Cinéma

Lumière MIFC 2021 - Le Marché International du Film Classique revient à son niveau de 2019

Date de publication : 12/10/2021 - 08:25

Juliette Rajon, directrice du MIFC, et Gérald Duchaussoy, chargé de programmation, présentent la 9e édition du MIFC, qui se déroule du 12 au 15 octobre.

Comment se présente cette édition par rapport à 2019 et 2020 ?
Juliette Rajon : En termes de chiffres de fréquentation, 2019 était notre année record et pour le moment (entretien réalisé le 1e octobre ndlr) nous en sommes à un nombre équivalent d’accrédités. En 2020 nous avions pu organiser le marché et le festival juste avant le 2e confinement. Malgré ce contexte difficile, 2020 avait été une année très satisfaisante en termes d’accrédités puisque nous en avions eu 350 au lieu de 400. Cette année il y a forcément moins d’Américains et surtout d’Asiatiques. Mais nous espérons que dans la semaine précédant le festival, des professionnels vont s’accréditer en ligne, puisque le MIFC est à niveau hybride cette année.

Au début du Marché vous avez prévu un moment intitulé Retrouvailles. Il fallait marquer le coup ?
J.R. : Les accrédités ont un vrai plaisir à se retrouver ici à Lyon, dans le cadre d’un festival qui a aussi une dimension festive. Il nous semblait important de marquer le coup avec toute la symbolique que véhicule ce terme de retrouvailles. Il existe aussi une notion de communauté en raison des liens que le MIFC a su tisser avec ses accrédités, qui représentent un milieu assez restreint. Le rendez-vous lyonnais est devenu un rituel chaleureux, ce qui n’empêche évidemment pas d’aborder le plus sérieusement du monde les grands sujets du moment. Même si tout le monde n’a pas les mêmes points de vue, je pense qu’on peut parler de solidarité entre ces professionnels autour de la défense du film de patrimoine et de son futur.
Gérald Duchaussoy : Les anglo-saxons parlent en effet de famille et de communauté en évoquant les professionnels qui défendent le patrimoine. Par ailleurs venir au Marché ne signifie pas uniquement organiser des rendez-vous à la chaîne, il y a une vraie dimension plaisante qui procède aussi du fait de se retrouver et de participer ensemble à une sorte de bouillonnement.
J.R. : La preuve c’est que 90% des accréditations vendues le sont in situ. L’édition physique garde donc toute sa pertinence, notamment parce que le nombre de rendez-vous professionnels autour du patrimoine reste tout de même très restreint. Et puis nous faisons en sorte que notre village de 600 m2 reste un endroit cosy et chaleureux.
 
Avez-vous introduit des changements en termes de lieux ou retrouve-t-on la configuration habituelle ?
J.R. : L’année dernière un arrêté préfectoral tombé la veille de l’ouverture du village nous avait obligé à y renoncer. Mais cette année les professionnels vont pouvoir se retrouver dans ce qui est vraiment le lieu symbolique du MIFC, avec la salle Karbone bien sûr, qui accueille les conférences. Donc 2021 c’est le retour du village.
 
Le grand témoin cette année est Margaret Bodde.  Qu’est ce qui détermine ces choix ?
J.R. : Nous recherchons à chaque fois des personnalités ayant une vision globale de ce marché du patrimoine. Elles ne sont pas forcément implantées sur tous les territoires mais ont une expérience de la coopération à l’international. Et nous essayons aussi d’être assez hétéroclites dans la typologie de métiers qu’ils peuvent représenter avec un équilibre en termes de parité.
G.D. : Quand Sandra den Hamer, était venue en 2018, c’est notamment parce que Eye travaille beaucoup avec l’étranger et qu’elle était présidente de l’Association des Cinémathèques. Une vision globale que l’on retrouve chez Criterion, dont le président Peter Becker était grand témoin en 2019, et qui achète des films en provenance du monde entier. Quant à la Film Foundation, le travail qu’elle mène aux Etats-Unis et en Angleterre sur différents patrimoines cinématographiques comme celui de l’Italie et de l’Afrique rend la présence de Margaret Bodde totalement pertinente. D’autant que les actions de la Film Foundation revêtent aussi un aspect business très intéressant, puisqu’elle opère des levées de fonds pour financer les restaurations afin que les films puissent être de nouveau montrés.
J.R. : Avec Nathanaël Karmitz l’année dernière, on avait une vision entrepreneuriale à différents niveaux. Sandra den Hamer incarnait un volet plutôt institutionnel, mais très dynamique. Margaret Bodde représente un organisme privé mais qui est d’utilité publique, nourri par la passion cinéphile de son fondateur. Nous essayons d’avoir toujours une grande diversité, représentative de toutes celles et ceux qui font vivre cette filière.
 
