César Animation : un constat commun, mais deux approches distinctes
En vue de la rénovation de l'Académie des César pour son édition 2021, la filière de l'Animation milite pour une meilleure représentation de ses talents et techniciens dans les instances de l'APC. Mais deux courants, l'un porté par le SPFA, l'autre émanant du SPI et de la SRF, formulent deux approches différentes.
Un premier constat commun pour mieux représenter l'Animation dans les instances des César
Quelle place occupera la filière de l'Animation dans l'Académie des César rénovée ? Dans le cadre de ce travail mené par le CNC avec l'Académie (l'APC), la filière de l'Animation se mobilise : l’AFCA, l’AGrAF, la Guilde française des scénaristes, le SPFA, le SPI et la SRF militent en commun pour une meilleure représentation des professionnels de l’animation au sein de son assemblée générale et de son Conseil d’administration.
Dans le cadre des concertations en cours, l’ensemble de ces organisations "réaffirment la place essentielle de l’animation au sein de la filière cinématographique française".
"Rassemblant plus de 7500 techniciens, auteurs et producteurs, le secteur de l’animation en France, en tant que leader européen de la production d’animation, est considéré aujourd’hui comme une filière d’excellence, dont les talents et les oeuvres sont reconnus à l’échelle internationale. Salués par le public et les festivals les plus prestigieux, il est désormais indéniable que les films d’animation représentent une part non négligeable du marché. L’animation française connaît par ailleurs des records de recettes dans les salles étrangères. Le court métrage d’animation, quant à lui, représente plus de 46% de chiffres d’affaires en matière d’exportation (et se situe au premier rang en nombre de transactions) pour 14% de la production totale. (Sources CNC et UniFrance)
Partant de ce constat, il devient indispensable qu’une entité emblématique telle que l’Académie des César intègre, dans son nouveau modèle de gouvernance, une représentation significative des professionnels de l’animation, tous métiers confondus (producteurs, réalisateurs, scénaristes, techniciens)" écrivent dans un communiqué les organisations.
Elles s'accordent pour que le futur Conseil d’administration de l’APC intègre "de plein droit et de manière systématique, des professionnels de l’animation, de l’ordre d’un dixième de ses sièges avec une représentation égale en matière de parité". "Sanctuariser un nombre défini de sièges pour les professionnels de l’animation garantit une représentation équitable de la filière et une véritable implication dans toutes les étapes de décisions pour l’ensemble des orientations et des actions qui seront mises en oeuvre au sein de l’Académie" argumentent-elles. Des contributions indépendantes ont été transmises au CNC sur les questions relatives au statut des membres de l’APC ainsi qu’à la composition et au fonctionnement de son Assemblée générale et de son Conseil d’administration.
Deux propositions distinctes
Mais ensuite, le sujet suscite deux approches différentes. Ainsi deux propositions circulent actuellement dans la profession pour savoir dans quelle catégorie vont concourir les artistes et techniciens de longs et courts métrages d'animation.
Le SPFA milite lui, dans un appel en cours de signature, pour la création d'un collège distinct "Animation/Effets visuels" au sein de l'Académie. L'argument est connu : un collège distinct, rénové en intégrant les effets visuels, permet avec certitude de récompenser des longs et courts d'animation, qui pourraient peiner à ressortir en étant mélanger aux films de fiction dans d'autres collèges.
Tandis qu'une tribune, également en cours de signature, initiée par membres du SPI et de la SRF, les réalisateurs Vergine Keaton, Sébastien Laudenbach, Denis Walgenwitz et les producteurs Sébastien Onomo et Emmanuel-Alain Raynal, prône elle, au motif que l'Animation n'est pas un genre en soi, une représentation de l'Animation dans tous les collèges. Pour s'assurer que l'Animation puisse exister dans toutes les catégories concernées, un système de quota par collège serait mis en place.
Nous publions l'appel du SPFA et la tribune des membres précités, les deux en cours de signatures.
L'appel du SPFA :
"Alors qu’il traverse une période particulièrement difficile, le cinéma français doit malgré tout regarder vers l’avenir et notamment se pencher sur les futurs statuts de l’Académie des César dans la perspective de l’édition 2021. Il s’agit bien en effet d’impulser le renouveau de cette prestigieuse institution, dont le rôle majeur dans la promotion du secteur sera plus que jamais essentiel à sa relance. Tirant les enseignements des derniers évènements, l’Académie souhaite introduire plus de parité et de diversité dans la composition de son association, en faisant œuvre d’une plus grande transparence.
Dans ce cadre, il est temps de faire entendre la voix de cette partie de notre métier qui a considérablement grandi depuis 30 ans et demeure hélas quasiment sans représentants au sein des César. Les films d’animation pèsent pourtant chaque année plus de 30 millions d’entrées en salles, et plus de 80% des long métrages font appel à des effets visuels. Ce savoir-faire et cette créativité irriguent tout le cinéma contemporain, ils accumulent les succès à l’international et remportent aussi les récompenses les plus prestigieuses : sur les 20 dernières années, 19 films d’animation français (courts et longs) ont été nommés aux oscars.
De plus en plus de grands cinéastes issus de la prise de vues réelles se sont engagés dans la voie de l’animation, et inversement. De plus en plus de producteurs et de productrices s’investissent avec bonheur dans l’un comme dans l’autre. De plus en plus d’œuvres sont conçues avec le concours d’effets visuels toujours plus créatifs.
