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Cinéma

Lumière MIFC 2019 - Le CNC mise sur le mécénat pour prolonger l'Aide à la numérisation, fortement réduite

Date de publication : 18/10/2019 - 08:30

Comme le matin lors de l’étude de cas de la restauration d'Apocalypse Now, la salle de conférence du marché du Festival Lumièrne a fait salle comble pour suivre le sujet phare de la filière patrimoine : le point sur l'avenir du plan d'Aides à la numérisation du CNC et les contours du nouveau dispositif de mécénat. Le tout, en présence de son directeur du patrimoine, Laurent Cormier, et des représentants du Syndicat des catalogues de films de patrimoine (SCFP).

Quelle suite au plan de numérisation des films de patrimoine ? Ce plan, lancé à l’été 2012 et alors financé sur la réserve numérique du CNC, a permis depuis sa création de soutenir 1 161 titres, 59 autres ayant reçu un avis favorable pour une aide dont le chiffrage est en cours. Réservé aux œuvres du XXe siècle françaises ou coproduites par la France et ayant marqué leur époque, ce dispositif sélectif est soumis à un comité d’experts qui a, sur la période, aussi refusé 357 dossiers.
Il existe deux aides. L'une est destinée à des restaurations lourdes. Une autre s'adresse à des travaux de numérisation plus légers (Numev). Au total, 66 M€ ont été engagés par le CNC depuis 2012 (59 M€ de subventions et 6 M€ d’avances remboursables). Le montant moyen de la première aide varie selon les années et selon la lourdeur des projets, s’établissant sur la période à 56 974 €, pour des travaux de restauration qui s’élèvent en moyenne à 87 454 €. L’aide du CNC représente ainsi 60% à 70% du travail de restauration.

Ce plan de numérisation a principalement bénéficié depuis sa création à des longs métrages (919, contre 251 courts) de fiction (1 008, contre 158 documentaires).
S'il était réservé aux œuvres cinématographiques, le CNC discute actuellement avec l’INA pour mettre en place une mesure afin d'accompagner la restauration de séries anciennes marquantes qui pourraient intéresser les plateformes, a indiqué Laurent Cormier.

Le mécénat à partir de 2020 comme complément du plan d’Aides à la numérisation
Alors que le montant des Aides à la numérisation a drastiquement baissé, passant de 9 M€ à 2,8 M€ cette année, Laurent Cormier a rappelé la mission de transmission patrimoniale du CNC : il consacre 30 M€ à 40 M€ par an pour l’ensemble de ses actions dans le patrimoine, qui sont financées sur les seules recettes du CNC depuis plusieurs années, et non plus comme pendant longtemps avec des dotations de l’État. Il a également insisté sur le fait que le Centre poursuivait les deux Aides à la numérisation malgré ses difficultés budgétaires, récemment explicitées aux professionnels. Le budget 2019, de 2,8 M€, sera reconduit en 2020 et en 2021.

Si le CNC compte le détailler d’ici la fin de l’année, le dispositif de mécénat a été présenté dans les grandes lignes à l’occasion de cette rencontre au MIFC. Il doit permettre de trouver de nouvelles ressources pour la restauration à compter de 2020. Ses contours sont aujourd’hui plus clairs que ce qui avait été dit l’hiver dernier, quand les cataloguistes ont entendu parler de ce projet sans alors avoir été consultés.

Laurent Cormier a ainsi indiqué que le CNC a obtenu un rescrit de l’administration fiscale pour recourir au mécénat afin de restaurer et numériser les œuvres. Bercy a accepté que ce mécanisme soit mis en place, bien que le CNC ne sera pas le propriétaire des droits sur les films qui bénéficieront de cet argent (le mécénat transformant cette aide en argent public). En revanche, les craintes initiales d’un mécanisme qui ne bénéficierait qu’à des œuvres sans potentiel commercial ne sont plus d’actualité, la seule obligation posée par Bercy étant que l’opération ne puisse pas se faire sur le marché privé, a indiqué Laurent Cormier. Les critères du choix des films resteront les mêmes que ceux du plan de numérisation. 
C’est le CNC qui gérera le recours à des mécènes, "en associant les ayants droit à toutes les étapes". Les mécènes bénéficieront en contrepartie d’une réduction de leur impôt de l’ordre de 60% pour les entreprises et de 66% pour les particuliers, sous réserve des évolutions dans la loi de finances pour 2020 (la réduction des plus fortunés pourrait être moins attractive même si rien n’est arrêté).
Le formulaire pour déposer des demandes est déjà en ligne sur le site du CNC. Celui-ci en a déjà reçu une centaine, tout en étant "un peu en attente" de celles des grands catalogues pour avoir un choix de films assez large.

