Cinéma

Lumière MIFC 2021 - Conversation avec le CNC : protection des catalogues, financement de leur restauration et spécificité de l’édition vidéo physique au programme

Date de publication : 15/10/2021 - 09:55

Rendez-vous désormais traditionnel du MIFC, la conversation avec le CNC a abordé différents sujets dont celui de la protection des catalogues, qui vient d’être consacrée par la loi, selon des modalités encore en cours d’élaboration.

Après la présentation de l’étude actualisée sur la diffusion du patrimoine Après la présentation de l’étude actualisée sur la diffusion du patrimoine, par Benoît Danard, directeur des études, des statistiques et de la prospective, la conversation a démarré sur le sujet de la protection des catalogues. Car pour la première fois les catalogues de films (et d’œuvres audiovisuelles) français font l’objet d’une grande attention dans la loi, en l’occurrence la loi relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique, adoptée le 29 septembre dernier et actuellement examinée par le Conseil constitutionnel. Son article 17 prévoit une procédure d’agrément en cas de cession des catalogues français à l’étranger. "La raison de cela est un peu la consécration" du travail des cataloguistes : "c’est parce que le cinéma (et l’audiovisuel), est devenu un enjeu culturel fondamental que s’est posée la question de leur disponibilité pour le public" a résumé Laurent Cormier, directeur du patrimoine du CNC, rappelant qu’il existe dans d’autres domaines artistiques différentes dispositions qui protègent les œuvres d’art en cas de cession à l’étranger. Ce texte pour le cinéma est né dans le cadre de la réflexion sur la protection des intérêts stratégiques. Il met en place un régime d’agrément, auprès du ministère de la Culture, en cas de ventes, non pas de droits sur un film, "mais d’aliénation définitive" (droit corporel et incorporel). "L’objectif de fond est de permettre de conserver une sorte de souveraineté sur le patrimoine français et de rendre toujours accessible ces œuvres". Le texte fait un lien avec l’obligation de moyen de recherche d’exploitation suivie de l’œuvre. L’objectif est de s’assurer que l’acheteur soit en mesure au regard des moyens humains, techniques, matériels et financiers, d’assurer l’exploitation suivie dans des conditions équivalentes. Le processus est le suivant : le vendeur transmet au ministère de la culture les documents nécessaires à la vérification. La cession est suspendue tant que la vérification est en cours. Une commission procèdera à une instruction contradictoire. Des décrets doivent être pris pour fixer la nature des droits de propriété corporelle et incorporelle concernés, les éléments précis du dossier à transmettre au ministère de la culture, et la composition et le fonctionnement de la commission de protection de l’accès aux œuvres.
Du côté du Syndicat des catalogues de films de patrimoine, Sabrina Joutard, sa présidente, n’a pas caché que c’était un texte qui était né dans la douleur pour les cataloguistes, "faute de concertation préalable", avec une première version du texte qui n’était pas acceptable, et pas praticable, et a été très mal perçue. " Pour autant, dans sa version actuelle, le syndicat n’est pas contre son texte, et souhaite en résumé être associé aux discussions sur les décrets d’application, ce qui sera le cas.
Avec ce texte, "nous avons découvert que les catalogues étaient devenus des actifs stratégiques, c’est formidable, mais à une période où il n’y a jamais eu aussi peu d’aides pour les entretenir" a ajouté Sabrina Joutard.
 
