Lumière MIFC 2021 - La coopération entre institutions et salles passée au crible
Date de publication : 15/10/2021 - 08:45
La table-ronde du parcours exploitants de ce 9e MIFC fut l’occasion d’explorer les différentes synergies, actuelles ou souhaitées, entre structures institutionnelles et exploitants autour de la diffusion et de la promotion du cinéma classique et de patrimoine.
Organisée, en partenariat avec l’Afcae ce jeudi 14 octobre au matin, la table-ronde exploitants du MIFC s’appuyait cette année sur des témoignages pratiques et de terrain, autour de la question : Quelles synergies entre les institutions et les salles pour accompagner les ressorties ?
Ce temps d’échanges réunissait ainsi autour de la table Maelle Arnaud, responsable programmation et collection de films à l’Institut Lumière ; György Ráduly, directeur des archives du National Film Institute de Hongrie ; Jean-Fabrice Janaudy, gérant du Cinéma Le Vincennes en région parisienne mais aussi dirigeant de la structure de distribution Les Acacias ; François Aymé, directeur du Cinéma Jean-Eustache de Pessac et président de l’Afcae ; Diane Gabrysiak, responsable programmation et expositions au Ciné Lumière de Londres, salle de l’Institut français ; Pauline de Raymond, responsable de programmation à la Cinémathèque française – participant pour sa part en visioconférence.
Très en amont
Dans un premier temps, la table-ronde s’est concentrée sur les pratiques et activités spécifiques des institutions invitées, archives et cinémathèques, et destinées à favoriser la diffusion du cinéma de patrimoine en salle. Où l’on constate que les institutions françaises s’inscrivent dans une temporalité située très en amont de la sortie salle. "Notre modèle de programmation s’appuie, depuis une vingtaine d’années, sur une préparation très en amont avec les distributeurs français des œuvres concernées", a expliqué Pauline de Raymond pour la Cinémathèque française. "Nous montrons évidemment beaucoup de copies restaurées durant la manifestation, mais nous en suscitons également", a témoigné Maelle Arnaud. "Nous demandons ainsi aux ayant-droits, producteurs et distributeurs de s’associer à notre projet de programmation et à lancer des restaurations. Cela participe à encourager la sortie en salle de nouveaux films."
L’un des enjeux les plus prégnants dont témoignaient les institutions représentées était l’envie d’étendre la diffusion de leurs travaux en dehors de leur zone naturelle de rayonnement régional. "C’est quelque chose à développer", a ambitionné Maelle Arnaud. "Nous avons le projet de faire circuler le Festival Lumière, en nous focalisant sur une programmation d’une dizaine de films emblématiques de chaque édition, et qui serait amenée clé en main, avec des accords particuliers avec les distributeurs, afin que les œuvres circulent en salle, sous le label du festival."
Le cas hongrois
György Ráduly a témoigné du cas particulier des archives du film hongroises, intégrées en 2017 au National Film Institute (NFI) du pays, afin de préserver la collection et assurer sa préservation. Un vaste programme de développement de conservation fut donc mené ces dernières années. En 2004, une loi a ordonné la renationalisation de tout le patrimoine cinématographique du pays d’avant 1990, année de la chute de l’URSS où les différents studios du pays ont été privatisés - afin d’assurer la diffusion et la conservation de ce patrimoine. La collection regroupe ainsi la quasi-intégralité de la production locale ayant survécu au XXe siècle, soit environ 90 000 titres, dont le NFI possède les droits mondiaux de distribution. La structure assure donc une activité de distribution auprès des salles locales – surtout indépendantes -, soit 700 à 800 projections par an et 3 à 4 titres bénéficiant d’une réelle ressortie en salle chaque année.
En France, le tissu de distributeurs indépendants permet d’éviter les problématiques d’accès aux œuvres et au matériel, que ce soit pour les festivals, les institutions ou encore les salles. Pour autant, en ce qui concerne la circulation à l’étranger, cette problématique est réelle. "Nous avons une difficulté d’accès à des copies de films français parce que certains distributeurs les destinent uniquement pour des sorties vidéo, sans tirer de DCP, témoigne Diane Gabryziak. Et pour des rééditions de films français, il peut être difficile d’obtenir des copies avec sous-titres en anglais. Nous avons donc clairement un problème d’accès sur ce point." "Pour le festival Lumière, nous demandons de plus en plus que tous les films français projetés soient accompagnés de sous-titres en anglais, en vue d’une circulation à l’étranger", a assuré Maelle Arnaud.
