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Cinéma

Congrès FNCF 2020 - Laura Houlgatte et Guillaume Branders : "Sortir de la crise va être un challenge pour tous les exploitants"

Date de publication : 23/09/2020 - 08:15

À l’occasion de la table ronde “Impact de la crise sanitaire dans le monde sur les cinémas en France”, qui se tiendra ce mercredi matin dans le cadre de la 75e édition du Congrès des exploitants, la directrice exécutive et le senior industry relations manager de l’Union internationale des cinémas (Unic) reviennent sur l’été difficile que viennent de traverser les salles européennes.

Les salles françaises ont rouvert leurs portes le 22 juin. Qu’en a-t-il été dans le reste de l’Europe ?
Laura Houlgatte :
La réouverture a commencé début mai, puis chaque pays a suivi peu à peu, sachant que de nombreuses dates ont bougé en raison de la situation sanitaire.
Guillaume Branders : Seuls les cinémas de Chypre – où la réouverture est prévue en septembre –, de la Macédoine du Nord et du Kosovo n’ont pas encore de date.
L. H. : Et ce n’est pas parce qu’elles ont reçu le feu vert de leur gouvernement que les salles ont décidé de rouvrir dès qu’elles en avaient l’autorisation.
G. B. : En Lettonie par exemple, alors que les exploitants ont été autorisés à rouvrir le 1er juin, les plus gros opérateurs n’ont repris que fin juillet-début août.

Ces décalages se comptent donc parfois en mois…
G. B. : Oui, et les raisons sont multiples : règles de distanciation physique trop strictes ou pas suffisamment claires, désaccords avec les propriétaires des murs, interdiction de rouvrir les centres commerciaux dans lesquels les cinémas sont installés… Et puis, dans plusieurs pays, les gouvernements ont annoncé la réouverture du jour au lendemain. Ce fut le cas en Roumanie, le 31 août pour le 1er septembre. Je doute que les cinémas soient capables de rouvrir en 24 heures…
L. H. : Certaines salles ont également retardé leur réouverture en raison de l’offre de films et du manque de nouvelles sorties, comme quelques groupes en Grande-Bretagne.
G. B. : Plusieurs territoires sont d’ailleurs encore en train de rouvrir leurs cinémas, tel l’Allemagne où 80% du marché (par rapport au volume d’entrées habituel, et non au nombre d’écrans, Ndlr) est opérationnel, la Russie, avec seulement 45%, ou l’Italie avec 65%. Aujourd’hui, environ 70% à 75% de l’exploitation européenne a repris ses activités.

La France a, elle, rouvert la très grande majorité de son parc d’un seul tenant, à la fin du mois de juin. Est-ce un exemple unique en Europe ?
G. B. :
Les Pays-Bas et la Belgique ont fait de même. Mais, dans la majorité des cas, la réouverture a été bien plus progressive qu’en France.

Globalement, quelles règles sanitaires ont été imposées ?
L. H. :
Pratiquement tous les pays ont instauré le principe de distanciation sociale. Et, désormais, l’obligation du port du masque tend à se généraliser.
G. B. : Il y a deux mois, il n’était obligatoire qu’en République tchèque. Et puis, petit à petit, il l’a été en Italie, dans certaines régions allemandes, en France... C’est finalement en train de devenir la norme.

On sait la reprise très difficile pour beaucoup de territoires, notamment en raison d’un manque cruel de blockbusters américains. Certains marchés s’en sortent-ils mieux ?
G. B. :
La Hollande a vraiment tiré son épingle du jeu, puisque ses salles ont réalisé en août 60% de leur marché habituel. Et, lors de la dernière semaine du mois, leur fréquentation a augmenté par rapport à la même semaine en 2019. Globalement, les sorties de Tenet et Les nouveaux mutants ont boosté les entrées un peu partout en Europe début septembre.
L. H. : Le fait de bénéficier de nouvelles sorties a vraiment fait la différence. C’est particulièrement marqué dans des territoires comme l’Espagne, où le redémarrage (-98%) a été très difficile alors que les deux tiers des salles avaient rouvert : la sortie, fin juillet, de Padre no hay mas que uno 2, a fait exploser les compteurs. Car au-delà des blockbusters américains, les contenus locaux manquent eux aussi. On se retrouve du coup, dans certains pays, dans une situation où les salles sont ouvertes mais n’ont pas – ou très peu – de films à montrer. C’est aussi pour cette raison que Tenet était très attendu. Cela permet d’envoyer un message clair aux distributeurs de films locaux et de blockbusters américains : “Il y a des grosses sorties, et elles fonctionnent, allez-y !”
G. B. : Les nouvelles sorties européennes ont, elles aussi, attiré des spectateurs. Rendez-vous chez les Malawas a par exemple cartonné au Portugal, tandis que Le prince oublié a connu de très bons résultats en Slovaquie. Il y a une soif de nouvelles sorties, qui n’est malheureusement que très partiellement assouvie.

Des mesures de soutien spécifiques aux salles ont-elles été mises en place ?
L. H. :
Dans la plupart des pays, les salles ont surtout bénéficié des mesures générales de soutien à l’emploi ou aux coûts fixes. Des soutiens en faveur de la culture ont été annoncés dans plusieurs territoires mais, le gâteau devant ensuite être partagé avec tous les secteurs, ce qu’il reste pour la salle est minime.
G. B. : Des aides ont été mises en place de manière quasi généralisée pour couvrir les pertes pendant la fermeture. Mais pour ce qui est de la relance, il y a très peu de choses. Par exemple, le mécanisme de compensation des pertes d’exploitation liées au maintien de la distanciation physique annoncé en France n’a pas vraiment d’équivalent en Europe.
L. H. : La période qui débute est très délicate car, dans certains pays, les aides mises en place s’arrêtent dès que les cinémas reprennent leurs activités. Les salles ont rouvert à travers l’Europe, mais si on les fait attendre trop longtemps, certaines n’auront d’autres choix que de refermer.

Certaines situations vous inquiètent-elles particulièrement ?
L. H. :
Je suis inquiète pour tous les territoires et les cinémas de toutes tailles, parce que la crise a affecté tout le monde. En sortir va être un challenge pour tous les exploitants. Ceci étant dit, il est clair que la salle de cinéma a manqué aux publics et que cette expérience – celle de voir un film sur grand écran, ensemble – reste unique et irremplaçable.

Propos recueillis par Kevin Bertrand
© crédit photo : Unic


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