Concernant les aides à la numérisation, après la fin de la réserve numérique du CNC en 2019, Laurent Cormier a rappelé que CNC a basculé les aides à la numérisation et à la restauration sur ses moyens normaux. Comme annoncé par le Centre l’an passé à Lyon, le montant de 2,8M€ sera maintenu pour les années à venir, pour 2022, 2023, etc… Si les recettes du CNC redevenaient dynamiques, cette enveloppe pourrait alors progresser.
Les cataloguistes ont continué, a tenu à souligner Sabrina Joutard, pendant la crise à engager des restaurations en s’appuyant sur les 2,8M€ pour les œuvres les plus confidentielles et sur leurs fonds propres pour les autres et cela "sans enveloppe complémentaire du CNC" (liée à la crise), a tenu à souligner Sabrina Joutard.
A l’occasion d’un bilan des aides à la numérisation, Laurent Cormier a souligné la qualité de la numérisation et restauration des laboratoires français – avec quasiment toujours une numérisation en 4K- , pour des coûts qui ont baissé
Et concernant les sources de financement complémentaires, il a évoqué le PIA4, le 4e le plan d’investissements d’avenir qui va fonctionner quasiment sous forme de subventions. Dans ce cadre, le ministère de la culture a annoncé deux volets qui pourraient potentiellement intéresser le secteur, selon Laurent Cormier : un sur la numérisation du patrimoine et un sur la production verte, notion qui pourrait concerner la conservation numérique. Pour lui, il y aurait intérêt en se concertant avec les professionnels à déposer un dossier.
Sachant que la conservation a vu ses coûts grimper a indiqué Sabrina Joutard : une conservation photochimique coûte une centaine d’euros quand une conservation numérique se compte en millier d’euros, et pose des problèmes.
 
La conversation s’est poursuivie sur le thème de l’édition vidéo, avec l’association de l’Appel des 85, représentée par Natacha Missoffe. Un collectif, qui s’est depuis constitué en association, né au moment où les discussions sur la revue générale des soutiens avec le CNC commençaient. "Il nous était apparu important de nous fédérer, entre sociétés au profil très différents, dans un marché de la vidéo qui baisse mais ce maintien sur certains segments". La crise sanitaire les a conduits à ce que leur premier combat soit d’obtenir un accompagnement du CNC alors que les éditeurs avaient subi la fermeture des magasins. "Nous avons été entendus, avec une enveloppe de 800 000€". Natacha Missoffe a ensuite expliqué les difficultés des éditeurs vidéo en 2021 qui relèvent aussi des conséquences de la crise sanitaire, sans compter un autre sujet, la hausse du coût des matières premières. Elle a aussi plaidé pour les vertus du support vidéo physique, qui n’est pas à la traine en terme de technologies, et propose l’offre la plus large de films, et, à l’inverse de l’accès numérique, est présent sur tout le territoire et dans les médiathèques. Bref, dans un univers de plus en plus dématérialisé, ce secteur vidéo continuer de jouer un rôle très important dans la transmission culturelle.
Vincent Florant, directeur du numérique du CNC, a rappelé que la mesure de 800000€ du plan de relance a été exécutée très vite pour répondre à l’urgence. Il a aussi évoqué un autre dispositif issu du plan de relance, dotée de 2M€, qui est en cours d’exécution : il ne s’adresse pas seulement aux éditeurs vidéo, mais à tous les acteurs de la diffusion culturelle qui souhaitent mettre en place des dispositifs innovants auprès des jeunes de moins de 25 ans. Il y aura deux commissions par an. Par ailleurs, il a annoncé que la commission vidéo a été redotée en cette fin d’année de manière exceptionnelle, avec une enveloppe de 150 000€ pour la dernière commission et répondre aux besoins urgents actuels.

Quant à la revue générale de soutiens, sur les enjeux de la vidéo, les discussions qui ont été suspendues pendant la crise vont reprendre. Sans livrer de conclusion bien sûr, Vincent Florant a évoqué quelques points d’attention sur la vidéo physique : la faible mobilisation du soutien automatique des éditeurs vidéo, et les retours sur un enjeu de structuration de la filière face aux évolutions de la distribution. Sur l’édition vidéo dématérialisée, la VàD (avec laVàDA)lle constituent pour le CNC une très grande opportunité pour la diffusion de films de patrimoine, en attendant l’AVOD regardée avec intérêt. Il a insisté sur le fait que, rejoignant les propos de Natacha Missoffe, tous les supports sont complémentaires, et qui visent souvent des publics différents.

Sarah Drouhaud
© crédit photo : 'Le désordre et la nuit' de Gilles Grangier - Pathé


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