Annecy 2022 - Michel Ocelot : "J’ai un peu dressé mon cerveau à penser animation"
Date de publication : 14/06/2022 - 08:15
Récipiendaire du Cristal d’honneur cette année avec Jennifer Lee, Michel Ocelot a marqué à jamais l’animation française, pour laquelle Kirikou représente un moment charnière. Son nouveau film, Le pharaon, le sauvage et la princesse, sera présenté à Annecy ce mardi soir, lors d’une avant-première exceptionnelle. (version longue de l’entretien paru dans Le film français 4023 du 10 juin 2022)
Cette année, Annecy vous remet un Cristal d’honneur, conjointement à Jennifer Lee, réalisatrice et directrice créative pour les studios Disney. Quelle a été votre réaction en l’apprenant ?
Bon, c’est un Cristal à partager… Le très grand Festival d’Annecy tient à montrer qu’il est intéressé par tout le spectre de l’animation, en honorant d’un côté un petit artisan qui fait de temps en temps un film personnel dans son coin, et de l’autre la puissance planétaire de Disney. Je ne saurais en dire plus. Je suis un ignorant universel et je ne sais rien de Jennifer Lee.
L’année dernière, à l’occasion du 60e anniversaire du festival, l’exposition qui vous était consacrée avait notamment mis en lumière votre enfance, votre formation. Quel a été le déclic qui vous a fait vous dire, "je vais réaliser des films d’animation" ?
On peut voir que, dès mon enfance je créais, et que c’est moi qui racontais des histoires à ma grand-mère. Mon enfance créative, puis mon adolescence, étaient des préparations intenses pour mon métier. Je crois que c’est à la fin de mon adolescence que j’ai eu la certitude que le métier pour moi était la création de films d’animation. Enfant, j’ai été charmé par les films de Walt Disney, les seuls films d’animation qui existaient, mais petit à petit j’ai découvert qu’il existait des petits films d’auteur, en général bricolés, qui me charmaient. J’étais pris d’une part par la personnalité d’un être humain et d’autre part justement par le côté bricolage qu’on voyait. C’est touchant et impressionnant. C’est peut-être le même mécanisme que le dessin d’un grand maître confronté à l’image terminée et très soignée d’une peinture. Le dessin tout nu a une séduction que n’a pas la peinture terminée. J’ai eu de grands moments de bonheur au festival d’Annecy. Et cette année, ce sont les séances de courts métrages que j’irai voir. Ma vie avant Kirikou fut une vie dure, je ne savais pas obtenir l’accès aux outils, aux budgets. Finalement, je ne vois pas vraiment de déclic. J’ai aimé la narration et le dessin depuis toujours, et les premiers films de Disney m’ont enchanté pour toujours.
Au départ, vous êtes dessinateur ?
Au départ oui j’étais vraiment un dessinateur et je le suis toujours. Mais je me pensais comme dessinateur plutôt que comme conteur. A présent je me considère plutôt comme un conteur, mais je ne lâche pas le dessin et je continue à faire tous les modèles et les story-boards.
Vous dites être un pur autodidacte. Était-ce par choix ?
Je ne suis pas autodidacte par choix. Il n’y avait tout simplement aucune école quand j’étais prêt à apprendre. C’est moi qui ai réclamé aux Beaux-Arts d’Angers et aux Arts Déco de Paris un département d’animation. Ce département a été installé après mon départ. Ensuite, j’ai obtenu une bourse pour étudier l’animation un an à Los Angeles. Il y a eu une mauvaise conjonction. CalArts en 1968 allait quitter le vieux campus du centre-ville, et l’école, administration et professeurs, n’était pas sûre qu’elle devait enseigner, après les révoltes estudiantines de ces années extraordinaires. Et je n’ai rien fait de mon côté pour réclamer la transmission d’un savoir exceptionnel (que j’aurais pu sûrement obtenir si j’avais été moins bête). Je suis revenu sans savoir ce qu’était un fondu-enchaîné. Mais j’étais allé à Los Angeles, pas seulement pour le dessin animé mais aussi pour l’Amérique. Et l’Amérique je l’ai eue, au moment des "flower people" et de "make love, not war" ! A des années lumières de ce que nous avons aujourd’hui, où tout est coincé et interdit.
