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Cinéma

Cannes 2021 - Leyla Bouzid réalisatrice de 'Une histoire d’amour et de désir' : "C’est l’éducation sentimentale et sensuelle d’un jeune homme réservé"

Date de publication : 14/07/2021 - 09:00

Le film de clôture de la Semaine de la Critique est la deuxième réalisation d’une cinéaste qui a choisi de "remettre la culture Arabe au premier plan au travers de la littérature et de la poésie célébrant l’amour".

D’où vous viennent les envies de films ?
C’est assez difficile à dire, on ne sait jamais tout à fait. Il me semble que, pour mes deux films, l’envie vient d’une association entre un personnage et une situation particulière. Par situation, on pourrait dire une scène, un moment que vit le personnage et qui pré-existe à l’histoire. Cette "association" devient un moment autour duquel le reste se construit. Ce n’est pas forcément le début du film. Par exemple, pour À peine j’ouvre les yeux, il y avait deux personnages : Farah et Hayet, un rapport mère-fille fusionnel, et l’idée qu’à un moment l’une va disparaître du film et l’autre va la chercher et prendre sa place dans l’histoire. Ce n’est pas le film, mais c’était un point de départ, une direction. Ensuite, beaucoup de choses viennent s’insérer, s’ajouter et le film prend forme progressivement.

Quel est le point de départ qui vous a inspiré Une histoire d’amour et de désir ?
Pour Une histoire d’amour et de désir, le point de départ était l’envie de dessiner le portrait d’un jeune-homme timide qui a du mal à prendre en charge ses premiers émois. Et ce moment particulier qui pré-éxistait à l’écriture, paradoxalement, c’est la scène de fin du film (que je ne divulguerai pas ici). J’avais envie que ce moment-là soit le point d’arrivée d’une histoire. L’idée de la rencontre avec Farah est une sorte de conséquence logique. Naturellement, il devait rencontrer la personne qui pourra le chambouler le plus, interroger ses acquis et   la construction même de son identité. 
 
Comment présentez-vous le film en quelques mots ?
L’éducation sentimentale et sensuelle d’un jeune homme réservé.
 
Comment avez-vous construit le scénario ?
Le scénario devait épouser la trajectoire émotionnelle d’Ahmed. La dramaturgie était donc entièrement construite autour de l’intériorité du personnage et les points de bascule du récit viennent toujours de la résistance du personnage lui-même. La particularité c’est qu’Ahmed porte en lui son propre antagoniste. Mis à part cet aspect-là, la structure à proprement parler du récit est tout à fait classique. Tout se passe comme si, à chaque "acte", un verrou se débloque chez lui, le mettant encore plus "au pied du mur" .
 
L’arrivée d’Arte a été décisive pour la production du film ?
C’est le tout premier financement que nous avons obtenu. C’était un signal très fort : l’histoire d’Ahmed touchait et fonctionnait ! D’autres, que ma productrice, Sandra Da Fonseca, et moi, croyaient dans le film aussi fort que nous. J’ai beaucoup d’admiration pour les films qu’ils co-produisent, c’est un vrai privilège d’en faire partie et une grande marque de confiance dans le projet. Après cela, les planètes se sont alignées et les autres financements sont arrivés très vite.
 
Comment avez-vous choisi vos acteurs, Sami Outalbali et Zbeida Belhajamor ? Sur quelle base ?
Il fallait d’abord trouver Ahmed. Qu’il dégage à la fois une forme de virilité et de fragilité. Qu’on puisse croire qu’il vient de banlieue mais aussi qu’il aime la littérature. L’acteur qui allait l’incarner avait un véritable défi de jeu acteur et devait également adhérer au projet du film. La rencontre avec Sami a été une évidence. Il s’est donné corps et âme au personnage d’Ahmed, qui est un véritable rôle de composition pour lui. 
Zbeida je l’ai cherché et trouvé à Tunis. Pour moi, il était primordial que ce soit une tunisienne vivant là-bas. Quand je l’ai rencontré, son charisme était palpable et il était évident qu’elle pouvait incarner celle qui déstabilisera Ahmed. Ensuite, il fallait qu’ils se rencontrent, qu’une alchimie opère...
 
Le tournage a eu lieu où et quand ?
Le tournage a eu lieu d’octobre à décembre 2019. Uniquement en région parisienne en effet.
 
Difficultés particulières ? Anecdotes ?
Le tournage s’est très bien passé. Ma productrice et moi étions conscientes que ce film nécessitait du temps de tournage qui permettrait de travailler en subtilité et en profondeur le jeu et la mise en scène pour atteindre une forme de justesse. Nous en avons donc fait notre priorité et avons pu tourner 40 jours.
Je ne sais pas si c’est une anecdote. Il se trouve que la fac où nous avons tourné est le lieu même où j’ai commencé mes études en arrivant en France en 2003. Le premier cours Magistral dans le film correspond presque mot par mot au premier cours auquel j’ai assisté. Le chargé de figuration a même pris l’initiative de contacter mon professeur de l’époque (Je tenais à avoir un orateur de son acabit) et le Pr Marchal, retraité depuis peu, nous a fait l'honneur d’accepter.
 
Cette littérature arabe érotique est effectivement peu connue… il y a notamment des auteurs que vous avez voulu mettre en avant ?
Le corpus littéraire arabe est très riche et foisonnant autour de la thématique amoureuse, sensuelle et charnelle. Ce qu’il y a dans le film n’en est qu’un léger aperçu. L’idée c’était de faire rencontrer Ahmed et ces textes. Parmi les auteurs cités dans le film, il y’a Ibn Arabi qui a une oeuvre immense, mystique et poétique. Mais aussi, "Le Jardin parfumé", manuel d’érotisme du XVème siècle,  très surprenant, ludique et moderne.
 
Le film a été terminé quand ?
Nous venions de finir le montage image quand le 1er confinement est arrivé. Nous avons mis la post-production en pause et repris tranquillement après. Il a été terminé en octobre 2020.
 
Qu’attendez-vous de cette sélection à la Semaine de la Critique ?
La Semaine de la Critique ayant peu de films, elle leur accorde à chacun une place de choix. Je suis très heureuse que le film puisse faire partie de cette sélection et bénéficier du regard de Charles Tesson, son délégué général. Le film étant en clôture, ce sera également la toute dernière projection présentée par lui, puisqu’il quitte cette fonction, ce qui est assez émouvant en soi. J’attends de livrer (enfin) le film aux autres et j’espère qu’ils s’en emparent !

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : Sébastien Goepfert


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