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Cinéma

Cannes 2021 - Elie Grappe réalisateur de 'Olga' : "Je voulais tracer l’histoire d’une héroïne"

Date de publication : 10/07/2021 - 08:45

Présenté dans le cadre de la Semaine de la critique, le film situe son histoire entre deux pays, décrivant un engagement jusqu’à un point de non-retour.

Quelques mots sur votre parcours de cinéaste ?
J’ai grandi sur les pentes de la Croix-Rousse à Lyon, et j’ai étudié une dizaine d’année la trompette au conservatoire de Lyon, notamment en horaires aménagés pendant ma scolarité. Après mon bac, je suis arrivé en Suisse pour intégrer le département cinéma de l’ECAL - École cantonale d’arts de Lausanne. Pendant ma formation, j’ai eu la chance de réaliser des courts métrages, que j’ai pu montrer en festivals : Répétition, un documentaire musical sur les aléas d’un cours de chant, d’ailleurs tourné au conservatoire de Lyon ; et Suspendu, une fiction avec des jeunes danseurs classiques du conservatoire de Paris. En 2016, j’ai entamé le développement d’Olga.

 D’où vous viennent les envies de films ?
J’ai trop peu de recul pour pouvoir vraiment répondre. Je peux observer que les personnages de mes films ont un désir obsessionnel, un peu décalé du monde alentour. Elles et ils sont en colère. Je les comprends sans pour autant qu’on se ressemble, d’ailleurs. Sinon, du plus loin que je me souvienne, l’envie de films vient de ceux qu’on regardait en boucle chez mes voisins, sur des "DivX" craqués, lorsque mon frère et moi étions enfants : Princesse Mononoké, Matrix, La Strada, Shrek, Ran
 
Comment avez-vous imaginé l’histoire de cette gymnaste ?
Fin 2015, j’ai coréalisé un documentaire autour d’un orchestre. J’y ai filmé une violoniste ukrainienne, arrivée en Suisse juste avant les événements d’Euromaïdan. Le trouble avec lequel elle m’a raconté la révolution, et à quel point les images l’avaient atteinte, m’a profondément touché. C’est ici que je trouvais la jonction entre les différents motifs qui m’intéressaient pour mon premier long-métrage : filmer la passion, et mettre face à face cet enjeu individuel et des enjeux collectifs. Tracer l’histoire d’une héroïne qui doit, malgré elle, concilier son désir personnel avec le cours de l’Histoire.
Bien sûr, le travail sur la gymnastique artistique est en continuité avec Suspendu, mais au départ, cette discipline très codifiée était pour moi plus mystérieuse que la danse. Elle est pleine de sons, de mouvement… c’est une pratique très cinégénique, qui m’a tout de suite donné envie de filmer !
 
L’écriture du scénario puis le développement du film ont été longs ? Comment avez-vous travaillé avec Raphaëlle Valbrune-Desplechin ?
Entre la conception du projet et le premier clap : quatre ans. Mais le développement du projet a été incroyablement stimulant ! Je devais faire la plupart du casting, des repérages et des recherches d’archives pendant l’écriture, dans une démarche proche d’un documentaire.
J’ai rencontré Raphaëlle Desplechin à l’ÉCAL où elle était l’une de nos intervenantes : elle a accompagné l’écriture de mon court métrage Suspendu. Sans aucune hésitation, c’est avec Raphaëlle que j’ai eu envie de partager cette expérience d’écriture au long cours. Simplement en racontant une histoire, elle peut te faire trembler ! Raphaëlle est incroyablement intelligente, très rigoureuse, j’ai énormément appris et grandi en travaillant avec elle. Nous nous sommes aussi entourés de différents interlocuteurs, autant pour les questions liées à l’Ukraine, comme la sociologue Ioulia Shukan, que pour la gym avec les coachs de l’équipe nationale suisse – qui ont fini par jouer dans le film.
 