Marcelle Ponti et Jacques Rouxel, Jean François Laguionie puis Didier Brunner ont été des rencontres déterminantes pour vous ?
Les rencontres que vous nommez sont exactes. Rajoutons au début Yves Rousset-Rouard, producteur d’Emmanuelle et de bien d’autres succès. Il m’avait distingué dans la foule et avait installé pour moi une maison de production d’animation permanente. J’ai là fait mon premier et dernier film publicitaire pour un "grill-minute", avec le délice de toute une équipe professionnelle qui travaillait pour moi. Ensuite, YRR m’a confié le tournage d’une série de 60 fois 5 minutes, 5 heures d’animation ! En vrai, 4 heures en enlevant les génériques. J’ai tourné cette durée de plusieurs longs métrages en respectant les dates de livraison et le budget, la série a bien marché et les télévisions ont réclamé une suite, mais le tournage s’est mal passé, avec des animateurs mal conseillés : ils ont fait venir l’inspection du travail, qui m’a demandé si mes animateurs étaient fous. En tout cas, Yves Rousset-Rouard a dit qu’il ne travaillerait plus avec des animateurs, a fermé le studio d’animation et une grande chance a capoté. Marcelle Ponti et Jacques Rouxel étaient d’excellentes personnes, qui aimaient le cinéma, la création et avaient un certain altruisme, et j’ai pu faire quelques travaux grâce à eux. Jean-François Laguionie, un auteur que j’admirais, m’a permis de tourner une plaisanterie un peu audacieuse, Les Quatre Vœux, et surtout un début de série personnelle, CinéSi, devenue plus tard Princes et Princesses. C’est ainsi dans son entreprise que j’ai mis au point mes ombres chinoises pour dire des contes. Didier Brunner a eu la phrase qui a changé ma vie : "Arrête de perdre du temps avec la télévision (je voulais tellement continuer mes histoires en ombres chinoises), écris-moi un long métrage". Kirikou a tout changé.
Vous dites n’avoir pas de maître. Mais vous avez bien quelques influences, des films de chevet ?
Je confirme que je n’ai pas de maître ! Mais je suis inspiré par TOUT. Le Monde et l’Histoire sont là, plus que jamais grâce à l’informatique. Tout m’intéresse et je me sers de tout. Peut-être que, plus que dans l’animation existante, j’ai trouvé de l’inspiration dans d’autres arts. J’aime Voltaire, Beaumarchais, Giraudoux. J’aime l’art égyptien, les peintures chinoises et japonaises à l’encre, la renaissance italienne, les illustrateurs britanniques de la fin du 19ème siècle, Toulouse-Lautrec, la liste est infinie.
Le succès de Kirikou a-t-il été pesant ou galvanisant ?
Et bien non, le succès de Kirikou ne me pèse pas. C’est un miracle dont je suis bien conscient et j’assume chaque seconde du film. Mais je fais de même pour mes autres oeuvres ! Ce film m’a permis de faire du cinéma. Il m’a fait du bien et il en a fait aux autres…
Il y a un avant et un après Kirikou mesurable pour vous cinéaste, mais aussi pour le secteur de l’animation en France ?
Oui, il y a un avant et un après Kirikou. C’est évident pour moi, ça l’est aussi pour l’animation française. Voyez le nombre de longs métrages d’animation que l’on réalise par an, avant Kirikou et après Kirikou. Je pense que nous sommes à présent dans un âge d’or qui va se développer.
Travaillez-vous avec les mêmes équipes artistiques de film en film ?
C’est impossible de collaborer avec les mêmes équipes parce que je ne fais un film que de loin en loin. On se dit au revoir à la fin de chaque tournage et chacun fait sa vie ailleurs. Au moment où je recommence, parfois on peut se retrouver entre quelques-uns, parfois non, chacun est « ailleurs ». Pour Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse, je n’ai pu retrouver que Léo Silly-Pelissier, animateur, avec bonheur.
Quelle a été la genèse de votre dernier film, Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse, présenté en avant-première à Annecy et qui sort en octobre ?
