Annecy 2018 – WIP "La traversée" : "Tout ce film est une grande expérimentation"
Date de publication : 16/06/2018 - 13:51
Le premier long métrage de Florence Miailhe est attendu en salle au premier semestre 2020. Mais le temps d’une session de Work in Progress, les professionnels présents à Annecy ont pu découvrir les premières minutes de ce film en peinture sur verre à l'esthétique ébouissante, coécrit avec Marie Desplechin.
La traversée, dernier long métrage à avoir été présenté en WIP à Annecy, vendredi 15 juin, témoigne à lui seul de l’épopée que peut représenter la production d’un film d’animation, pour peu qu’il sorte des sentiers battus. "Ce fut une longue aventure", a souligné d’entrée Florence Miailhe, qui signe là son premier film, accompagnée de sa productrice Dora Benousilio (Les Films de l’Arlequin) et de Luc Camilli (XBO Films).
Il y a plus de dix ans, le projet inaugurait la résidence de l’Abbaye de Fontevraud, a rappelé cette artiste "complète". Après avoir démarré par la gravure, Florence Miailhe s’est ensuite tournée vers la peinture, puis la réalisation de courts d’animation : Hammam en 1991 (mention spéciale du prix Jean-Vigo), Au premier dimanche d’août (César du meilleur court métrage en 2002), Conte de quartier (mention spéciale du jury au Festival de Cannes en 2006).
Aujourd’hui, c’est avec cette même technique qui lui est propre, la peinture à l’huile sous caméra, et son univers poétique, qui ont fait sa renommée, que Florence Miailhe, Cristal d’honneur du Festival d’Annecy en 2015, raconte le voyage initiatique d’un frère et d’une sœur, Adriel et Kyona, qui les mènera de l'enfance à l'adolescence. Contraints de fuir leur village pillé et en quête d’un pays au régime plus clément, ils traverseront un continent rongé par la chasse aux migrants et devront survivre aux épreuves, à la fois fantastiques et bien réelles, avant d’atteindre un nouveau monde, libres.
Le scénario du film, coécrit avec Marie Desplechin (prix du scénario au festival Premiers plans d’Angers en 2010), est né de la "propre histoire" de Florence Miailhe. "Ma grand-mère est partie d’Odessa en 1905", chassée par les pogroms, raconte la réalisatrice. Elle arrivera rue des Rosiers, à Paris, avec ses neuf enfants.
Dans son projet initial, l'artiste-réalisatrice avait déjà en tête de vouloir relier cette histoire familiale et l’immigration du début du XXe siècle aux migrations actuelles. Non seulement les médias commencent alors à en parler, mais Florence Miailhe est aux premières loges grâce au travail de son mari, Patrick Zachmann, photographe à l’agence Magnum, sur les îles de Lampedusa, Malte...
La collaboration avec Marie Depleschin, avec qui Florence Miailhe a déjà coécrit le livre-DVD Chroniques d’ici et d’ailleurs, a orienté définitivement le propos vers "quelque chose de plus universel". De même que leur "penchant commun pour les contes" a acté le parti pris d’une "fiction intemporelle et une géographie transformée", en six chapitres : le départ, les petits Poucet (quand les enfants sont seuls sans leurs parents), les ogres (quand ils sont adoptés par une famille riche, mais maltraitante), la forêt (quand ils fuient), le cirque et les camps de rétention où ils finiront par être accueillis.
Ensuite, ont démarré des "allers-retours" entre le "scénario de Marie" et les "esquisses" de Florence Miailhe. "Elle écrivant et moi croquant, on a pu ainsi réajuster en fonction de ce qui était réalisable", dans le procédé de la peinture animée et donc de l’économie du film. Le choix de cette technique s’imposait : "D’une part, c’est ce que je fais depuis mes courts métrages, et d’autre part, elle est particulièrement adaptée à ce conte onirique. La traversée est un film de souvenirs. C’est-à-dire que le ciel peut être très bleu parce que dans le souvenir, il l'était."
Les couleurs occupent une place de premier plan dans l’esthétisme du film, à chaque chapitre, une saison, une ambiance, un lieu et des couleurs différentes. Leur base en a été fixée sur un rouleau de caisse de 4 ou 5 mètres de long, où, en même temps que l’histoire s’écrivait, Florence Miailhe faisait des recherches pour le choix des teintes. De même que "pour mettre en place des choses", l’artiste a également eu recours à des "croquis, souvent faits à l’aquarelle sur du papier".