Comment avez-vous rencontré vos producteurs successifs ?
Jean-Marc Fröhle – dont la société s’appelle Point Prod – m’accompagne depuis 2015 puisqu’il a coproduit mon film de diplôme Suspendu. Après ce court, c’est Jean-Marc qui m’a donné confiance pour se lancer dans l’aventure d’un long, et qui a fait le pari de s’engager avec moi. Je le remercie pour son courage pendant toutes ces années autour d’Olga ! Pendant le développement, Jean-Marc s’est associé à Tom Dercourt (Cinéma Defacto) pour une coproduction avec la France. Tom a également été pour moi un interlocuteur très précieux, de l’écriture aux finitions du film.

Qu'est-ce qui a guidé votre choix de la comédienne principale ?
Anastasia Budiashkina est la clé de l’émotion du film. Pour elle, comme pour tous les rôles de gymnastes, je n’ai pas souhaité travailler avec des actrices professionnelles. Il fallait chercher à capter la vérité des interprètes : pour cela, j’ai choisi des jeunes athlètes d’élite, habituées aux risques des entraînements, à la vie au sein d’un centre et à l’aspect spectaculaire d’un championnat.
J’ai rencontré Anastasia pendant l’écriture, alors qu’elle était chez les juniors de l’équipe nationale d’Ukraine. Elle avait tout simplement l’intensité que vous découvrirez en la voyant dans le film. Plus je retournais au centre olympique d’Ukraine, plus le fait qu’Anastasia puisse incarner Olga se révélait évident. Nous avons tourné une première fois ensemble pendant la résidence Émergence, ce qui a confirmé pour de bon ses capacités d’interprète.

Où le tournage s'est-il déroulé ?
Le tournage a principalement eu lieu à Macolin, véritable lieu d’entraînement des athlètes olympiques suisses, qui se situe dans les hauteurs de Bienne. C’est un petit plateau de montagne très fermé, comme un huis-clos à ciel ouvert… Nous avons également tourné en Ukraine et à Stuttgart.
Cela a été l’expérience la plus intense de ma vie ! Sept semaines sur neuf mois, à cause du coronavirus. On a été arrêtés mi-mars, avant de reprendre fin août. Avec Suzana Pedro, nous avons commencé à monter entre ces deux périodes, ce qui était génial pour prendre conscience de ce qu’était le film.
 
Quand le film a-t-il été terminé ?
Le tournage s’est achevé en septembre 2020. Mais avons pu terminer la postproduction juste avant Cannes !

Vous êtes déjà venu à Cannes. De bons souvenirs du Festival ?
Oui : voir plein de films par jour… et bien sûr la première des Particules de Blaise Harrison, à la Quinzaine des réalisateurs en 2019. C’était très émouvant.
 
Qu’attendez-vous de cette sélection à la Semaine de la critique ?
C’est une chance fabuleuse de pouvoir présenter ici le film pour la première fois… je ne pouvais pas rêver mieux et je suis infiniment reconnaissant au comité de sélection. J’espère que cette présentation donnera à Olga une visibilité en France et à l’international. J’ai hâte que le film se confronte enfin au regard d’un public, en salle. Enfin, je me réjouis énormément des rencontres avec les autres cinéastes en sélection et de découvrir leurs films.
 
Vous avez travaillé avec Blaise Harrison. Petit milieu, celui du cinéma suisse indépendant ?
Petit, mais bouillonnant ! J’ai rencontré Blaise pendant mes études à l’Écal, où j’écrivais une partie de mon mémoire autour de ses documentaires. Il étudiait lui-même dans cette école une douzaine d’années avant moi. Blaise a un univers fascinant, avec autant d’attention pour le réel que d’exigence pour la mise en scène. Le casting et le tournage des Particules était ma première expérience sur un long métrage, et ça a été une période géniale.
 
D’autres projets en vue ?
Avec l’écrivain et scénariste Victor Jestin, nous avons entamé l’écriture de mon deuxième long. À nouveau avec de jeunes interprètes, mais à une époque et dans un contexte tout à fait différent.
 

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo :


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