Après Dilili à Paris, un film assez lourd, j’ai voulu passer du grand opéra à la chansonnette. J’ai pris trois histoires que je voulais raconter, en leur laissant leur longueur naturelle, sans respecter les 90 minutes pour un long métrage avec un seul sujet. J’ai utilisé un conte recueilli par Henri Pourrat, Le Conte du Beau Sauvage. D’habitude mon inspiration par les contes est limitée et je fais autre chose. Dans ce cas, j’ai beaucoup suivi la belle histoire. Un autre, que j’appelle La Princesse des Roses et le Prince des Beignets est une fantaisie déguisée en costumes turcs. Le déclic a été un conte marocain, mais je n’ai fait que jouer sur des thèmes archi-classiques et sur la liberté d’écrire ce que je veux. L’histoire à laquelle je ne m’attendais pas, c'est Pharaon. Le Président-Directeur du Louvre m’avait invité à examiner une collaboration éventuelle avec ce musée suprême. Ma première réaction a été de dire : "Je ne vois vraiment pas ce que je peux faire avec le Louvre". Ma deuxième réaction a été de dire : "Si vous voulez, je fais un dessin animé à partir de l’exposition Pharaon des Deux Terres". Une réaction chimique pour moi entre l’élément Égypte Antique, qui me fascine depuis toujours, et l’élément Afrique Noire, qui fait partie de mon enfance. Le travail avec Vincent Rondot, directeur des antiquités égyptiennes, fut un grand plaisir.
Avez-vous changé de méthode de fabrication ?
Je change un peu toujours. Le film Pharaon, est fait en 2D, comme du temps de Ramsès II, avec l’aide du numérique bien entendu. Le second, Le Beau Sauvage, est un retour à la silhouette avec les mêmes principes d’éléments plats dont on n’a pas honte et qui va bien avec le conte et le Moyen-Age. On garde la simplicité traditionnelle bien qu’on utilise un logiciel 3D, qui n’apparaît pas. Le troisième, La Princesse des Roses et le Prince des Beignets est totalement en 3D et en profite bien. Donc trois images et trois techniques différentes.
Vous avez récemment testé la prise de vues réelles dans un court métrage, Pablo Paris Satie. Envie de continuer ?
Je l’ai fait pour remercier un premier danseur de l’Opéra de Paris qui a dansé généreusement pour que nous animions bien Chocolat et Dilili dansant. Il fut filmé très mal. Il s’agit aussi d’un salut à la danse classique, où des saints et martyrs qui se dévouent complètement à leur art. J’ai voulu lui offrir quelque chose de beau, au soleil, dans le ciel de Paris. Et les yeux qui brillent, les cheveux qui bougent un peu, la chemise qui s’étire sur l’architecture subtile du corps, c’est quelque chose qu’on peut rendre en dessin, mais le dessin animé n’y arrive pas. Il faut connaître ses limites. Alors oui, j’ai envie de continuer. Mais j’ai un peu dressé mon cerveau à penser animation. Il faudrait que je prenne une année sabbatique et que j’essaie d’évoluer dans un autre espace-temps.
D’autres projets dans vos cartons ?
Bien entendu ! J’ai un projet relativement ambitieux et politique, faire l’Europe par le conte de fées, à travers une série. Et j’ai un autre projet de spectacle cinématographique avec plusieurs histoires, cette fois pour les adultes.
Bon, c’est un Cristal à partager… Le très grand Festival d’Annecy tient à montrer qu’il est intéressé par tout le spectre de l’animation, en honorant d’un côté un petit artisan qui fait de temps en temps un film personnel dans son coin, et de l’autre la puissance planétaire de Disney. Je ne saurais en dire plus. Je suis un ignorant universel et je ne sais rien de Jennifer Lee.
L’année dernière, à l’occasion du 60e anniversaire du festival, l’exposition qui vous était consacrée avait notamment mis en lumière votre enfance, votre formation. Quel a été le déclic qui vous a fait vous dire, "je vais réaliser des films d’animation" ?
On peut voir que, dès mon enfance je créais, et que c’est moi qui racontais des histoires à ma grand-mère. Mon enfance créative, puis mon adolescence, étaient des préparations intenses pour mon métier. Je crois que c’est à la fin de mon adolescence que j’ai eu la certitude que le métier pour moi était la création de films d’animation. Enfant, j’ai été charmé par les films de Walt Disney, les seuls films d’animation qui existaient, mais petit à petit j’ai découvert qu’il existait des petits films d’auteur, en général bricolés, qui me charmaient. J’étais pris d’une part par la personnalité d’un être humain et d’autre part justement par le côté bricolage qu’on voyait. C’est touchant et impressionnant. C’est peut-être le même mécanisme que le dessin d’un grand maître confronté à l’image terminée et très soignée d’une peinture. Le dessin tout nu a une séduction que n’a pas la peinture terminée. J’ai eu de grands moments de bonheur au festival d’Annecy. Et cette année, ce sont les séances de courts métrages que j’irai voir. Ma vie avant Kirikou fut une vie dure, je ne savais pas obtenir l’accès aux outils, aux budgets. Finalement, je ne vois pas vraiment de déclic. J’ai aimé la narration et le dessin depuis toujours, et les premiers films de Disney m’ont enchanté pour toujours.
