Lumière MIFC 2018 - Le MIFC confirme sa dimension internationale
Pour sa 6e édition, le Marché international du film classique (MIFC), qui s’installe dans un nouveau village, confirme à la fois son attrait grandissant et son ouverture sur le monde, avec, outre la Pologne comme pays invité, une forte présence africaine. État des lieux avec Juliette Rajon, sa directrice, et Gérald Duchaussoy, chargée de mission, coordination et programmation.
Le MIFC a été internationalisé l’an passé. Cela a-t-il débouché sur des effets concrets ?
Gérald Duchaussoy : Il faut rappeler que nous avons eu des participants internationaux dès la première édition, puisque le Japon, les États-Unis, la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume-Uni, la République tchèque ou la Suisse, pour ne citer qu’eux, étaient présents. Mais, l’année dernière, nous avons, en quelque sorte, officialisé cet état de fait, avec la tenue de la table ronde qui réunissait la Grèce, la Hongrie et la Lettonie. Cela a permis de constater que la Hongrie avait mis en œuvre un grand plan de restauration. Comme ils ont créé un festival conçu sur le modèle de Lumière, venir au MIFC facilitait leur travail dans la recherche de films. Et, cette année, nous mettons en avant la Pologne, en partenariat avec le Polish Film Institute. Il nous paraît important, par exemple, d’aider au débouché d’œuvres polonaises n’ayant encore jamais eu de distributeurs français. Nous avons toujours voulu dépasser le cadre de nos seules frontières et cela dès le début puisqu’il y avait un travail par zone ou continent. Seulement, l’an dernier, nous avons formalisé cela avec des focus plus précis, mais l’esprit du MIFC était bien présent dès 2013 !
Juliette Rajon : Notre but est d’être en prise directe avec l’actualité de l’industrie du cinéma de patrimoine, laquelle est internationale. Et le fait de rajouter dans le titre du marché cette dimension, qui préexistait, nous permet aussi de positionner les contenus. Outre la Pologne – dont l’actualité est brûlante avec Digital Poland, son plan de numérisation et de diffusion de plus de 150 films –, nous allons également nous pencher sur la valorisation du patrimoine cinématographique du continent africain. Nous avons toujours voulu internationaliser nos échanges et notre vision du marché. Mais, au cas où cela n’aurait pas été suffisamment clair pour les professionnels, nous avons choisi de l’asséner dans le titre du marché. D’ailleurs, cette année, notre grand témoin sera la Néerlandaise Sandra Den Hamer.
Le MIFC est le seul marché du genre, uniquement consacré au cinéma de patrimoine à travers le monde. Comment voyez-vous son évolution ?
J. R. : Sur les autres festivals de films de patrimoine, il existe des ébauches de marchés informelles. Mais le MIFC est le seul identifié de manière officielle, doté de sa propre organisation, ayant mis en place une commercialisation des accréditations, avec un lieu dédié et des contenus spécifiques. Et le nombre d’accrédités est en progression, constante depuis la première édition. Un chiffre qui se situe en moyenne autour de 20%. Cela prouve que les professionnels se mobilisent de plus en plus. L’an passé, nous avions 350 accrédités. Pour 2018, on ne peut pas encore tirer de conclusion, d’autant que nous avons débuté la commercialisation des accréditations plus tôt. Mais on pourrait penser que la progression sera plus importante, de pays représentés et de sociétés également.
Voyez-vous arriver de nouveaux territoires ?
G. D. : L’Égypte vient pour la première fois cette année. Le Nigéria aussi, avec une impressionnante délégation, et nous aurons également des professionnels en provenance du Sénégal. Et, bien sûr, l’Europe constitue depuis toujours une base solide. Le British Film Institute sera ainsi pour la première fois des nôtres. Nous étions en discussion depuis longtemps avec eux, mais le fait que le Festival de Londres se déroule au même moment avait jusqu’ici entravé leur déplacement. Nous aurons aussi la participation d’un grand studio russe. Et la Pologne et le Maroc seront à nouveau là.
Et de nouveaux entrants français ?
G. D. : Il est assez surprenant de voir régulièrement de nouvelles initiatives. L’an passé, nous notions l’arrivée d’une nouvelle société, Point de Mire, qui sera présente cette année au rendez-vous de l’édition vidéo. Ce nouvel éditeur, qui travaille avec TF1 Studio, y proposera une série de films de patrimoine, restaurés dans les meilleures conditions possibles, accessibles en DVD et Blu-ray. Je peux vous citer aussi l’initiative du Chat qui Fume, éditeur de patrimoine spécialisé dans le genre et qui va se lancer dans le cinéma d’horreur à la française. Mais nous constatons surtout des changements d’organisation au sein des grandes entreprises, afin que leurs catalogues soient mieux mis en valeur. TF1 Studio s’est restructuré et Studiocanal a mis en place une équipe plus conséquente. Nous voyons aussi des laboratoires venir démarcher chez nous. Titra Film cherche ainsi à développer ses activités de restauration.
Par ailleurs, il y aura deux conférences européennes. Quel en sera le détail ?
J. R. : La Commission européenne nous a sollicités afin de faire, dans le cadre de son label European Film Forum, une conférence sur les outils de formation des spectateurs de demain à l’échelle européenne. Nous leur avons proposé cette thématique qui les a séduits car ils sont actifs sur l’élaboration et le financement de différents programmes dans ce domaine. Cela aura lieu le jeudi 18 octobre dans l’après-midi, en présence de six professionnels européens témoignant de leur expérience. Nous poursuivrons cette conférence par un débat sur le projet de transposition de la directive européenne qui impose aux plateformes étrangères 30% de contenus européens en se demandant si cette mesure ne pourrait pas servir le cinéma de patrimoine.
G. D. : De plus, le 19 octobre, aura lieu la présentation d’une étude de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, comportant des données chiffrées. Cela sera d’autant plus riche d’enseignement qu’elle porte sur les différents canaux de diffusion du cinéma de patrimoine. Car si la salle reste l’écrin idéal, il existe bien sûr à présent de multiples canaux. Or il y a une grande attente de la profession à ce sujet. Cela promet d’être très intéressant.
Pourquoi changer de lieu cette année ?
J. R. : Nous avions déjà ce désir, mais la conjoncture nous a forcés à déménager car les 400 m2 du lieu que nous occupions lors des éditions précédentes sont à présent dévolus à une librairie pérenne que l’Institut Lumière a mis en place cet hiver. Elle est de plus accompagnée d’une galerie photos. Nous avons donc construit un deuxième village, accolé au Hangar du Premier-Film, une structure temporaire de 450 m2, auxquels se rajoutent 100 m2 de terrasse. Cela nous a permis de reconcevoir notre lieu en gardant une salle de conférence d’une capacité de 100 personnes, assortie d’un grand espace de 220 m2. Il a été conçu comme un endroit de coworking, propice aux discussions BtoB, avec différents espaces réservables, tout en permettant des rencontres plus informelles. Les projections ont toujours lieu dans la salle du Karbone, ce qui nous permet d’offrir des conditions cinéma.
G. D. : Nous avons écouté les professionnels en essayant d’adapter les espaces de travail en fonction de leurs désirs, dans le sens d’une plus grande souplesse. Le lieu devrait correspondre aux besoins de chacun afin que tous les rendez-vous de nos accrédités soient satisfaisants.
Propos recueillis par Patrice Carré
© crédit photo : Festival LumièreVous avez déjà un compte
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