Changer d’angle
Durant les débats, le travail de l’ADRC a plusieurs fois été salué pour la diffusion des œuvres et des programmes des institutions et festivals de patrimoine dans son réseau, en profondeur dans l’Hexagone. Parmi les problématiques soulevées lors des débats, basées sur l’expérience pratiques des exploitants du panel, résidaient celle du mariage éditorial entre les programme des institutions et les besoins concrets des salles. D’autant que ces besoins sont multiples, en fonction de la typologie et de l’implantation de chaque exploitation. "Depuis une dizaine d’années, les sorties sont agencées de manière plus conjointes avec les institutions, et plusieurs hommages et rétrospectives sont ainsi reprises et diffusées, notamment par l’ADRC", a reconnu François Aymé. "Mais l’on constate, malgré tout, que cet excellent travail ne suffit pas forcément. Proposer une tournée avec une programmation de qualité est une chance pour les salles, évidemment. Mais l’accompagnement en salle nécessite une valeur ajoutée qu’il faut organiser, et c’est une difficulté pour les exploitants. Les propositions des institutions sont certes de qualité, mais dans les salles, le rapport à la cinéphilie change. Pendant des décennies, il s’appuyait sur des noms d’auteurs et de réalisateurs alors connus. Aujourd’hui, il faut bien sûr poursuivre ce travail d’hommage, mais il faut aussi aller chercher le public par des angles différents, autour d’acteurs, de thématiques, de sujets politiques ou sociaux, par exemple."
Les débats ont aussi permis de mettre en avant le rôle intermédiaire de plus en plus primordial des distributeurs français dans l’articulation des synergies entre salles et institutions. "Le premier partenaire pour la diffusion des œuvres de patrimoine demeure le distributeur" a pointé Jean-Fabrice Janaudy. "Depuis plusieurs années, on constate l’instauration d’un vrai dialogue entre institutions et distributeurs, que des désirs se rencontrent et des choses se construisent, et c’est formidable. Cela permet de proposer des morceaux choisis de programme à l’ensemble des salles de cinéma, sur tout le territoire, sur une période prolongée. Quand on lance un film en salle, on le travaille sur un à deux ans."
Une fois les débats ouverts aux accrédités présents au Karbone, un échange s’articula autour de la nécessité de parler du cinéma de patrimoine au présent, afin de permettre leur exploitation également en dehors du cadre exceptionnel d’un évènement institutionnel. "Il est important de ne pas réserver le cinéma classique au seul cadre évènementiel", est ainsi intervenu Vincent Paul-Boncour, dirigeant de Carlotta Films. "Il faut faire confiance au film, et lui donner la chance d’exister en salle." Fut aussi évoquée l’idée de créer et définir une fonction d’animateur spécialisé dans le cinéma de patrimoine, afin d’accompagne les séances en salle. "Cela rejoint des questions de formation du personnel des cinémas ", selon François Aymé. "Evidemment, ce type de fonctions serait formidable, mais difficile à envisager, en termes de fonctionnement économique des salles, en-dehors des cinémas les plus spécialisés ou qui font un travail soutenu sur le patrimoine. Mais nous pourrions peut-être l’envisager à l’échelle d’un territoire, avoir quelqu’un qui fait un travail spécifique sur le cinéma classique et qui tournerait dans 10 ou 20 salles. Nous devrions ouvrir une réflexion là-dessus, avec le CNC ou les pouvoirs publics."
Dans un premier temps, la table-ronde s’est concentrée sur les pratiques et activités spécifiques des institutions invitées, archives et cinémathèques, et destinées à favoriser la diffusion du cinéma de patrimoine en salle. Où l’on constate que les institutions françaises s’inscrivent dans une temporalité située très en amont de la sortie salle. "Notre modèle de programmation s’appuie, depuis une vingtaine d’années, sur une préparation très en amont avec les distributeurs français des œuvres concernées", a expliqué Pauline de Raymond pour la Cinémathèque française. "Nous montrons évidemment beaucoup de copies restaurées durant la manifestation, mais nous en suscitons également", a témoigné Maelle Arnaud. "Nous demandons ainsi aux ayant-droits, producteurs et distributeurs de s’associer à notre projet de programmation et à lancer des restaurations. Cela participe à encourager la sortie en salle de nouveaux films."
L’un des enjeux les plus prégnants dont témoignaient les institutions représentées était l’envie d’étendre la diffusion de leurs travaux en dehors de leur zone naturelle de rayonnement régional. "C’est quelque chose à développer", a ambitionné Maelle Arnaud. "Nous avons le projet de faire circuler le Festival Lumière, en nous focalisant sur une programmation d’une dizaine de films emblématiques de chaque édition, et qui serait amenée clé en main, avec des accords particuliers avec les distributeurs, afin que les œuvres circulent en salle, sous le label du festival."
Le cas hongrois
György Ráduly a témoigné du cas particulier des archives du film hongroises, intégrées en 2017 au National Film Institute (NFI) du pays, afin de préserver la collection et assurer sa préservation. Un vaste programme de développement de conservation fut donc mené ces dernières années. En 2004, une loi a ordonné la renationalisation de tout le patrimoine cinématographique du pays d’avant 1990, année de la chute de l’URSS où les différents studios du pays ont été privatisés - afin d’assurer la diffusion et la conservation de ce patrimoine. La collection regroupe ainsi la quasi-intégralité de la production locale ayant survécu au XXe siècle, soit environ 90 000 titres, dont le NFI possède les droits mondiaux de distribution. La structure assure donc une activité de distribution auprès des salles locales – surtout indépendantes -, soit 700 à 800 projections par an et 3 à 4 titres bénéficiant d’une réelle ressortie en salle chaque année.