Au départ, vous êtes dessinateur ?
Au départ oui j’étais vraiment un dessinateur et je le suis toujours. Mais je me pensais comme dessinateur plutôt que comme conteur. A présent je me considère plutôt comme un conteur, mais je ne lâche pas le dessin et je continue à faire tous les modèles et les story-boards.
Vous dites être un pur autodidacte. Était-ce par choix ?
Je ne suis pas autodidacte par choix. Il n’y avait tout simplement aucune école quand j’étais prêt à apprendre. C’est moi qui ai réclamé aux Beaux-Arts d’Angers et aux Arts Déco de Paris un département d’animation. Ce département a été installé après mon départ. Ensuite, j’ai obtenu une bourse pour étudier l’animation un an à Los Angeles. Il y a eu une mauvaise conjonction. CalArts en 1968 allait quitter le vieux campus du centre-ville, et l’école, administration et professeurs, n’était pas sûre qu’elle devait enseigner, après les révoltes estudiantines de ces années extraordinaires. Et je n’ai rien fait de mon côté pour réclamer la transmission d’un savoir exceptionnel (que j’aurais pu sûrement obtenir si j’avais été moins bête). Je suis revenu sans savoir ce qu’était un fondu-enchaîné. Mais j’étais allé à Los Angeles, pas seulement pour le dessin animé mais aussi pour l’Amérique. Et l’Amérique je l’ai eue, au moment des "flower people" et de "make love, not war" ! A des années lumières de ce que nous avons aujourd’hui, où tout est coincé et interdit.
Marcelle Ponti et Jacques Rouxel, Jean François Laguionie puis Didier Brunner ont été des rencontres déterminantes pour vous ?
Les rencontres que vous nommez sont exactes. Rajoutons au début Yves Rousset-Rouard, producteur d’Emmanuelle et de bien d’autres succès. Il m’avait distingué dans la foule et avait installé pour moi une maison de production d’animation permanente. J’ai là fait mon premier et dernier film publicitaire pour un "grill-minute", avec le délice de toute une équipe professionnelle qui travaillait pour moi. Ensuite, YRR m’a confié le tournage d’une série de 60 fois 5 minutes, 5 heures d’animation ! En vrai, 4 heures en enlevant les génériques. J’ai tourné cette durée de plusieurs longs métrages en respectant les dates de livraison et le budget, la série a bien marché et les télévisions ont réclamé une suite, mais le tournage s’est mal passé, avec des animateurs mal conseillés : ils ont fait venir l’inspection du travail, qui m’a demandé si mes animateurs étaient fous. En tout cas, Yves Rousset-Rouard a dit qu’il ne travaillerait plus avec des animateurs, a fermé le studio d’animation et une grande chance a capoté. Marcelle Ponti et Jacques Rouxel étaient d’excellentes personnes, qui aimaient le cinéma, la création et avaient un certain altruisme, et j’ai pu faire quelques travaux grâce à eux. Jean-François Laguionie, un auteur que j’admirais, m’a permis de tourner une plaisanterie un peu audacieuse, Les Quatre Vœux, et surtout un début de série personnelle, CinéSi, devenue plus tard Princes et Princesses. C’est ainsi dans son entreprise que j’ai mis au point mes ombres chinoises pour dire des contes. Didier Brunner a eu la phrase qui a changé ma vie : "Arrête de perdre du temps avec la télévision (je voulais tellement continuer mes histoires en ombres chinoises), écris-moi un long métrage". Kirikou a tout changé.
Vous dites n’avoir pas de maître. Mais vous avez bien quelques influences, des films de chevet ?
