Annecy 2017 – Après le succès des réformes TV, le SPFA se mobilise pour le cinéma d’animation
Alors que les réformes engagées par les pouvoirs publics produisent d’excellents résultats dans la production d’animation TV, le Syndicat des producteurs de films d’animation (SFPA) s’attelle à élaborer un plan pour booster le long métrage, confronté notamment à un manque de sources de financement.
"Le cinéma doit être le prochain relai de croissance de l’animation française. Les talents sont là, les producteurs et les distributeurs ont acquis une certaine expérience, il y a un besoin de financement réel. Aujourd’hui, la réforme du COSIP animation doit nous inspirer pour le cinéma" a déclaré Philippe Alessandri, le président du SPFA, en ouverture du bilan annuel du syndicat au Mifa.
Si le cinéma d’animation tricolore a lui aussi bénéficié d’un renforcement du crédit d’impôt depuis 2016 qui a permis en partie une relocalisation de la fabrication des films, sa situation n’est pas satisfaisante pour le SPFA. En salle, il a rappelé les chiffres parus dans l’étude du CNC quelques jours avant le festival d’Annecy : 35 films toutes nationalités confondues sont sortis en salle en 2016, dont 3 inédits pour 35 millions d’entrées, mais les français n’ont réalisé qu’une part de marché de 8, 4%, avec certes une fin d’année meilleure qu’elle n’avait démarré, grâce à Ma vie de courgette et Ballerina, suivi de Sahara début 2017. Le marché a été tiré en 2016 par la production américaine, qui a atteint 90% de pdm, même si deux titres ont été fabriqués sur le territoire français via Illumination Mac Guff. Côté production, le nombre de titres agréés a connu, après une année 2015 au plus bas avec 3 films seulement, un rebond avec dix films, mais "à relativiser" dixit le SPFA, car deux ont des budgets de moins de 4M€, alors que le devis médian dans l’animation est de plus de 7M€.
Pour créer une dynamique en faveur du cinéma d’animation, le SPFA a présenté trois objectifs politiques.
D’abord, il souhaite que le long métrage d’animation français puisse réaliser sur son propre marché de l’animation entre 30 et 40% de pdm, à l’instar du cinéma français en général. Alors que les meilleures années, il atteint seulement 10 à 15% de Pdm sur son marché.
Ensuite, deuxième objectif, il faut "accentuer le succès à l’export du long métrage". Le syndicat fait valoir un "potentiel très important" à l’international pour le long métrage d’animation français s’il arrive à réunir les financements nécessaires pour une qualité de production encore supérieure.
Troisième objectif enfin, lui permettre de relocaliser plus largement sa fabrication. Beaucoup de longs métrages ces dernières années et notamment ceux qui ont par la suite rencontré du succès, "ont été forcés d’exporter une partie importante de leur fabrication au Canada pour des raisons de financement " a indiqué Philippe Alessandri.
Le SPFA discute depuis plusieurs mois avec le CNC pour tenter de jouer sur tous les outils dont le Centre dispose, notamment le Fonds de soutien mais aussi les dispositifs existants pour les distributeurs et en amont les aides au développement et à la préparation, cette étape étant d’autant plus longue en animation. Le syndicat espère ainsi d’ici la fin de l’année pouvoir annoncer un plan afin que "le modèle vertueux des réformes audiovisuelles puisse être dupliqué, dans l’esprit au moins, au cinéma d’animation."
Jacques Bled (Mc Guff) a souligné le paradoxe de la situation : d'un côté la France a la capacité à fabriquer des films américains en France, chez Mac Guff et Mikros, avec donc le savoir-faire pour des films fort potentiel mais pourtant le cinéma d'animation français manque de moyens, venant de la distribution et des chaînes de télévision, pour atteindre des niveaux de budgets suffisants, comparé à ceux des films en prise de vues réelles français, pour produire des films ambitieux. Or en dehors de cas assez particuliers, cela nécessite des budgets de l'ordre de 12 à 20M€, bien supérieur au budget moyen de l'animation, 7M€. "Nous avons les talents aujourd’hui tant sur l’écriture que la réalisation pour les faire et ce sont ces films qui peuvent enregistrer le plus d’entrées tant en France qu’à l’étranger. Les ventes internationales ont été fortement tirées par ces projets plus chers fabriqués en partie à l’étranger" a-t-il souligné.
Le SPFA essaie de créer une dynamique à travers des discussions avec le CNC donc, mais aussi avec France Télévisions – qui malgré un très bon accord signé en mars dernier avec le SPFA sur l’audiovisuel (voir plus bas) n’a pas souhaité renforcer ses engagements dans le 7e Art, cantonné à trois titres par an pour France 3 cinéma-, et cherche à attirer des investisseurs de nature différentes "sachant qu’il peut y avoir des retour sur investissements excellents grâce notamment à l’international" a argumenté Jacques Bled.
L'animation audiovisuelle au beau fixe malgré un point noir, Canal+
La situation de l’animation audiovisuelle est au beau fixe, grâce aux réformes du crédit d’impôt et du Cosip, qui se traduisent par une forte hausse de l'emploi dans le secteur notamment, ainsi qu’à la signature de plusieurs accords, deux ayant reconduit des obligations existantes avec TF1 et M6, deux autres ayant renforcé les engagements de Gulli et, surtout, de France Télévisions, avec plus du doublement de son investissement entre 2016 et 2020 – passant de 29M€ à 64M€- en contrepartie d’une durée de droits plus longue.
Reste un point noir à ce tableau, le cas de Canal+. Si le groupe va ouvrir une nouvelle case animation jeunesse sur C8, une nouvelle très bien accueillie par le SPFA, reste que, outre qu’il a stoppé ses négociations avec l’ensemble des producteurs audiovisuels en vue d’un accord, la chaîne Canal+ a récemment demandé à certains producteurs de revoir le budget à la baisse, de 20%, de séries sur lesquelles elle s’était engagée, en demandant en plus une durée de droits plus longue. Le SFPA souhaiterait "une meilleure visibilité de la stratégie de Canal+ qui d’un côté affiche la volonté de proposer des programmes ambitieux et de l’autre baisse ses investissements " et réfléchit à une possible saisine du CSA pour conduite une médiation, a-t-il expliqué avant la conférence de presse tenue par Canal+ le jour même dans la soirée.
Parmi les autre sujets abordés au cours de ce bilan, le SPFA a évoqué les travaux en cours au sein de l’association Animation in Europe pour pouvoir faire des propositions à Europe Creative qui prépare un plan pour l'animation en Europe en vue du prochain programme Media, sujet qui a été l’objet d’une table ronde la veille à Annecy.
Sarah Drouhaud
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