Michel Hazanavicius adapte "La plus précieuse des marchandises" en animation
Exclusif - Le cinéaste va porter à l’écran le conte de Jean-Claude Grumberg sous la forme d’un film d’animation à vocation universelle produit par Ex Nihilo et Les Compagnons du cinéma, accompagnés par Studiocanal, Prima Linéa et Les Films du Fleuve.
Paru en janvier 2019 au Seuil, La plus précieuse des marchandises de Jean-Claude Grumberg, finaliste de plusieurs prix littéraires, dont celui du Livre Inter, traduit en dix langues, n’en finit pas d’émouvoir et bouleverser ses lecteurs… avant ses futurs spectateurs, Michel Hazanavicius (photo) allant le porter à l’écran en animation.
Ce conte démarre au fond d’une forêt polonaise où vivent “un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne”, celle-ci se lamente de ne pas avoir d’enfants. À Paris, une famille juive, des jumeaux nouveaux nés et leurs parents, est arrêtée et déportée vers le camp d’Auschwitz. Dans le train qui les emporte vers la mort, le père a un geste insensé, il lance un de ses jumeaux hors du train. “Un jour que pauvre bûcheronne regardait passer un train qu’elle croyait être de marchandises, un paquet en fut éjecté et tomba dans la neige. Comme un don du ciel, cette petite marchandise s’avéra être celle qu’elle attendait avec tant de ferveur. Une enfant. Cet événement changera à jamais les destinées des protagonistes de ce conte, qui nous fera passer des camps de la mort à l’intimité d’une femme qui a décidé, malgré le danger qu’elle encourt, de devenir maman de cette plus précieuse des marchandises. Opposant la force de la vie à l’industrie de la mort, le conte de Grumberg réussit l’exploit de trouver quelque chose de beau à raconter dans ce qui restera à jamais comme une tache dans l’Histoire de l’Humanité”, indique le synopsis signé du cinéaste.
À l’initiative du projet, Patrick Sobelman, d’Ex Nihilo, a lu le livre bien avant sa parution, sur les conseils de son associé Robert Guédiguian qui, connaissant Jean-Claude Grumberg, a lui aussi été parmi les premiers lecteurs. “L’œuvre de ce dramaturge et scénariste (entre autres du Dernier métro de François Truffaut ou d’Amen de Costa-Gavras) tourne beaucoup autour du sort des juifs au XXe siècle, rappelle-t-il. Tout de suite, nous avons pensé qu’il fallait l’adapter et d’emblée en animation. Car c’est un conte, très poétique mais aussi avec des images insupportables des camps.” D’abord à la recherche d’un mandataire ayant la capacité de porter un projet d’une large envergure, le producteur reçoit très vite des nouvelles de Studiocanal, par le biais de Nicolas Dumont, son directeur productions films, distribution salles & home entertainment France. “Il a le plus vite manifesté son enthousiasme, imaginant, avant même que je lui en parle et pour les mêmes raisons, le film en animation.” Pour le réaliser, le nom de Michel Hazanavicius apparaît rapidement : “Outre son talent de réalisateur qui pouvait faire rayonner ce projet à l’international, je connaissais son aisance pour le dessin. Il a pris le temps de réfléchir, car il y avait au regard du sujet une responsabilité”, poursuit Patrick Sobelman.
Le cinéaste, qui coécrit le script avec Jean-Claude Grumberg, va donc réaliser le film et en assurer la création graphique. Ayant suivi des études de dessin, il pratique au quotidien “depuis 40 ans” mais n’avait utilisé cela dans son métier jusqu’ici que pour des story-board. Un ensemble d’éléments vont le conduire à s’engager. “C’est plus le projet qui est venu me chercher que l’inverse. Jean-Claude Grumberg est le meilleur ami de mes parents. Ses thèmes, son histoire, font écho à ceux de ma famille. J’ai aussi produit et coécrit un documentaire sur le génocide Rwandais (Tuez les tous de Raphaël Glusckmann) et réalisé un film sur la guerre en Tchéchénie (The Search). Quand on m’a proposé le projet, j’avais des appréhensions, un doute sur ma capacité à m’attaquer à un tel sujet, et notamment la représentation des camps. L’animation donne une distance qui me permet de le faire. Sans porter de jugement, je n’y me serais pas essayé avec des acteurs. Et puis Bérénice (Bejo, Ndlr) m’a encouragé par rapport à nos enfants et mon histoire, confie-t-il. Et ce récit est avant tout formidable, il transcende le sujet. Un conte qui va très bien avec la forme de l’animation.”
Une sortie pour 2022
Les Compagnons du Cinéma, sa société fondée avec Riad Sattouf et Florence Gastaud, est coproductrice déléguée aux côtés d’Ex Nihilo. “Nous aurons la responsabilité, Florence et moi, du titre, précise Patrick Sobelman. Pour la fabrication, j’ai proposé le projet à Valérie Schermann (Prima Linéa), dont je connaissais le travail entre La tortue rouge, Zarafa ou La fameuse invasion des ours en Sicile, qui a partagé notre enthousiasme.” Et deux autres cinéastes, Jean-Pierre et Luc Dardenne (Les Films du Fleuve), sont de l’aventure : “Luc Dardenne avait lu le livre et s’y était intéressé. Nous avons décidé de les inclure via une coproduction minoritaire avec la Belgique”, indique-t-il.
Avec ce projet annoncé à l’occasion du Festival d'Annecy, Studiocanal prolonge sa collaboration avec Michel Hazanavicius, après Le redoutable, qu’il distribuait en salle, et Le prince oublié, en cours de postproduction, longue en raison des effets spéciaux. Sur ce dernier, vendu partout et qui sortira le 29 janvier 2020 en France, Studiocanal partage les mandats avec Pathé. “Nous sommes d’abord très heureux qu’on nous ait proposé La plus précieuse des marchandises, un projet exceptionnel sur le plan éditorial. Nous partageons la même ambition pour ce film, qui participe aussi au devoir de mémoire pour les générations à venir, note Nicolas Dumont. Il est aussi une reconnaissance de l’expertise de Studiocanal en animation, avec deux à trois titres par an. Et nous assurons le codéveloppement, ce qui correspond à notre volonté d’intervenir de plus en plus en amont.” Studiocanal est ici coproducteur et assure tous les mandats dont les ventes internationales. Quant à la cible visée par le film, “ce sont les parents qui décideront de le montrer à leurs enfants selon leur âge et leur sensibilité, les enfants n’en seront pas prescripteurs. Pour moi, rien ne sera plus important que de leur monter. Car il a tout : il est intelligent, avec de l'humour, il prend un détour pour raconter l’essentiel, avec une émotion exceptionnelle. C’est une histoire d’amour, de survie, sans nier l’existence de l’abominable, et il donne une direction”, conclut Patrick Sobelman.
S’il est trop tôt pour donner un budget précis : il se situera aux alentours de 10 M€. La production proprement dite débutera en 2020 pour une sortie envisagée en 2022.
Sarah Drouhaud
© crédit photo : Aude de Casenove pour Le film françaisVous avez déjà un compte
Accès 24 heures
Pour lire cet article et accéder à tous les contenus du site durant 24 heures
cliquez ici