L’animation et les effets visuels emploient des milliers d’artistes brillants, passionnés, inventifs qui souffrent depuis des années d’un cruel manque de reconnaissance au sein même de l’Académie des César. Puisqu’en effet aucun collège ne leur est dédié. Comment pourraient-ils s’exprimer, se faire entendre, s’ils ne sont pas représentés en tant que tels, aussi bien dans l’association qu’à son conseil d’administration? Sait-on que la branche de l’animation à l’académie des Oscars est la deuxième branche la plus nombreuse après celle des acteurs, et comprend plus de 700 membres ? Et qu’il y existe aussi une branche des effets visuels, qui sont récompensés depuis les années 40 ? Enfin que c’est un français qui a gagné l’Oscar des Effets Visuels en 2020 !
Alors oui, nous qui voulons entendre la voix de tous les talents qui composent les métiers de l’animation et des effets visuels, nous voulons porter leur parole avec force et nous demandons qu’un collège de l’animation et des effets visuels soit créé au sein de l’académie, en vue des César 2021. Qu’il réunisse tous ceux qui, membres actuels de l’association, se reconnaissent dans ce métier et souhaitent le représenter. Il est également essentiel que soit réservé dans le nouveau Conseil d’administration le même nombre de représentants de ce collège que celui dévolu aux autres collèges. Au moment où l’Académie veut se porter garante de la diversité, elle doit agir pour inclure tous les métiers du cinéma. Ce serait une erreur de sursoir à cette décision et de continuer à nous laisser ainsi sans voix".
Tribune "Replaçons l'animation au cœur du cinéma"
"Nous avons bien conscience, que ce débat paraît peu important au vu de la crise inédite que le monde traverse, et qui touche avec grande violence notre milieu du cinéma et de l'audiovisuel.
Nous avons voulu cette tribune en réaction à une autre lettre ouverte sur ce même sujet, non signée et proposant la création d'un collège "Animation et Effets spéciaux". Si nous respectons les propositions émises par cette lettre, nous ne les partageons pas.
Alors que toutes les organisations représentantes de l'animation se sont tous retrouvées sur la finalité (qu'autour de 10% du CA soit représenté par des professionnel.les de l'animation), elles ont cependant envoyé des propositions différentes au CNC. Cette lettre ouverte nous a donc surpris par sa volonté d'énoncer un seul point de vue alors que plusieurs avis existent.
Nous avons voulu cette tribune pour laisser entendre une deuxième voix qui doit elle aussi être écoutée.
D'ici quelques jours le CNC arbitrera sur les règles de composition du nouveau CA.
Nous souhaitons simplement qu'il puisse les établir après avoir entendu les avis proposés par l'ensemble des professionnels du secteur.
Replaçons l’animation au cœur du cinéma :
Pour une meilleure et juste représentation de l’animation à l’Académie des César
Et contre son ostracisation dans un collège dédié
Nous, professionnel.le.s du cinéma français d’animation, mais aussi de la prise de vue réelle, demandons une meilleure prise en compte des œuvres d’animation, de leurs producteur.trices, auteur.e.s et technicien.ne.s au sein de la nouvelle Académie des César. Nous souhaitons qu’autour de 10% des sièges de son Conseil d’administration reviennent à des représentant.e.s issu.e.s de ce secteur. Au-delà du maintien des prix du meilleur long métrage et du meilleur court métrage d’animation, notre secteur doit être défendu et reconnu.
Nous voulons à nouveau affirmer que l’animation n’est pas un genre.
Elle traverse les genres cinématographiques que sont la fiction, le documentaire et l’expérimental, et s’empare de plusieurs genres narratifs comme le drame, la comédie, le polar ou encore la science-fiction. L’animation se décline en un certain nombre de techniques (en volume ou stop motion, en 2D, 3D). Ces techniques et expressions graphiques sont au service du propos ; elles nous permettent de faire vivre des univers, des personnages, des poésies et d’enrichir les propositions narratives. L’animation n’est qu’une autre manière de faire du cinéma. Elle est née avec lui. Ses précurseurs appartenaient au cinéma, sans distinctions. Aujourd’hui, les passerelles entre les pratiques sont de plus en plus régulières, et l’on voit par exemple des réalisateurs.trices venu.e.s de la prise de vue réelle écrire pour l’animation, et inversement.
La réforme de l’Académie des César est un moment déterminant, nécessaire pour notre combat : donner à l’animation la place qui lui revient, au cœur de la création cinématographique. Nous demandons à être parmi nos pairs.
Nous demandons à être représenté.e.s au sein de l’Académie par des places attitrées dans les collèges producteurs, réalisateurs et techniciens, dans le respect de la parité".
Nous sommes de fait contre la proposition de création d’un collège unique dédié à l’animation, quand les autres collèges respectent une logique de professions. Nous ne sommes pas des réalisateur.ice.s, des auteur.e.s, des technicien.ne.s et des producteur.trice.s à part. Enfin, il nous paraît incohérent d’associer films d’animation et VFX. Les effets visuels doivent être représentés au sein des collèges dédiés aux techniciens et aux industries techniques.
Il est temps de décloisonner le cinéma d’animation, de rendre justice aux œuvres que nous aimons, auxquelles nous donnons tant d’énergie, à travers leur conception, écriture, fabrication, financement, diffusion. Le cinéma français d’animation a de beaux jours devant lui : saisissons l’opportunité qui nous est offerte aujourd’hui."
Sarah Drouhaud
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