Annecy 2017 - Mac Guff est né de "l'envie d'en découdre avec l'image"
Date de publication : 15/06/2017 - 08:50
Les trois fondateurs de Mac Guff Ligne, Philippe Sonrier, Rodolphe Chabrier et Jacques Bled, se sont exceptionnellement réunis pour une conférence historique, leur permettant d'évoquer en images l'histoire de leur studio, mais aussi ses nouveaux développements.
"L'idée n'était pas tant de faire une célébration que de nous pencher sur l'histoire d'une société et de ceux qui l'ont créée, car cela nous raconte quelque chose sur l'ensemble du secteur de l'animation et des effets visuels", a introduit d'entrée de jeu René Broca.
Créé en 1986, Mac Guff Ligne est en effet le fruit d'une rencontre entre trois personnalités venues d'univers très différents, réunies par le plus grand des hasards sur les bancs d'une formation à la réalisation autour des nouvelles technologies. "Cela nous a permis concrètement de commencer à faire des images ensemble avec de premiers outils, notamment des palettes graphiques et en ayant recours aux fonds bleus", résume Philippe Sonrier. Un élan créatif, "une envie de découvrir et d'en découdre avec l'image" qui caractérise un certain "esprit Mac Guff". Depuis, souligne Philippe Sonrier, "des milliers de personnes sont passées ou collaborent encore avec nous. Elles nous ont beaucoup apporté et nous avons toujours essayé de leur communiquer cet élan pour qu'elles puissent s'exprimer".
Des débuts rudimentaires
Leur premier local sera une pièce de l'appartement de Rodolphe Chabrier à Saint-Ouen, dans lequel les trois hommes réunissent un premier parc informatique composé de PC dotés de 256 kilos de mémoire vive. "On n'avait pas une idée très claire de ce que l'on voulait faire au départ", souligne Jacques Bled. Particulièrement rudimentaire, leur premier logiciel permet, non pas de créer de l'animation, mais de faire évoluer une caméra dans un univers en 3D.
Les premières images qu'ils sortent vont rapidement attirer l'attention de la presse et de créateurs comme Jean-Paul Goude, Philippe Starck ou encore Jean-Baptiste Mondino avec lequel ils vont faire un clip des Rita Mitsouko. Ils réalisent ensuite des publicités destinées à la salle. "Jacques Séguela avait dit à l'époque que cette nouvelle technique permettait de faire baisser les coûts des films publicitaires. En fait, c'était le cas uniquement parce qu'on bossait jour et nuit comme des fous, pour montrer ce que l'on pouvait faire", se remémore en souriant Rodolphe Chabrier.
À l'époque, les outils étaient totalement inexistants, aucun logiciel dédié n'ayant encore été créé. Ce qui va obliger Mac Guff à mener des bricolages parfois insensés, développant ses propres solutions, notamment logicielles, les unes après les autres, situation qui a longtemps perduré au sein du studio.
Après la pub et les clips, la société commence à travailler pour la télévision en faisant des génériques d'émissions, comme celui de La marche du siècle. Elle signe ensuite avec Canal+ la réalisation de sa première série, qui sera La vie des bêtes, basée sur le principe d'une caméra subjective, le spectateur devant deviner de quel animal il s'agit. Une série teintée d'humour noir dont les décors sont signés Philippe Starck.
Leurs premiers pas sur grand écran
Cette époque d'activité généraliste se complète par une première incursion dans le cinéma. Ce sera une image incrustée dans un poste de télévision pour le film de Wim Wenders, Jusqu'au bout du monde. Mac Guff commence à croître et embauche ses premiers intermittents, mais l'écosystème change. Avec la première guerre du Golfe, le marché publicitaire se tarit. Une rencontre avec Cécile Babiole permet au studio de travailler sur une série d'animation, produite par Ex Nihilo. Les Xons raconte l'histoire d'une tribu de squelettes aux formes monstrueuses et cocasses qui se font des farces au milieu des flammes de l’enfer. La série n'ira pas au delà du stade du pilote, mais offre à Mac Guff l'occasion de venir pour la première fois à Annecy.
Un nouveau cap est franchi avec le développement des effets spéciaux, passant notamment par un recours précurseur au morphing, qui sera, entre autres, utilisé dans un clip resté célèbre de Jean-Baptiste Mondino pour L'ennemi dans la glace d'Alain Chamfort. "C'est une époque durant laquelle on a pu se développer grâce à des partenariats réguliers avec des producteurs et des réalisateurs", rappelle Jacques Bled. "Cette connivence entre notre studio et des prescripteurs a été extrêmement importante. On n'était pas encore dans ce consumérisme permanent qui amène les producteurs à chercher constamment le prestataire le moins cher. C'est ce qui a fait que 30 ans après, nous sommes encore là". En 1997, Mac Guff réalise le générique du Doberman de Jan Kounen, ainsi que les effets spéciaux de nombreux plans. Une collaboration qui se poursuivra sur Blueberry, l'expérience secrète.