Le salon du DVD en est à sa 3e édition. Le support physique fait de la résistance dans la patrimoine et même plus que de la résistance…
J.R. : C’est évident. Organiser ce salon nous tient à cœur parce que Thierry Frémaux et nous même au sein de l’Institut Lumière, sommes de grands supporters et amateurs de dvd. La preuve c’est que nous avons ouvert une librairie de cinéma qui fait beaucoup de ventes de dvd à l’année, une activité qui se déroule aussi au sein du Village du festival. Pour nous il est naturel de participer au soutien de ce secteur de la filière. C’est pour cela que nous avons proposé d’organiser à nouveau ce salon qui avait existé auparavant à Paris. Et les éditeurs sont toujours plus nombreux à s’inscrire puisqu’ils seront 16 cette année, alors qu’ils étaient 9 lors de la première édition. La relation directe avec les consommateurs cinéphiles est très appréciée de part et d’autre, car cela crée des échanges très fructueux. Et si la vente de support physique s’effondre pour les films frais, le dvd de patrimoine, lui, continue à se vendre.
G.D. : Il y a également tout un aspect événementiel à prendre en compte avec l’édition de coffrets magnifiques, qui représentent des véritables condensés de l’histoire du cinéma grâce aussi à leurs nombreux bonus. On sent des rapports très directs et très vivants entre les acheteurs et les éditeurs pendant cette journée qui est très bien vécue par tout le monde.
 
Vous avez invité la Suisse. Qu’est ce qui a présidé à ce choix ?
J.R. : L’idée de ces pays invités est de pouvoir peu à peu faire le tour de l’Europe. Cela va dans le sens de notre questionnement sur l’existence de marchés du patrimoine, à minima à travers l’Europe. Et la Suisse a toute sa place dans cette quête. Par ailleurs en raison d’un contexte sanitaire toujours un peu flou, il nous a semblé important d’inviter un pays dont il était simple de faire venir les intervenants, car proche voisin de Lyon. Mais surtout la Suisse organise des festivals de premier plan, sa Cinémathèque rayonne énormément, elle compte des exploitants en place depuis longtemps mais particulièrement dynamiques et a mis en place des outils assez performants de type plateforme. C’est un pays très intéressant à explorer, d’autant plus que la filière du patrimoine n’est pas vraiment soutenue par la puissance publique, ce qui nécessite beaucoup de volontarisme de la part des uns et des autres.
 
Quels en seront les autres temps forts cette année ?
J.R. : Tout est temps fort car les thèmes que nous traitons pendant ces quatre jours sont vraiment ceux qui interpellent la communauté. Il y a des rituels important comme la rencontre avec le CNC, rare moment où tous les professionnels du patrimoine sont rassemblés. Et nous allons notamment aborder le problème de l’accès aux œuvres et tout ce qui peut en découler, notamment en termes de piratage. Nous allons aussi nous questionner sur les futurs professionnels de la filière, les besoins en termes de formation. Et la nouveauté cette année, c’est que nous allons faire des ateliers. Auparavant nous étions sur un format de conférences que nous allons bien sûr garder, mais en initiant une démarche plus collaborative de façon à ce que les professionnels puissent réfléchir ensemble et partager des expériences. L’un des ateliers sera piloté par Relais Culture Europe et l’autre par la direction internationale de l’Ina.
G.D. : Et la thématique de la transition écologique est une constante qui revient depuis plusieurs années lors de nos échanges avec la profession. Nous nous sommes dit qu’il était important d’organiser une table ronde afin d’aborder concrètement le sujet. Car on voit très bien que nous sommes au début du chemin. Il y a encore beaucoup d’initiatives à mener et de solutions à offrir. Car tout va devoir évoluer dans un avenir très proche.
J.R. : Il est fort possible que cela devienne un sujet récurrent, que l’on s’interroge chaque année sur l’évolution des pratiques en la matière.
 
Avez-vous des retours en termes de business, de volume d’affaires, de transactions qui se feraient à Lyon durant ces quatre jours ?
J.R. : Jusqu’à présent nous n’en avions pas assez. Mais à partir de cette année, nous allons demander aux accrédités de manière explicite de nous faire des retours précis sur la typologie des actions qu’ils mènent pendant le Marché en termes de business : est-ce seulement du réseau, des contrats sont-ils initiés ou signés ? Notre légitimité est établie, les professionnels ont confiance en nous et il vraiment temps pour nous non seulement de récolter ces informations mais aussi de les analyser, de les rendre utiles.  C’est indispensable pour poursuivre aussi notre croissance, voire mettre en place de nouveaux outils.
G.D. : Cela nous permettra d’être encore plus efficaces quant aux prestations. Il ne s’agit évidemment pas de leur demander les détails des contrats, mais d’avoir des remontées concrètes. Je prends un exemple, celui de la réalisatrice de l'âge d'or du cinéma japonais Kinuyo Tanaka, dont les œuvres sont enfin disponibles et seront présentées au festival en avant-première mondiale. C’est le fruit de discussions entamées lorsque différents studios japonais sont venus à Lyon en 2019.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : Lumière


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