Cannes 2018 - Entretien avec Ming Zhang, réalisateur de "The Pluto Moment"
Le cinéaste qui n'avait pas réalisé depuis 2013, défend une œuvre très personnelle, difficile à produire en Chine. Son dernier opus est présenté dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs.
Comment introduire votre film en quelques mots ?
Oscillant entre la lumière et les ténèbres, le héros conduit un groupe de personnes marchant dans une montagne isolée, à la suite d'un enterrement.
D'où est venue l'idée première ?
Je me suis inspiré de funérailles anciennes dans les montagnes lointaines couplées à un souvenir de la randonnée en montagne, il y a dix ans, avec un groupe de trois ou quatre personnes pour retrouver une inspiration cinématographique.
Un lien entre The Pluto Moment et vos autres films ?
Je suis très inspiré par les élégies des chanteurs funéraires. L'élégie est proche de l'épopée. J'avais réalisé The Tale of Darkness, qui raconte les origines du monde et la genèse de la race humaine. Or le chant élégiaque est une coutume ancestrale. J'ai décidé que The Pluto Moment aurait quelque chose à voir avec The Tale of Darkness. Il y a dix ans, je l'avais tourné avec un budget très faible. Le film se terminait par de vraies funérailles. The Pluto Moment comporte aussi un enterrement. Et ces deux cérémonies sont reliées entre elles par le chanteur funéraire de The Tale of Darkness.
Depuis combien de temps travaillez-vous avec Shen Yang ?
La production de mes films a toujours été difficile. En 2014, j'ai rencontré Shen Yang avec un nouveau projet de film plus commercial. Mais elle m'a encouragé à me concentrer sur le sujet que je voulais vraiment traiter. Quand je lui ai dit que je voulais faire The Tale of Darkness, elle s'y est intéressée. Mais notre collaboration a véritablement démarré sur The Pluto Moment. Le financement a été réuni peu à peu. En 2016, nous en avions la moitié. Alors que nous venions de lancer le tournage, notre investisseur principal a disparu. Mais nous avons continué à tourner. Heureusement, Shen Yang a trouvé un nouvel investisseur, iQIYIYI Motion Pictures, qui a décidé de nous aider à terminer nos films après avoir vu le montage.
Le processus de production fut-il long, de l'écriture du scénario au tournage ?
J'ai commencé à écrire le scénario au milieu de l'année 2014 et j'ai terminé peu après. J'ai fait quelques modifications plus tard, mais rien de fondamental. La productrice Shen Yang et moi partageons depuis le début des idées similaires sur la création de ce film. Mais son financement a été long. Nous avons participé à des bourses organisées par des festivals de films comme "The Golden Horse Film Project Promotion" mais nous n'avons quasiment rien obtenu. Shen Yang a trouvé une subvention d'une fondation cinématographique à Shanghai et, pour ma part, j'ai convaincu un investisseur principal à Pékin (celui qui a disparu et qui est toujours manquant). Puis j'ai commencé à tourné.
Combien de temps a duré le tournage de The Pluto Moment ?
J'ai tourné dans la forêt de Shennongjia, dans le Sud-Est de la Chine, pendant plus de 30 jours en juillet et août 2016. Puis j'ai filmé une douzaine de jours dans le comté de Wushan, ma ville natale, qui est à 100 kilomètres de Shennongjia. Enfin, nous avons fait des prises de vues à Shanghai, à 1 000 kilomètres des lieux précédents, fin 2016. Nous avons terminé le tournage début 2017. Le premier montage a été achevé en août 2017. Nous avons soumis le film au comité de censure. Il a été modifié deux fois et finalement autorisé. Nous avons construit quelques décors, dont une cabane en pleine forêt et en avons adapté d'autres, comme la maison d'une actrice de Shanghai, un café en ville, une auberge, la maison de Chuntai, un comité de village et la maison des funérailles.
Avez-vous une méthode de travail spéciale durant le tournage ?
Je suis probablement le metteur en scène le moins actif du monde pour diriger les acteurs sur le plateau. En fait, j'ai pour habitude de communiquer avec l'ensemble de l'équipe en termes très techniques avant le tournage. Mais je ne sais pas comment travaillent les autres réalisateurs parce que je ne suis presque jamais allé sur le plateau des autres.
Des problèmes pendant le tournage ?
À l'exception d'une interruption soudaine, tout relève des problèmes communs à l'ensemble des tournages. Par exemple, la scène du meurtre d'un cochon dérangeait beaucoup de membres de l'équipe de tournage. Nous nous sommes posés la question de savoir si nous devions le tuer pour de vrai ou non. Le temps instable, oscillant entre le soleil et la pluie, nous a obligé à tourner la scène pendant trois jours. Nous avons alors décidé sur le plateau de ne pas vraiment tuer le cochon.
Votre film a un budget assez faible. Vous vous souciez du coût de votre cinéma ?
Nous avons dépensé plus de dix millions de RMB pour la photographie et la production. Comparé aux centaines de millions de films à budget en Chine, il s'agit d'un film à mini budget. Je me soucie beaucoup du coût, parce que je ne veux pas que mes films soient contrôlés par la notion d'argent et de capital.
Qu'attendez-vous de la sélection de votre film par la Quinzaine des réalisateurs ?
J'espère que le public et les critiques pourront apprécier de voir The Pluto Moment.
Vous êtes déjà venu à Cannes ?
Je n'y suis jamais allé et je vous remercie pour vos questions.
Recueilli par Patrice Carré
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