La création d'Illumination Mac Guff
L'arrivée de Pierre Coffin au sein de l'équipe permet d'envisager de passer à une nouvelle étape. Son talent d'animateur réunit les conditions nécessaires à la création d'un véritable studio d'animation. Vient l'époque de la série Pat et Stan, dont certains épisodes continuent toujours de faire des scores énormes sur internet. C'est aussi durant cette période qu'est réalisée L'odyssée de l'espèce de Jacques Malaterre. Ayant recours à de la Mocap, il signe l'arrivée de Mac Guff dans le documentaire.
Mais après la fabrication de Chasseurs de dragons, le studio se trouve face à une entropie. "On s'est rendu compte qu'il devenait difficile de tout tenir ensemble", résume Philippe Sonrier. C'est à ce moment que Universal, suite au succès de Moi, moche et méchant, propose de scinder la société en deux entités, l'une se consacrant uniquement à la fabrication de ses films. La naissance d'Illumination Mac Guff a lieu en 2011, Mac Guff "canal historique" continuant d'œuvrer sur d'autres projets en se centrant notamment sur les VFX, sans délaisser pour autant l'animation.
Mac Guff se lance dans la VR
"Notre mode de fonctionnement repose sur une constante empathie envers les réalisateurs, quitte à ce que ce soit compliqué économiquement", précise Rodolphe Chabrier. Un modèle qui peut compter également sur une R&D constante, même si Mac Guff Ligne utilise maintenant des logiciels du marché afin de ne pas pénaliser ses collaborateurs qui ne pourraient plus exporter leur savoir-faire.
Ayant déjà travaillé avec Michel Ocelot sur Azur et Aznar, Les contes de la nuit et Kirikou et Les hommes et les femmes, le studio œuvre à présent sur le nouveau film du cinéaste, Dilili à Paris, dont de premières images inédites ont été présentées à l'occasion de la conférence. Et la préproduction de SamSam, réalisé par Tanguy de Kermel, va être prochainement lancée. Mais le studio se projette encore plus loin dans l'avenir avec la création d'un département baptisé Small, entièrement dédié à la réalité virtuelle.
L'intervention des trois associés s'est conclue par une standing ovation surprise, orchestrée par Jacques Bled en faveur de René Broca et Christian Jacquemart, responsables éditoriaux des conférences Création et organisation de production depuis 2005 qui signent cette année leur dernier cycle au Mifa. "Ils ont toujours eu vis-à-vis de notre profession une attitude d'une énorme bienveillance en menant une veille attentive et tendre."
Créé en 1986, Mac Guff Ligne est en effet le fruit d'une rencontre entre trois personnalités venues d'univers très différents, réunies par le plus grand des hasards sur les bancs d'une formation à la réalisation autour des nouvelles technologies. "Cela nous a permis concrètement de commencer à faire des images ensemble avec de premiers outils, notamment des palettes graphiques et en ayant recours aux fonds bleus", résume Philippe Sonrier. Un élan créatif, "une envie de découvrir et d'en découdre avec l'image" qui caractérise un certain "esprit Mac Guff". Depuis, souligne Philippe Sonrier, "des milliers de personnes sont passées ou collaborent encore avec nous. Elles nous ont beaucoup apporté et nous avons toujours essayé de leur communiquer cet élan pour qu'elles puissent s'exprimer".
Des débuts rudimentaires
Leur premier local sera une pièce de l'appartement de Rodolphe Chabrier à Saint-Ouen, dans lequel les trois hommes réunissent un premier parc informatique composé de PC dotés de 256 kilos de mémoire vive. "On n'avait pas une idée très claire de ce que l'on voulait faire au départ", souligne Jacques Bled. Particulièrement rudimentaire, leur premier logiciel permet, non pas de créer de l'animation, mais de faire évoluer une caméra dans un univers en 3D.
Les premières images qu'ils sortent vont rapidement attirer l'attention de la presse et de créateurs comme Jean-Paul Goude, Philippe Starck ou encore Jean-Baptiste Mondino avec lequel ils vont faire un clip des Rita Mitsouko. Ils réalisent ensuite des publicités destinées à la salle. "Jacques Séguela avait dit à l'époque que cette nouvelle technique permettait de faire baisser les coûts des films publicitaires. En fait, c'était le cas uniquement parce qu'on bossait jour et nuit comme des fous, pour montrer ce que l'on pouvait faire", se remémore en souriant Rodolphe Chabrier.
À l'époque, les outils étaient totalement inexistants, aucun logiciel dédié n'ayant encore été créé. Ce qui va obliger Mac Guff à mener des bricolages parfois insensés, développant ses propres solutions, notamment logicielles, les unes après les autres, situation qui a longtemps perduré au sein du studio.