Elle s’est aussi inspirée des carnets de dessin de sa mère, peintre également, réalisés entre 1936 et 1939, lorsqu’elle avait une quinzaine d’années. Ils ont d’ailleurs été réutilisés pour le carnet de l’héroïne, Kyona. Quant au rouleau, il a, lui, été agrandi pour une exposition à Fontevraud, et, surtout, il a servi aux décoratrices "afin de garder une unité de couleurs et des références". Dans des photos projetées pendant le WIP, on a pu le voir accroché dans le studio de XBO Films, à Toulouse, où la production a démarré par les décors. "Presque 500 décors ont été fabriqués en neuf mois" dans le studio qui a rejoint le projet il y a deux ans, aux côtés de Maur Film en République tchèque et Balance Film en Allemagne. "Je voulais que ce soit très pictural, souligne Florence Miailhe. Les décoratrices devaient faire un travail d’interprétation tout en restant dans mon univers, à partir du storyboard et des croquis. Ce n’était pas un layout à colorier."
Le film est actuellement dans la phase de fabrication de l’animation, répartie entre les trois studios, le principe étant que chacun fasse un chapitre complet. Chez XBO Films, l’animation démarrera à l’automne. Luc Camilli a d’ailleurs profité de la session pour dire que le studio recrutait des animateurs. À ce jour, "nous avons pratiquement 16 minutes d’animation (sur une durée annoncée de 1h20, Ndlr)", ont indiqué ses artisans.
Le WIP a été l’occasion de découvrir un peu plus de deux minutes d’une séquence animée étalonnée avec la voix off de Florence Miailhe. Du provisoire, "nous attendons la fin du film pour la choisir". "Tout ce film est une grande expérimentation." Il comprend 700 plans. En outre, "il explose les quotas de femmes", relèvent Florence Miailhe et Dora Benousilio, en particulier sur les poste de décoratrices.
D’un budget de 3,2 M€, La traversée "a eu du mal à réunir [son] financement", a expliqué Florence Miailhe, dès le début de la session. Aussi, le long métrage doit beaucoup à Dora Benousilio. C’est ce à quoi servent les producteurs, relativise cette dernière. "J’ai toujours cru à ce projet. Il me tenait à cœur", poursuit-elle, reconnaissant toutefois avoir songé à renoncer. "À l’été 2016, nous nous sommes dits, si on ne trouve pas le financement, on lâche l’affaire." C’est là que tout s’est débloqué. "L’actualité a rattrapé le film. En 2016, le problème des migrants en Europe est devenu crucial. Quand j’ai commencé La traversée, j’étais trop en avance." En janvier 2017, il sera rejoint par Arte France Cinéma et Arte/ARD.
Il a pour distributeur Gebeka Films*. Indie Sales en assure les ventes internationales. La sortie est prévue durant le premier semestre 2020. Le film est destiné à un public adolescents, jeunes adultes et adultes.
*Propriété de Hildegarde, propriétaire du Film français
Il y a plus de dix ans, le projet inaugurait la résidence de l’Abbaye de Fontevraud, a rappelé cette artiste "complète". Après avoir démarré par la gravure, Florence Miailhe s’est ensuite tournée vers la peinture, puis la réalisation de courts d’animation : Hammam en 1991 (mention spéciale du prix Jean-Vigo), Au premier dimanche d’août (César du meilleur court métrage en 2002), Conte de quartier (mention spéciale du jury au Festival de Cannes en 2006).
Aujourd’hui, c’est avec cette même technique qui lui est propre, la peinture à l’huile sous caméra, et son univers poétique, qui ont fait sa renommée, que Florence Miailhe, Cristal d’honneur du Festival d’Annecy en 2015, raconte le voyage initiatique d’un frère et d’une sœur, Adriel et Kyona, qui les mènera de l'enfance à l'adolescence. Contraints de fuir leur village pillé et en quête d’un pays au régime plus clément, ils traverseront un continent rongé par la chasse aux migrants et devront survivre aux épreuves, à la fois fantastiques et bien réelles, avant d’atteindre un nouveau monde, libres.
Le scénario du film, coécrit avec Marie Desplechin (prix du scénario au festival Premiers plans d’Angers en 2010), est né de la "propre histoire" de Florence Miailhe. "Ma grand-mère est partie d’Odessa en 1905", chassée par les pogroms, raconte la réalisatrice. Elle arrivera rue des Rosiers, à Paris, avec ses neuf enfants.
Dans son projet initial, l'artiste-réalisatrice avait déjà en tête de vouloir relier cette histoire familiale et l’immigration du début du XXe siècle aux migrations actuelles. Non seulement les médias commencent alors à en parler, mais Florence Miailhe est aux premières loges grâce au travail de son mari, Patrick Zachmann, photographe à l’agence Magnum, sur les îles de Lampedusa, Malte...
