Annecy 2017 - Jan Bultheel : "Je ne fais pas de storyboard, pour ne pas être enfermé dans un prédécoupage"
Date de publication : 17/06/2017 - 08:45
Le cinéaste flamand est venu exposer la méthode de travail qu'il avait déjà mise au point pour Cafard et qu'il a choisit de reprendre, tout en l'enrichissant, pour son nouvel opus Canaan, dont la réalisation devrait se dérouler sur la période 2018-2019.
À la fois peintre et réalisateur, Jan Bultheel possède un profil singulier, même pour un monde de l'animation que peu de choses étonnent. La conférence qui lui a été offerte vendredi matin, intitulée "Canaan (titre de son prochain film) : la recherche formelle au secours du budget", procédait de l'envie de mettre en avant le parcours atypique d'un cinéaste qui a déjà réalisé Cafard, sorti en décembre 2015. Une œuvre traversée d'un rare souffle épique, racontant l'odyssée d'un bataillon blindé belge, affecté sur le front russe pendant la première guerre mondiale. Un film pour lequel Jan Bultheel a appliqué une technique très précise, celle de la motion capture, retravaillée ensuite, pour déboucher sur un graphisme et un style très spécifiques.
Très proche du secteur artistique, et notamment de la scène bruxelloise, Jan Bultheel a déjà participé à des mises en scène en réalisant des vidéos ayant recours à de la mocap, afin de créer des interactions avec les comédiens en train de jouer. Cette expérience avec des acteurs lui fait entrevoir la possibilité de les utiliser pour un projet d'animation. "J'ai tout de suite vu le potentiel énorme de cette technique relativement simple à mettre en œuvre".
Il va rapidement avoir l'occasion de passer à l'action en découvrant un livre historique de August Thiry et Dirk Van Cleemput, retraçant l'odyssée étonnante de la première division blindée au monde, le corps ACM (Autos-Canons-Mitrailleuses) de l'armée belge, créé en décembre 1914. L'idée d'en faire un film lui vient aussitôt. La capture de mouvement sur fonds verts, offre en effet au réalisateur une totale latitude en matière de décors, lui permettant de reconstituer aussi bien Moscou en pleine révolution, que les assauts allemands sur le front russe. Cafard sera ainsi réalisé pour un budget de 2,8 M€.
Il va rapidement avoir l'occasion de passer à l'action en découvrant un livre historique de August Thiry et Dirk Van Cleemput, retraçant l'odyssée étonnante de la première division blindée au monde, le corps ACM (Autos-Canons-Mitrailleuses) de l'armée belge, créé en décembre 1914. L'idée d'en faire un film lui vient aussitôt. La capture de mouvement sur fonds verts, offre en effet au réalisateur une totale latitude en matière de décors, lui permettant de reconstituer aussi bien Moscou en pleine révolution, que les assauts allemands sur le front russe. Cafard sera ainsi réalisé pour un budget de 2,8 M€.
Mais Jan Bultheel a mis également au point une technique bien particulière en ne faisant pas de storyboard. "Je sais bien que pour le monde de l'animation, le storyboard est un peu comme le Saint Graal. Je ne sais pas si c'est quelque chose d'historique, mais je refuse d'en avoir un afin de donner aux acteurs la plus grande liberté possible lorsqu'ils jouent une scène pour la mocap. Cela leur permet de donner le maximum au niveau de l'interprétation sans être forcés de rentrer dans le prédécoupage fixé par le storyboard. La liberté artistique est ainsi totale. Normalement dans l'animation, une fois le storyboard arrêté, la plus grosse part du travail est faite, puisque tout est fixé et qu'on ne change plus grand chose par la suite. Avec ma méthode on peut garder jusqu'au bout une grande spontanéité créative".
Ce qui implique une grande préparation en amont, passant notamment par de longues séances de lecture du scénario avec les comédiens, ponctuées de beaucoup d'échanges autour de la caractérisation des personnages et de leurs relations les uns avec les autres. "On parle beaucoup à table en buvant quelques bières". Une préparation habituelle pour le théâtre et la fiction traditionnelle, mais, à priori, jamais utilisée en animation. Le tournage en mocap se fait sur un fonds vert entièrement dépouillé, sans accessoire ni costume, les acteurs n'ayant pas à se soucier d'un axe de caméra ou d'une limite de cadre. "Ils ont à se concentrer uniquement sur leur interprétation ce qui permet de déboucher sur des moments d'une intense émotion".
Toute la scène peut ainsi être jouée et capturée dans son intégralité, le découpage, le choix des axes et des focales intervenant après coup. "La seule difficulté c'est qu'on se retrouve avec des milliers de possibilité pour positionner la caméra virtuelle. Or c'est là que se font les choix déterminants de mise en scène". Un véritable défi pour le réalisateur qui, dans le même temps, n'est pas confronté à un grand nombre de prises, les acteurs trouvant rapidement leurs marques grâce aux répétitions. Une fois le découpage effectué, se déroule toute une étape de nettoyage, les résultats issus de la capture de mouvement étant affinés, voire corrigés par des animateurs.