En France, le tissu de distributeurs indépendants permet d’éviter les problématiques d’accès aux œuvres et au matériel, que ce soit pour les festivals, les institutions ou encore les salles. Pour autant, en ce qui concerne la circulation à l’étranger, cette problématique est réelle. "Nous avons une difficulté d’accès à des copies de films français parce que certains distributeurs les destinent uniquement pour des sorties vidéo, sans tirer de DCP, témoigne Diane Gabryziak. Et pour des rééditions de films français, il peut être difficile d’obtenir des copies avec sous-titres en anglais. Nous avons donc clairement un problème d’accès sur ce point." "Pour le festival Lumière, nous demandons de plus en plus que tous les films français projetés soient accompagnés de sous-titres en anglais, en vue d’une circulation à l’étranger", a assuré Maelle Arnaud.
Changer d’angle
Durant les débats, le travail de l’ADRC a plusieurs fois été salué pour la diffusion des œuvres et des programmes des institutions et festivals de patrimoine dans son réseau, en profondeur dans l’Hexagone. Parmi les problématiques soulevées lors des débats, basées sur l’expérience pratiques des exploitants du panel, résidaient celle du mariage éditorial entre les programme des institutions et les besoins concrets des salles. D’autant que ces besoins sont multiples, en fonction de la typologie et de l’implantation de chaque exploitation. "Depuis une dizaine d’années, les sorties sont agencées de manière plus conjointes avec les institutions, et plusieurs hommages et rétrospectives sont ainsi reprises et diffusées, notamment par l’ADRC", a reconnu François Aymé. "Mais l’on constate, malgré tout, que cet excellent travail ne suffit pas forcément. Proposer une tournée avec une programmation de qualité est une chance pour les salles, évidemment. Mais l’accompagnement en salle nécessite une valeur ajoutée qu’il faut organiser, et c’est une difficulté pour les exploitants. Les propositions des institutions sont certes de qualité, mais dans les salles, le rapport à la cinéphilie change. Pendant des décennies, il s’appuyait sur des noms d’auteurs et de réalisateurs alors connus. Aujourd’hui, il faut bien sûr poursuivre ce travail d’hommage, mais il faut aussi aller chercher le public par des angles différents, autour d’acteurs, de thématiques, de sujets politiques ou sociaux, par exemple."
Les débats ont aussi permis de mettre en avant le rôle intermédiaire de plus en plus primordial des distributeurs français dans l’articulation des synergies entre salles et institutions. "Le premier partenaire pour la diffusion des œuvres de patrimoine demeure le distributeur" a pointé Jean-Fabrice Janaudy. "Depuis plusieurs années, on constate l’instauration d’un vrai dialogue entre institutions et distributeurs, que des désirs se rencontrent et des choses se construisent, et c’est formidable. Cela permet de proposer des morceaux choisis de programme à l’ensemble des salles de cinéma, sur tout le territoire, sur une période prolongée. Quand on lance un film en salle, on le travaille sur un à deux ans."
Une fois les débats ouverts aux accrédités présents au Karbone, un échange s’articula autour de la nécessité de parler du cinéma de patrimoine au présent, afin de permettre leur exploitation également en dehors du cadre exceptionnel d’un évènement institutionnel. "Il est important de ne pas réserver le cinéma classique au seul cadre évènementiel", est ainsi intervenu Vincent Paul-Boncour, dirigeant de Carlotta Films. "Il faut faire confiance au film, et lui donner la chance d’exister en salle." Fut aussi évoquée l’idée de créer et définir une fonction d’animateur spécialisé dans le cinéma de patrimoine, afin d’accompagne les séances en salle. "Cela rejoint des questions de formation du personnel des cinémas ", selon François Aymé. "Evidemment, ce type de fonctions serait formidable, mais difficile à envisager, en termes de fonctionnement économique des salles, en-dehors des cinémas les plus spécialisés ou qui font un travail soutenu sur le patrimoine. Mais nous pourrions peut-être l’envisager à l’échelle d’un territoire, avoir quelqu’un qui fait un travail spécifique sur le cinéma classique et qui tournerait dans 10 ou 20 salles. Nous devrions ouvrir une réflexion là-dessus, avec le CNC ou les pouvoirs publics."
Sylvain Devarieux
© crédit photo : 'Domicile conjugal' de François Truffaut - MK2 Films
L’accès à cet article est réservé aux abonnés.
Vous avez déjà un compte
Accès 24 heures
Pour lire cet article et accéder à tous les contenus du site durant 24 heures
cliquez ici