Cinéma

Quinzaine 2019 - Ala Eddine Slim : "Je ne crois pas à un cinéma lié à une région"

Date de publication : 22/05/2019 - 08:20

Deuxième long métrage présenté à la Quinzaine des réalisateurs, Tlamess flirte avec le genre en interrogeant la représentation masculine dans le monde arabe.

Comment présentez-vous Tlamess en quelques mots ?
C’est une continuité de mes précédents films, et aussi une dernière porte que je ferme afin de passer à un autre territoire. Tlamess est la fin d’un cycle et je suis heureux que cela se passe ainsi avec celui-ci.
 
Question basique, comment vous est venue cette idée de film ?
J’avais envie de continuer d’explorer l’idée du diptyque, comme je l’ai fait dans mon précédent long, The Last of Us, mais aussi d’aller plus loin dans la séparation des deux volets. En 2017, j’ai vécu un événement très important dans ma vie personnelle, qui a été le principal vecteur pour l’élaboration de l’histoire. Au départ, je comptais tourner un autre film, mais parfois les incidents vous amènent dans des chemins plus stimulants.
 
Quelles furent les étapes d'écriture ? 
L’écriture a été vite bouclée (en moins de 15 jours), mais je suis revenu retravailler quelques blocs. Pour moi, le scénario n’est jamais figé, il change à chaque étape de la fabrication. Bien sûr je garde, presque toujours, la trame principale, mais au cours de la fabrication, rien n’est sacré dans tout ce que j’écris. Il y a aussi les repérages des lieux de tournage qui influencent beaucoup sur les détails et/ou les changements. Ensuite, le travail avec le reste de l’équipe (acteurs et collaborateurs techniques) peut aussi influencer quelques changements. Au final, le film s’écrit jusqu’à l’étape du montage et je trouve cette approche emplie de beaucoup de créativité.
 
Vous êtes l'un des fondateurs d'Exit Productions, l'une des premières sociétés de production indépendante tunisienne. Quelle est la situation du cinéma que vous défendez en ce moment en Tunisie ?
Exit Productions a été l’une des premières structures, constituée à l’époque de plusieurs jeunes, destinée à produire et accompagner des films entièrement indépendants. C’était aussi en 2005 pendant l’expansion de l’outil numérique qui a facilité, en partie, la fabrication des films.

Aujourd’hui, plusieurs réalisateurs continuent de faire des œuvres en dehors des structures étatiques et il y a une réelle effervescence chez ces cinéastes libres ainsi que de vrais désirs de cinéma. Les documentaires restent le fer de lance de cette vivacité, mais il y a de plus en plus de jeunes qui s’attaquent à des longs métrages de fiction, en mobilisant les énergies mais avec très peu d’argent. Après, il faut savoir qu’il n’existe pas de véritable marché en Tunisie. Et il n’y a pas plusieurs alternatives de financements étatiques. Chacun doit imaginer sa stratégie de production.
 
Quand sont arrivés vos autres partenaires tunisiens sur la production de Tlamess ? Et Still Moving, présent depuis le début ?
Tous les partenaires étaient sur mon précédent titre et ils le sont sur Tlamess, dès le départ. Chacun a amené son expertise, soit en Tunisie ou en France, pour que le film parte sur le bon chemin.
Exit Productions, Still Moving, Inside Productions et Madbox Studios, à travers leurs représentants magnifiques (Ali Hassouna, Juliette Lepoutre, Pierre Menahem, Chawki Knis, Amine Messadi et Moncef Taleb, ainsi que d’autres) ont été de très bons compagnons de route.
 
Quels financements avez-vous trouvés ?
Le film a été financé par le Centre national du cinéma et de l’image tunisien, le CNC, le ministère de la Culture tunisien, le World Cinema Fund (Berlinale), ainsi que des partenaires privés tels que la Fondation Kamel Lazaar en Tunis et d’autres intervenants.
 
Sur quels critères avez-vous choisi vos comédiens ? Le fait qu'ils viennent de tout le Maghreb et même au-delà est une volonté de votre part ?
Je ne fais jamais de casting pour les rôles principaux. Je les choisis à travers des rencontres. Abdullah Miniawy, qui est l’acteur principal, n’est pas un vrai acteur. C’est un musicien égyptien que j’ai invité au début de 2017 pour l’ouverture d’un événement de rencontres autour du documentaire, que je dirigeais et qui était organisé dans une région minière du sud tunisien. C’est là qu’une rencontre a eu lieu entre nous, une rencontre d’amour et de respect. Quelques mois après, je lui ai proposé l’idée d’essayer et il était partant. C’est un homme qui aime les défis et les propositions. Cela s’est fait comme ça.
L’actrice Souhir Ben Amara est une amie que j’apprécie et respecte beaucoup. Elle est très connue en Tunisie, et j’ai toujours pensé à elle pour des rôles. Il faut dire que c’est la première fois qu’il y a personnage féminin principal dans mes films, malgré tout mon amour pour les femmes dans la vie !

J’aime réunir des gens de différents horizons et cultures, dépasser les limites géographiques et concevoir qu’on fait partie de la planète cinéma ; plus de frontières, plus de terres, plus de territoires, sauf l’imaginaire. Du coup, j’ai un acteur égyptien, une actrice tunisienne et un acteur algérien (Khaled Ben Aissa), un ami de longue date qui est réalisateur et acteur.
Je ne crois pas à un cinéma qui soit lié à une région. Le 7e art est plus généreux et infini qu’une catégorisation géographique.

Des difficultés particulières durant le tournage ?
Le tournage a duré presque deux mois, de décembre 2018 à mi-février 2019. La principale difficulté a été un manque considérable d’argent pour commencer la préparation et le tournage, mais tout le monde, producteurs et collaborateurs techniques, ainsi que les prestataires, ont accepté de faire des sacrifices et des efforts, ce qui a permis à la fabrication de démarrer. Après, il y avait aussi des difficultés liées à nombre de décors et lieux de tournage car ils étaient répartis sur tout le territoire tunisien. Au final, on a commencé dans le Sud, sur une terre aride, pour arriver au dernier bout de la terre tunisienne, le nord et la méditerranée.
Puisque la plupart des intervenants se connaissaient depuis longtemps et avaient déjà collaboré ensemble auparavant, il y avait une sorte de fluidité et des raccourcis dans le travail, ce qui nous a fait gagner beaucoup de temps.
 
À l'arrivée, le film est-il conforme à ce que vous aviez en tête au départ ?
Heureusement que non ! D’ailleurs, j’aime ne pas trop savoir ce qui sera capté et/ou tourné. Je connais très bien le point de départ et d’arrivée, mais pour y parvenir, j’aime expérimenter. Après, il y a des plans et/ou des séquences très précises dès le départ. J’aime bien creuser quand il y a des obstacles. Cela provoque une gymnastique dont j’en ai besoin ; ça bouge et mute tout le temps.
 
Qu'attendez-vous de cette sélection cannoise à la Quinzaine des réalisateurs ?
Rencontrer d’autres univers, le public, les professionnels, et tout amoureux du cinéma. Après, c’est une sélection où tu te retrouves avec de grands réalisateurs que tu admires, c’est assez cool.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo :


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