Cinéma

Cannes 2021 - Charline Bourgeois-Tacquet réalisatrice des "Amours d’Anaïs' : "C’est un film sur la force du désir, son rôle de moteur absolu dans nos vies"

Date de publication : 16/07/2021 - 11:20

Son premier long métrage, dans lequel le rôle-titre est interprété par Anaïs Demoustier, a été présenté dans le cadre de la soirée du 60e anniversaire de la Semaine de la Critique.

D’où vous viennent les envies de films ?
Souvent, de choses que j’ai au moins en partie vécues, et qui gardent pour mon esprit et ma sensibilité une force particulière. J’ai alors envie de les explorer en leur donnant une forme.

Quel est le point de départ qui vous a inspiré Les Amours d'Anaïs ? Comment est née Anaïs ?
Le point de départ est autobiographique, mais le reste est entièrement imaginaire. J’avais une liaison avec un homme marié et lorsqu’il me parlait de sa femme, je ne pouvais m’empêcher de penser que nous étions faites pour nous entendre. Aucune jalousie, bien au contraire, mais un vif intérêt a priori. C’était assez insolite, cela pouvait donner lieu à une histoire vraiment savoureuse, et à partir de cela j’ai très vite commencé à écrire le scénario des Amours d’Anaïs.

Comment présenteriez-vous le film, en quelques mots ?
C’est un film sur le désir, au sens large, sur la force du désir, son rôle de moteur absolu dans nos vies. Sur l’élan vital, en quelque sorte. Et c’est aussi le portrait d’une jeune femme de trente ans, en proie aux difficultés matérielles et existentielles propres à son âge et à son temps. J’ajouterais que le film entremêle constamment la légèreté et la gravité. On passe des excès propres à la comédie à une forme de premier degré plus "sentimental" disons. Comme dans la vie je crois…

Comment avez-vous construit le scénario ?
Le scénario a très vite eu une sorte de structure spontanée : la présentation d’Anaïs, un peu perdue entre différentes histoires d’amour, une finissante et une nouvelle, pas tellement prometteuse. Et puis, sans crier gare, son intérêt pour la femme de son amant. Jusqu’à la rencontre avec celle-ci. Le cœur du film a toujours été là. Dans cette rencontre. Et dans ce que cette rencontre pouvait ouvrir comme perspectives.

Il y avait une chose très importante pour moi, c’était de restituer la complexité qui régit dans la vie nos sentiments. Anaïs ne sait pas pourquoi elle veut approcher Émilie. Elle ne pourrait pas donner de nom au mouvement qui la pousse vers cette femme. Curiosité ? identification ? désir ? C’est tout cela en même temps. De la même manière, Anaïs ne désire pas Émilie pour une seule raison. Sans doute est-elle attirée vers elle parce que c’est la femme de Daniel. Mais aussi parce qu’elle est écrivain. Et encore parce que c’est une femme puissante, accomplie, quelqu’un qui pourrait peut-être lui montrer un chemin. Sans oublier la dimension charnelle, l’attirance érotique imprévue mais bien réelle.

Autre grand enjeu de l’écriture : le mélange des registres, dont je parlais plus haut. Même si le film bascule à un moment, au moment de cette rencontre avec Émilie (Valeria Bruni Tedeschi), je ne voulais pas que l’on quitte entièrement la comédie. D’où les scènes avec le personnage de Daniel (Denis Podalydès) lorsqu’il débarque au château. D’où aussi certaines situations dans lesquelles se trouve Anaïs avec les personnages secondaires, l’homme à tout faire joué par Jean-Charles Clichet par exemple, ou encore son frère.

Outre son interprète, un lien avec Pauline asservie ? Anaïs est une sorte de cousine de Pauline, disiez-vous dans une interview ?
Lorsque j’ai écrit Pauline asservie, je ne connaissais pas encore Anaïs Demoustier. J’avais mis beaucoup de moi dans ce personnage, tout en poussant les curseurs pour faire une comédie. Une comédie sur l’aliénation amoureuse. Le travail avec Anaïs (Demoustier) a été un tel enchantement que nous avons eu envie de poursuivre notre collaboration. Et puis nous nous étions toutes deux beaucoup amusées avec ce personnage.

J’avais déjà écrit une version des Amours d’Anaïs, mais j’ai réécrit le scénario en travaillant particulièrement les excès du personnage : sa manière de vivre et de parler à mille à l’heure, d’être parfois complètement à côté de la plaque… J’avais envie qu’elle nous fasse rire. Anaïs (le personnage) a donc pas mal de choses en commun avec Pauline, mais elle a aussi une profondeur que Pauline n’avait pas.

Le tournage a eu lieu où et quand ?
Nous avons tourné entre le premier et le deuxième confinement, c’est-à-dire à l’été 2020, en Bretagne (près de Perros-Guirec), en Pays de la Loire (notamment à Pornic) et à Paris. Avec beaucoup de chance : une météo incroyable, digne de la Grèce ou de la Sicile, et aucun cas de Covid dans l’équipe !

Vous avez une méthode de travail particulière avec vos comédiens ?
Oui : pour ce film comme pour mon court métrage, j’avais envie d’une mise en scène assez virevoltante, avec beaucoup d’énergie et de mouvement. En accord avec la personnalité de l’héroïne… Et je tenais à recourir le plus souvent possible au plan-séquence, notamment pour ne pas couper constamment les comédiens, pour que leur jeu puisse se déployer dans une certaine durée. La conséquence de ça, c’est que j’avais beaucoup chorégraphié les scènes, et que j’ai principalement donné aux acteurs et aux actrices des indications de déplacement et de rythme. Cela suppose d’être assez précis, assez technique, et pour certains c’est contraignant, cela demande un peu d’adaptation. Heureusement, presque tous les acteurs des Amours d’Anaïs viennent du théâtre et savent composer avec ce genre de contraintes.

Vous aviez participé au programme Next Step de la Semaine de la Critique... Une étape importante pour vous ?
J’ai trouvé passionnant de me retrouver pour quelques jours parmi ces jeunes cinéastes du monde entier, de voir naître leurs projets… Et j’ai adoré sentir que l’équipe de la Semaine de la Critique nous accompagnait, m’accompagnait dans le passage du court au long. C’était rassurant, encourageant. Mais en ce qui me concerne, l’écriture est vraiment une expérience solitaire. Cela changera peut-être ; pour l’instant il m’est difficile de "profiter" véritablement d’un dispositif collectif comme celui-là.

Qu’attendez-vous de cette sélection à la Semaine de la Critique ?  Et notamment de cette soirée du 60e ?
Je suis déjà au-delà de l’attente ! Je veux dire que j’éprouve déjà une immense joie à faire partie de cette sélection. C’est un grand honneur pour moi, pour mon film. Et que nous soyons le film du 60e anniversaire, c’est encore plus fort. La Semaine a découvert tellement de cinéastes qui comptent pour moi…
 
En ce qui concerne la soirée en tant que telle, je suis impatiente de montrer le film au public cannois, et en même temps, bien sûr, j’ai le trac. Mais je sais aussi avec quelle ferveur Charles Tesson et son équipe savent accompagner les films qu’ils aiment. Je n’aurais pas pu rêver de meilleur endroit pour Les Amours d’Anaïs.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : Les Films Pelléas : Année Zéro.


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