Après la pub et les clips, la société commence à travailler pour la télévision en faisant des génériques d'émissions, comme celui de La marche du siècle. Elle signe ensuite avec Canal+ la réalisation de sa première série, qui sera La vie des bêtes, basée sur le principe d'une caméra subjective, le spectateur devant deviner de quel animal il s'agit. Une série teintée d'humour noir dont les décors sont signés Philippe Starck.
Leurs premiers pas sur grand écran
Cette époque d'activité généraliste se complète par une première incursion dans le cinéma. Ce sera une image incrustée dans un poste de télévision pour le film de Wim Wenders, Jusqu'au bout du monde. Mac Guff commence à croître et embauche ses premiers intermittents, mais l'écosystème change. Avec la première guerre du Golfe, le marché publicitaire se tarit. Une rencontre avec Cécile Babiole permet au studio de travailler sur une série d'animation, produite par Ex Nihilo. Les Xons raconte l'histoire d'une tribu de squelettes aux formes monstrueuses et cocasses qui se font des farces au milieu des flammes de l’enfer. La série n'ira pas au delà du stade du pilote, mais offre à Mac Guff l'occasion de venir pour la première fois à Annecy.
Un nouveau cap est franchi avec le développement des effets spéciaux, passant notamment par un recours précurseur au morphing, qui sera, entre autres, utilisé dans un clip resté célèbre de Jean-Baptiste Mondino pour L'ennemi dans la glace d'Alain Chamfort. "C'est une époque durant laquelle on a pu se développer grâce à des partenariats réguliers avec des producteurs et des réalisateurs", rappelle Jacques Bled. "Cette connivence entre notre studio et des prescripteurs a été extrêmement importante. On n'était pas encore dans ce consumérisme permanent qui amène les producteurs à chercher constamment le prestataire le moins cher. C'est ce qui a fait que 30 ans après, nous sommes encore là". En 1997, Mac Guff réalise le générique du Doberman de Jan Kounen, ainsi que les effets spéciaux de nombreux plans. Une collaboration qui se poursuivra sur Blueberry, l'expérience secrète.
La création d'Illumination Mac Guff
L'arrivée de Pierre Coffin au sein de l'équipe permet d'envisager de passer à une nouvelle étape. Son talent d'animateur réunit les conditions nécessaires à la création d'un véritable studio d'animation. Vient l'époque de la série Pat et Stan, dont certains épisodes continuent toujours de faire des scores énormes sur internet. C'est aussi durant cette période qu'est réalisée L'odyssée de l'espèce de Jacques Malaterre. Ayant recours à de la Mocap, il signe l'arrivée de Mac Guff dans le documentaire.
Mais après la fabrication de Chasseurs de dragons, le studio se trouve face à une entropie. "On s'est rendu compte qu'il devenait difficile de tout tenir ensemble", résume Philippe Sonrier. C'est à ce moment que Universal, suite au succès de Moi, moche et méchant, propose de scinder la société en deux entités, l'une se consacrant uniquement à la fabrication de ses films. La naissance d'Illumination Mac Guff a lieu en 2011, Mac Guff "canal historique" continuant d'œuvrer sur d'autres projets en se centrant notamment sur les VFX, sans délaisser pour autant l'animation.
Mac Guff se lance dans la VR
"Notre mode de fonctionnement repose sur une constante empathie envers les réalisateurs, quitte à ce que ce soit compliqué économiquement", précise Rodolphe Chabrier. Un modèle qui peut compter également sur une R&D constante, même si Mac Guff Ligne utilise maintenant des logiciels du marché afin de ne pas pénaliser ses collaborateurs qui ne pourraient plus exporter leur savoir-faire.
Ayant déjà travaillé avec Michel Ocelot sur Azur et Aznar, Les contes de la nuit et Kirikou et Les hommes et les femmes, le studio œuvre à présent sur le nouveau film du cinéaste, Dilili à Paris, dont de premières images inédites ont été présentées à l'occasion de la conférence. Et la préproduction de SamSam, réalisé par Tanguy de Kermel, va être prochainement lancée. Mais le studio se projette encore plus loin dans l'avenir avec la création d'un département baptisé Small, entièrement dédié à la réalité virtuelle.
L'intervention des trois associés s'est conclue par une standing ovation surprise, orchestrée par Jacques Bled en faveur de René Broca et Christian Jacquemart, responsables éditoriaux des conférences Création et organisation de production depuis 2005 qui signent cette année leur dernier cycle au Mifa. "Ils ont toujours eu vis-à-vis de notre profession une attitude d'une énorme bienveillance en menant une veille attentive et tendre."
Patrice Carré
© crédit photo : Patrice Carré
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