Ce qui implique une grande préparation en amont, passant notamment par de longues séances de lecture du scénario avec les comédiens, ponctuées de beaucoup d'échanges autour de la caractérisation des personnages et de leurs relations les uns avec les autres. "On parle beaucoup à table en buvant quelques bières". Une préparation habituelle pour le théâtre et la fiction traditionnelle, mais, à priori, jamais utilisée en animation. Le tournage en mocap se fait sur un fonds vert entièrement dépouillé, sans accessoire ni costume, les acteurs n'ayant pas à se soucier d'un axe de caméra ou d'une limite de cadre. "Ils ont à se concentrer uniquement sur leur interprétation ce qui permet de déboucher sur des moments d'une intense émotion".
Toute la scène peut ainsi être jouée et capturée dans son intégralité, le découpage, le choix des axes et des focales intervenant après coup. "La seule difficulté c'est qu'on se retrouve avec des milliers de possibilité pour positionner la caméra virtuelle. Or c'est là que se font les choix déterminants de mise en scène". Un véritable défi pour le réalisateur qui, dans le même temps, n'est pas confronté à un grand nombre de prises, les acteurs trouvant rapidement leurs marques grâce aux répétitions. Une fois le découpage effectué, se déroule toute une étape de nettoyage, les résultats issus de la capture de mouvement étant affinés, voire corrigés par des animateurs.
Une technique que Jan Bultheel va de nouveau appliquer sur son nouveau projet Canaan qu'il qualifie tour à tour de western flamand, ou de Cafard 2.0. Le film est centré sur l'odyssée de Rosa, jeune fille originaire de Bruges qui choisit d'entrer dans les ordres. Nous sommes en 1840 et Rosa accepte de partir en tant missionnaire vers le Nouveau Monde. Séparée du convoi qui l'emmène vers l'ouest, sur la piste de l'Oregon, elle rencontre des indiens Lakotas. Rosa découvre alors un nouveau mode de vie qui tranche totalement avec sa culture. Pour le cinéaste, la principale difficulté du projet était de trouver un style qu'il voulait plus féminin et romantique que Cafard, film d'hommes confrontés à la violence et la guerre.
Pour ses références graphiques, Jan Bultheel va aller chercher du côté de ses peintres préférés, ceux de l'époque romantique. Le suédois Andreas Zorms, John Singer Sargent, mais surtout l'espagnol Joaquin Sorolla vont aider le cinéaste à établir son moodboard et à définir ainsi ses besoins en termes de rendu. Car si le pipeline de Canaan ne s'écarte pas sensiblement de celui de Cafard au niveau de la mocap, le rendu en peinture 2D en mouvement pose un gros défi technique en termes de texture, en raison de la nature du travail des peintres de référence, utilisateurs d'une technique proche de celle des impressionnistes. Un problème complexe, dont la résolution passe par la mise au point d'un algorithme dédié.
Après de nombreux essais, menés notamment sur des éléments naturels tels que l'eau, les nuages ou le feu, des tests de préproduction "grandeur nature" devraient être effectués cet été sur quelques minutes du film afin que la production puisse débuter véritablement à partir d'octobre. Du côté de l'interprétation, de premiers tests ont été effectués avec des comédiens flamands, une directrice de casting ayant prospecté au Canada pour faire des essais avec des acteurs amérindiens Lakotas, originaires de la Stoney Nation.
Après de nombreux essais, menés notamment sur des éléments naturels tels que l'eau, les nuages ou le feu, des tests de préproduction "grandeur nature" devraient être effectués cet été sur quelques minutes du film afin que la production puisse débuter véritablement à partir d'octobre. Du côté de l'interprétation, de premiers tests ont été effectués avec des comédiens flamands, une directrice de casting ayant prospecté au Canada pour faire des essais avec des acteurs amérindiens Lakotas, originaires de la Stoney Nation.
Sur le plan de la production, l'économie contrainte a obligé le réalisateur et sa productrice, Arielle Sleutel, réunis au sein de Tondo Films, société qu'ils ont fondé en 2013, a opérer des choix drastiques. Ayant obtenu le maximum de soutiens disponibles en Belgique, notamment via le VAF (Fonds Audiovisuel de Flandres) ils ont choisi de se tourner vers des partenaires français et neerlandais, auxquels devraient se rajouter l'Irlande ou le Canada afin de réunir un budget fixé à 3 M€.
Au stade actuel, le choix du studio pour réaliser la mocap n'a pas encore été arrêté. Celle de Cafard avait été fait chez SolidAnim à Angoulème, mais comme le précise la productrice Arielle Sleutel, "nous avons été très satisfaits du travail effectué avec eux, mais c'est une technique en perpétuelle évolution. Tous les tests ont été faits en Belgique et nous cherchons pour le moment les meilleures solutions possibles, sans avoir encore arrêté aucun choix. Cela dépendra aussi de nos partenaires". Devant être produit sur deux ans, pour une livraison prévue fin 2019, Canaan est un projet à surveiller de près, preuve manifeste de la vitalité d'un cinéma flamand qui n'a pas fini de surprendre.
Patrice Carré
© crédit photo : Image : © Tondo Films / Jan Bultheel
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