Le SCFP plaide pour le 1% des ressources du CNC pour les aides à la numérisation
Du côté des cataloguistes, qui se sont constitués en Syndicat des catalogues de films de patrimoine (SCFP) dans la foulée des incertitudes apparues depuis un an sur l’avenir des Aides à la numérisation, si on salue "le bilan exemplaire du plan" et "la reprise du dialogue avec le CNC", comme l’a rappelé le président du syndicat Yann Le Prado (Studiocanal), avec à ses côtés Anne Esteban Barrière (Gaumont) et Laurence Braunberger (Les Films du Jeudi), l’insatisfaction reste très forte. 

(À lire aussi l'interview  de Yann Le Prado, président du SCFP : "La question est de savoir si notre pays va tourner le dos à tout un pan de son patrimoine")

D’une part, le futur dispositif de mécénat soulève de nombreuses interrogations. En cas de recours à des entreprises et, donc, des marques comme mécènes pour la restauration, quelle contrepartie faudra-t-il octroyer en terme de visibilité ? Tous les ayants droit accepteront-ils que leurs films soient associés à une marque ? D’autre part, ce dispositif, reposant sur des fonds privés, sera en terme budgétaire trop aléatoire alors que les cataloguistes ont besoin d‘un minimum de prévisibilité sur les restaurations qu’ils peuvent engager.
S’ils peuvent comprendre une baisse des Aides à la numérisation dans le contexte actuel de diminution du budget du CNC, la chute de 9 M€ à 2,8 M€ ne passe pas du tout. Leur syndicat plaide auprès du CNC et du ministère de la Culture pour le "1% patrimoine" : cela consisterait à sanctuariser chaque année 1% du budget du Centre aux Aides à la numérisation. Par exemple, leur montant aurait été de l’ordre de 7 M€ en 2019. Et les arguments avancés sont nombreux : beaucoup d’œuvres sont encore à restaurer et/ou numériser ; beaucoup ont besoin de ces aides pour que cette restauration/numérisation parvienne au moins à l’équilibre ; il s’agit d’une mission de service public que le Centre doit remplir ; cette forte baisse budgétaire intervient dans un marché du patrimoine en décroissance. Enfin pour eux, il s’agit ensuite de choix politique de la part du Centre, les films, et donc leur préservation, étant le moteur de tout l'écosystème patrimonial. 

En outre, les détenteurs de catalogues sont désormais soumis à une obligation légale d’exploitation suivie des titres. Certes, il s’agit d’une obligation de moyen et non de résultat. Pour autant, comment la remplir quand les moyens budgétaires manquent pour restaurer certains titres qui n’ont pas une valeur commerciale assez forte pour être restaurés et/ou numérisés sur fonds propres ? Et sans compter comme déjà dit, qu'un ayant droit pourrait refuser dans le cas du mécénat d’associer le film à telle ou telle marque...

Interrogé sur la position du CNC sur cette demande du "1% patrimoine", Laurent Cormier a répondu que le Centre écartait cette logique, ne pouvant rigidifier un budget sur des quantums d’interventions en fonction d’un domaine.

Autant dire qu'un relèvement dans l'immédiat des Aides à la numérisation est illusoire au moment où le CNC fait un inventaire pour déterminer si les économies urgentes de 15 M€ sur le cinéma qu'il doit faire va se traduire par une baisse de manière uniforme de 5% de tous les dispositifs en 2020 ou bien sur des baisses plus ciblées. Toutefois, le CNC veut dans la foulée passer au crible l'ensemble des 91 aides qu'il gère, tous domaines confondus : cela ne pourrait-il pas être alors l'occasion de rediriger des moyens vers les Aides à la numérisation ?

Sarah Drouhaud
© crédit photo : SD


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