baigne dans une énergie vibrante de jeunesse"
Date de publication : 15/06/2017 - 08:40
Alors que la série qu'il a créée pour DreamWorks, Trollhunters "Becoming Part 1", est présentée dans la compétition films de télévision, Guillermo del Toro est revenu à Annecy pour parrainer le premier Mifa Campus.
C'est votre seconde venue à Annecy. Le Festival aurait-il une particularité qui vous attire ?
C'est un Festival qui possède une vraie tradition tout en baignant dans une énergie vibrante de jeunesse qui est propre à la création. C'est à la fois un lieu de mémoire et un endroit où les opportunités sont nombreuses tant on y présente des nouveautés en termes de création. C'est magnifique.
Lors de votre rencontre avec les étudiants, on vous a posé une question sur le futur de l'animation et vous avez désigné la salle. La notion de transmission est importante pour vous ?
Oui, il est très important de comprendre que nous sommes uniquement les maillons d'une chaîne narrative. Dans dix ans, la plupart de ce que nous aurons fait sera tombé dans l'oubli car de nouveaux acteurs vont apparaître. Et si on comprend ça, on ne peut qu'ouvrir la porte à la génération qui arrive. De toute façon, si on ne le fait pas, ils l'ouvriront quand même.
Vous avez réalisé une série animée après de nombreuses fictions. L'animation et la prise de vues réelles ont-elles des grammaires si différentes ?
Je crois qu'il ne faut pas raisonner en termes de grammaire. Quand j'observe le travail de quelqu'un comme Brad Bird (animateur et réalisateur américain, ayant réalisé Les Indestructibles et Ratatouille, mais aussi Mission impossible : protocole Fantôme et À la poursuite de demain, Ndlr), je vois tout simplement un virtuose à l'œuvre. Mais sa mise en scène est beaucoup plus libre en animation, c'est même l'un des meilleurs dans ce domaine, parce que sa caméra est totalement libre, il n'a pas à se poser des problèmes de grue ou autre, il la met absolument où il veut. C'est vraiment une des particularités de l'animation. En prise de vues réelles, la mise en scène est très dépendante du budget, ce qui peut s'avérer plus contraignant.
Le fait est que dans l'animation, la technique permet de repousser constamment les limites. Mais vous avez quand même subi des contraintes au cours de la réalisation de Trollhunters ?
Oh oui. Liées à l'argent bien sûr, mais pas seulement. En fait dans l'animation, chaque objet que l'on utilise pour la narration doit être construit. Prenons l'exemple d'une bouteille d'eau. Pour des prises de vues réelles, on peut très facilement en acheter une. Mais dans le monde de l'animation, il faut la dessiner, la modéliser, faire la simulation pour l'eau, etc. C'est la même chose pour tout. Et au bout d'un moment, le budget vous dicte votre conduite et limite forcément votre créativité. Mais il est vrai qu'au début, avant de prendre conscience de ces problèmes, on peut avoir beaucoup d'illusions. On a l'impression de pouvoir tout faire, d'être quasi invincible.
L'animation est un processus qui est toujours très long. Comment arriver à préserver ou alimenter son désir de création ?
Dans le cas de Trollhunters, j'ai fait des allers et retours en entrant dans le processus de création, puis en le quittant pour y revenir par la suite. Quand tout le monde était heureux du résultat, je revenais doucher leur joie ou alors je motivais les équipes pour trouver des solutions aux problèmes qu'ils pouvaient rencontrer. Cela m'a permis de m'impliquer dans la fabrication, tout en gardant ma créativité intacte, mais aussi ma bonne humeur. C'était parfois assez jubilatoire de revenir en leur disant qu'il fallait absolument tout refaire. Mais je n'ai jamais hésité parce que j'ignore toute prudence. Je suis quelqu'un de téméraire ou plutôt, je suis un peu comme ces enfants qui disent toujours la vérité, parfois au grand désespoir de leurs parents.
Vous avez d'autres projets en animation ?
J'aimerai beaucoup réaliser un long métrage. Sur Trollhunters franchement, si je n'avais pas été avec Rodrigo (Blaas, son coréalisateur, Ndlr), je n'y serai pas arrivé. Cette fois je voudrai le faire entièrement seul, mais ça supposera que je m'y consacre à temps plein pendant au moins 24 mois. J'y pense constamment. Il faudra que je fasse ça au moins une fois dans ma vie.
Vous avez envie de vous lancer dans la réalité virtuelle ?
C'est vraiment une nouvelle forme de narration. Cela procède à la fois du cinéma et du jeu vidéo tout en n'ayant rien à voir avec le cinéma et le jeu vidéo. C'est quelque chose de totalement neuf qui va devoir inventer son propre langage. J'ai des idées mais je n'aurai jamais le temps de les mettre en œuvre. J'ai déjà suffisamment de choses à faire.
Propos recueillis par Patrice Carré
© crédit photo : K. Pauli/CITIA
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