Lumière MIFC 2021 - Laurent Cormier (CNC) : "La conservation numérique a un coût et surtout elle est énergivore"

Où en est la réflexion du CNC sur les enjeux écologiques de la restauration et de la conservation des films ?
Elle est entamée à la fois sur le stockage et les différents processus numériques mais aussi sur le traitement des éléments physiques, puisque tout un pan du patrimoine est sur support analogique. L’ensemble du secteur se rend compte à présent que la conservation numérique a un coût et surtout qu’elle est énergivore. Il s’agit à présent d’avoir des actions de rationalisation qui auront des retombées concrètes en termes d’empreinte sur l’environnement. Cela suppose de mettre en place d’autres organisations, de travailler notamment avec des filières de métiers un peu nouveaux.

Avez-vous déjà lancé des actions concrètes ?
Nous avons en effet entamé une série d’actions en ce sens sur notre site de Bois d’Arcy. Premier exemple, qui peut sembler assez évident, le fait de sélectionner ce que l’on doit conserver. On a tendance à produire beaucoup d’éléments en numérique. C’est vrai pour le film frais, mais aussi en restauration. On numérise toutes les versions analogiques existantes, on fait des essais, des scans brut et à l’arrivée on se retrouve avec une multitude de données, dont des milliers d’octets qui ne seront plus jamais réutilisés. Il y a un vrai tri à faire, en termes d’usage et de poids de fichiers. Nous sommes donc de plus en plus vigilants sur ce fait de ne garder que ce qui est essentiel. Autre choix important, celui du stockage. Nous avons pris un prestataire de stockage local, car cela implique des infrastructures réseaux plus réduites et moins énergivore. Entre aussi en ligne de compte le choix entre un stockage lent (dit froid)  moins consommateur d’énergie que le stockage dit chaud, avec des éléments disponibles en permanence immédiatement. Le froid est à privilégier le plus souvent possible en raison des économies d’énergie évidentes.

Cela concerne-t-il également la conservation des éléments analogiques ?
Oui et cela commence par le tri sélectif. Les laboratoires où on travaille la pellicule produisent beaucoup de déchets. Nous avons fait appel à des filières de recyclages, qui peuvent intervenir sur les produits chimiques, les pellicules, les boites et même les noyaux de bobine. Par ailleurs la conservation de pellicule nécessite l’installation de systèmes de contrôle de température et d’hygrométrie très poussés, ce qui entraîne des factures énergétiques très lourdes. Ayant plusieurs bâtiments et de grosses collections, nous sommes très concernés par différents sujets. Le premier a trait au recyclage de l’air, puisque des installations peuvent fonctionner avec de l’air neuf ou de l’air recyclé. Nous sommes en train de procéder à des essais comparatifs afin de voir quelle solution permettrait de faire les meilleures économies d’énergie. D’autant plus que certains fonds peuvent émettre des gaz polluants, notamment dûs au syndrome du vinaigre. Il faut adapter au cas par cas. De plus Bois d’Arcy est un site boisé qui peut être très humide. Nous sommes confrontés à des problématiques constantes d’ajustement de la température et de l’hygrométrie des bâtiments. Nous avons opté pour une régulation centralisée en mode GTB (Gestion Technique des Bâtiments ndlr). Toutes nos installations sont régulées avec des sondes et un report sur un poste de contrôle unique. Mais en même temps, chaque bâtiment réagissant différemment, il faut avoir une gestion très fine. Mais cela permet aussi de consommer moins d’énergie.