La collaboration avec Marie Depleschin, avec qui Florence Miailhe a déjà coécrit le livre-DVD Chroniques d’ici et d’ailleurs, a orienté définitivement le propos vers "quelque chose de plus universel". De même que leur "penchant commun pour les contes" a acté le parti pris d’une "fiction intemporelle et une géographie transformée", en six chapitres : le départ, les petits Poucet (quand les enfants sont seuls sans leurs parents), les ogres (quand ils sont adoptés par une famille riche, mais maltraitante), la forêt (quand ils fuient), le cirque et les camps de rétention où ils finiront par être accueillis.
Ensuite, ont démarré des "allers-retours" entre le "scénario de Marie" et les "esquisses" de Florence Miailhe. "Elle écrivant et moi croquant, on a pu ainsi réajuster en fonction de ce qui était réalisable", dans le procédé de la peinture animée et donc de l’économie du film. Le choix de cette technique s’imposait : "D’une part, c’est ce que je fais depuis mes courts métrages, et d’autre part, elle est particulièrement adaptée à ce conte onirique. La traversée est un film de souvenirs. C’est-à-dire que le ciel peut être très bleu parce que dans le souvenir, il l'était."
Les couleurs occupent une place de premier plan dans l’esthétisme du film, à chaque chapitre, une saison, une ambiance, un lieu et des couleurs différentes. Leur base en a été fixée sur un rouleau de caisse de 4 ou 5 mètres de long, où, en même temps que l’histoire s’écrivait, Florence Miailhe faisait des recherches pour le choix des teintes. De même que "pour mettre en place des choses", l’artiste a également eu recours à des "croquis, souvent faits à l’aquarelle sur du papier".
Elle s’est aussi inspirée des carnets de dessin de sa mère, peintre également, réalisés entre 1936 et 1939, lorsqu’elle avait une quinzaine d’années. Ils ont d’ailleurs été réutilisés pour le carnet de l’héroïne, Kyona. Quant au rouleau, il a, lui, été agrandi pour une exposition à Fontevraud, et, surtout, il a servi aux décoratrices "afin de garder une unité de couleurs et des références". Dans des photos projetées pendant le WIP, on a pu le voir accroché dans le studio de XBO Films, à Toulouse, où la production a démarré par les décors. "Presque 500 décors ont été fabriqués en neuf mois" dans le studio qui a rejoint le projet il y a deux ans, aux côtés de Maur Film en République tchèque et Balance Film en Allemagne. "Je voulais que ce soit très pictural, souligne Florence Miailhe. Les décoratrices devaient faire un travail d’interprétation tout en restant dans mon univers, à partir du storyboard et des croquis. Ce n’était pas un layout à colorier."
Le film est actuellement dans la phase de fabrication de l’animation, répartie entre les trois studios, le principe étant que chacun fasse un chapitre complet. Chez XBO Films, l’animation démarrera à l’automne. Luc Camilli a d’ailleurs profité de la session pour dire que le studio recrutait des animateurs. À ce jour, "nous avons pratiquement 16 minutes d’animation (sur une durée annoncée de 1h20, Ndlr)", ont indiqué ses artisans.
Le WIP a été l’occasion de découvrir un peu plus de deux minutes d’une séquence animée étalonnée avec la voix off de Florence Miailhe. Du provisoire, "nous attendons la fin du film pour la choisir". "Tout ce film est une grande expérimentation." Il comprend 700 plans. En outre, "il explose les quotas de femmes", relèvent Florence Miailhe et Dora Benousilio, en particulier sur les poste de décoratrices.
D’un budget de 3,2 M€, La traversée "a eu du mal à réunir [son] financement", a expliqué Florence Miailhe, dès le début de la session. Aussi, le long métrage doit beaucoup à Dora Benousilio. C’est ce à quoi servent les producteurs, relativise cette dernière. "J’ai toujours cru à ce projet. Il me tenait à cœur", poursuit-elle, reconnaissant toutefois avoir songé à renoncer. "À l’été 2016, nous nous sommes dits, si on ne trouve pas le financement, on lâche l’affaire." C’est là que tout s’est débloqué. "L’actualité a rattrapé le film. En 2016, le problème des migrants en Europe est devenu crucial. Quand j’ai commencé La traversée, j’étais trop en avance." En janvier 2017, il sera rejoint par Arte France Cinéma et Arte/ARD.
Il a pour distributeur Gebeka Films*. Indie Sales en assure les ventes internationales. La sortie est prévue durant le premier semestre 2020. Le film est destiné à un public adolescents, jeunes adultes et adultes.
*Propriété de Hildegarde, propriétaire du Film français
Emmanuelle Miquet
© crédit photo : F. Blin/CITIA
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