Cinéma

Lumière MIFC 2017 - Les laboratoires français diversifient leurs activités à l'international

Date de publication : 19/10/2017 - 08:30

Afin de ne pas être liés uniquement à un marché français très dépendant des aides du CNC, et face à un environnement de plus en plus globalisé et l'arrivée de nouveaux acteurs, les principaux prestataires commencent à se tourner vers l'étranger.

Représentant en moyenne 60 à 70% des budgets, l'aide du CNC à la restauration des œuvres implique de trouver des financements supplémentaires. Certains ayants droit ont déjà eu recours au crowdfunding, Nicolas Pagnol collectant 150% de son objectif sur Ulule, soit 75 400 €, pour restaurer la trilogie marseillaise.

Mais les résultats ne sont pas toujours à la hauteur. Chez Celluloid Angels, la plateforme participative destinée à financer la restauration des films de patrimoine, lancée par Ymagis, certaines pistes de réflexion sont déjà bien engagées, à commencer par la mise en place future d'un fonds de dotation dédié à la restauration et qui serait à même de fédérer les acteurs du secteur, professionnels mais aussi amateurs éclairés. Ce fonds permettrait, dans la continuité de la plateforme, d'apporter des briques complémentaires au financement des restaurations, en offrant notamment des solutions de défiscalisation comme celles pratiquées couramment outre-Atlantique.

Mais quelles seraient les conséquences d'un arrêt des aides du CNC à plus ou moins brève échéance ?  "Il est évident que 90% des projets de restauration auront du mal à se financer, répond Joël Daire, directeur du patrimoine de la Cinémathèque française. "Il faut sans doute relativiser car ce soutien du Centre est assis sur une conception de la restauration plaçant la barre très haut. On pourrait sans doute moduler la réponse car certains films pourront être restaurés avec des coûts moins élevés. Mais il est très clair que, depuis cinq ans, l'essentiel du marché du film de patrimoine est porté par ce soutien du Centre." 

Une question qui préoccupe également les grands laboratoires. "Dans le cadre des films soutenus par le CNC, nous intervenons en suivant des workflows certes lourds, mais qui sont qualitativement les meilleurs", confirme Benjamin Alimi, directeur commercial de Hiventy, Film Heritage et Postproduction. "Nous sommes d'un bout à l'autre du processus dans une chaîne 4K et, à l'issue des travaux, nous fabriquons un nouveau négatif pour préserver le film sur le long terme. Le jour où le CNC cessera ses financements, il est probable que nous ne ferons des restaurations dans de telles configurations que sur quelques films très porteurs." 

Longtemps focalisés sur le seul marché français, les prestataires se tournent à présent vers l'international. Outre la nécessité de faire baisser le risque d'une trop forte dépendance aux aides au Centre, le marché a depuis peu tendance à se tendre du fait d'une pression croissante sur les prix, se conjuguant avec l'arrivée de nouveaux entrants. En septembre, L'Immagine Ritrovata de Bologne, référence mondiale du secteur, a ouvert un laboratoire à deux pas de la place Clichy. Mais le savoir-faire français en la matière attire les ayants droit, comme en témoigne la restauration de Night Tide de Curtis Harrington confiée par Nicolas Winding Refn à Hiventy et qui devrait déboucher sur une collaboration à long terme.

"Face à l'internationalisation du secteur, nous devons aller chercher des parts de marché à l'étranger", résume Yves Gringuillard, directeur de la division restauration et préservation chez Eclair. Longtemps focalisés sur la France, les laboratoires commencent à se tourner vers des pays ayant notamment une forte tradition cinématographique. "Il ne s'agit pas de nous détourner des projets subventionnés par le CNC, mais cela ne peut plus être la seule source, d'autant que la télévision prend de plus en plus d'importance. Il nous faut à présent être en mesure de proposer des produits qui puissent lui permettre d'exploiter les œuvres."

Quant au cinéma de patrimoine français, il doit dès à présent développer impérativement d'autres solutions pour financer sa restauration. La Cinémathèque française dispose certes de deux budgets dédiés, mais leurs montants en restreignent singulièrement les effets. Celui destiné à la restauration des films de ses collections avoisine ainsi les 200 000 € par an, un autre de 72 000 €, géré par la direction du patrimoine, servant essentiellement d'appoint à des opérations financées en grande partie par le CNC et d'autres partenaires, comme le fonds culturel franco-américain. "Nos moyens sont beaucoup trop limités pour pouvoir agir seuls, sans trouver des partenaires", concède Joël Daire.

Patrice Carré
© crédit photo : Eclair


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