Lili Hinstin : "Nous n’avions jamais envisagé pouvoir accueillir des invités internationaux"
La directrice artistique du Festival de Locarno, dont la 73e édition prévue en août prochain vient d'être annulée, détaille les conditions de cette annulation.
Comment avez-vous pris la décision d'annuler le festival?
Lili Hinstin : Nous attendions l’annonce du gouvernement fédéral [qui a eu lieu hier avant-hier, voir les détails ici, NDLR]. Nous étions préparés à tous les scénarios. L’annulation faisait partie de ces scénarios. De toute façon, la santé est prioritaire. Par ailleurs, nous n’avions jamais envisagé pouvoir accueillir des invités internationaux cette année. De plus, vu que 80% de la fréquentation de Locarno est le public, l’annulation était logique.
Il n'y aura donc pas de sélection officielle cette année...
Lili Hinstin : La question s’est posée d’une sélection en ligne. Mais Locarno se déroule en plein d’août, et on sait très bien que ce mois sera très particulier. Franchement, qui aura envie d’ouvrir son ordinateur pour voir des films au mois d’août cette année ? Les gens voudront profiter de la vie, se reposer, plutôt que ça. De plus, comme nous défendons un cinéma exigeant, parfois radical, et que nous sommes un festival de la sensorialité, cela n’avait aucun sens de coincer des films ainsi.
Pourtant, le programme que vous mettez en place, Locarno 2020 - For the future of films, devrait comprendre de l'activité numérique ?
Lili Hinstin : Nous ne voulions pas être dans une idéologie qui consistait à ne pas recourir à Internet par principe. C’est pourquoi, nous réfléchissons toujours pour les courts métrages. Nous savons que participer à de nombreux festivals fait partie de l’économie du court. Peut-être irons-nous en ligne de façon radicale à ce sujet. Ce moment de crise doit permettre de briser les paradigmes de la pensée, voire de repenser la façon de programmer les festivals. Cela fait des semaines que nous travaillons dans l’incertitude et nous sommes encore en phase de réflexion.
Le programme Locarno 2020 - For the future of films va être centré sur l'aide à la production...
Lili Hinstin : Oui, comme nous annulons la sélection de nouveaux longs métrages, nous nous sommes demandé comment aider quand même la production. Dans le cadre de notre nouveau budget, qui est forcément réduit, nous allons consacrer une partie des trophées à des cinéastes dont les projets ont dû s’arrêter à cause de la crise du coronavirus, et cela concerne tous les postes (montage, post production, etc…). Nous allons donc choisir 10 projets internationaux et 10 projets suisses qui seront présentés à un jury de cinéastes, comme une forme de distinction entre collègues. Un projet dans chaque catégorie recevra un Léopard spécial de 70 000 CHF. Nous voulons aussi mettre en place un dispositif pour aider les salles indépendantes de cinéma suisse qui sont très fortement touchées. Nous annoncerons les détails de cette aide prochainement.
Qu'en-est-il de Locarno Pro, réservé aux professionnels ?
Lili Hinstin : Le programme Open Doors est conservé, il a déjà son financement. Pour le reste, nous allons dévoiler un certain nombre de projets qui sont en cours de finalisation.
Comment la crise du coronavirus pourrait affecter les festivals et plus généralement le cinéma ?
Lili Hinstin : Ce qui est certain est que l’an prochain il y aura tout un déséquilibre. Je ne sais pas encore si les festivals vont changer mais cette crise va modifier l’économie du cinéma de façon prononcée avec malheureusement la faillite de structures fragiles.
Vincent Le Leurch
© crédit photo : Locarno Film FestivalVous avez déjà un compte
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