Je confirme que je n’ai pas de maître ! Mais je suis inspiré par TOUT. Le Monde et l’Histoire sont là, plus que jamais grâce à l’informatique. Tout m’intéresse et je me sers de tout. Peut-être que, plus que dans l’animation existante, j’ai trouvé de l’inspiration dans d’autres arts. J’aime Voltaire, Beaumarchais, Giraudoux. J’aime l’art égyptien, les peintures chinoises et japonaises à l’encre, la renaissance italienne, les illustrateurs britanniques de la fin du 19ème siècle, Toulouse-Lautrec, la liste est infinie.
Le succès de Kirikou a-t-il été pesant ou galvanisant ?
Et bien non, le succès de Kirikou ne me pèse pas. C’est un miracle dont je suis bien conscient et j’assume chaque seconde du film. Mais je fais de même pour mes autres oeuvres ! Ce film m’a permis de faire du cinéma. Il m’a fait du bien et il en a fait aux autres…
Il y a un avant et un après Kirikou mesurable pour vous cinéaste, mais aussi pour le secteur de l’animation en France ?
Oui, il y a un avant et un après Kirikou. C’est évident pour moi, ça l’est aussi pour l’animation française. Voyez le nombre de longs métrages d’animation que l’on réalise par an, avant Kirikou et après Kirikou. Je pense que nous sommes à présent dans un âge d’or qui va se développer.
Travaillez-vous avec les mêmes équipes artistiques de film en film ?
C’est impossible de collaborer avec les mêmes équipes parce que je ne fais un film que de loin en loin. On se dit au revoir à la fin de chaque tournage et chacun fait sa vie ailleurs. Au moment où je recommence, parfois on peut se retrouver entre quelques-uns, parfois non, chacun est « ailleurs ». Pour Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse, je n’ai pu retrouver que Léo Silly-Pelissier, animateur, avec bonheur.
Quelle a été la genèse de votre dernier film, Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse, présenté en avant-première à Annecy et qui sort en octobre ?
Après Dilili à Paris, un film assez lourd, j’ai voulu passer du grand opéra à la chansonnette. J’ai pris trois histoires que je voulais raconter, en leur laissant leur longueur naturelle, sans respecter les 90 minutes pour un long métrage avec un seul sujet. J’ai utilisé un conte recueilli par Henri Pourrat, Le Conte du Beau Sauvage. D’habitude mon inspiration par les contes est limitée et je fais autre chose. Dans ce cas, j’ai beaucoup suivi la belle histoire. Un autre, que j’appelle La Princesse des Roses et le Prince des Beignets est une fantaisie déguisée en costumes turcs. Le déclic a été un conte marocain, mais je n’ai fait que jouer sur des thèmes archi-classiques et sur la liberté d’écrire ce que je veux. L’histoire à laquelle je ne m’attendais pas, c'est Pharaon. Le Président-Directeur du Louvre m’avait invité à examiner une collaboration éventuelle avec ce musée suprême. Ma première réaction a été de dire : "Je ne vois vraiment pas ce que je peux faire avec le Louvre". Ma deuxième réaction a été de dire : "Si vous voulez, je fais un dessin animé à partir de l’exposition Pharaon des Deux Terres". Une réaction chimique pour moi entre l’élément Égypte Antique, qui me fascine depuis toujours, et l’élément Afrique Noire, qui fait partie de mon enfance. Le travail avec Vincent Rondot, directeur des antiquités égyptiennes, fut un grand plaisir.
Avez-vous changé de méthode de fabrication ?
Je change un peu toujours. Le film Pharaon, est fait en 2D, comme du temps de Ramsès II, avec l’aide du numérique bien entendu. Le second, Le Beau Sauvage, est un retour à la silhouette avec les mêmes principes d’éléments plats dont on n’a pas honte et qui va bien avec le conte et le Moyen-Age. On garde la simplicité traditionnelle bien qu’on utilise un logiciel 3D, qui n’apparaît pas. Le troisième, La Princesse des Roses et le Prince des Beignets est totalement en 3D et en profite bien. Donc trois images et trois techniques différentes.
Vous avez récemment testé la prise de vues réelles dans un court métrage, Pablo Paris Satie. Envie de continuer ?
Je l’ai fait pour remercier un premier danseur de l’Opéra de Paris qui a dansé généreusement pour que nous animions bien Chocolat et Dilili dansant. Il fut filmé très mal. Il s’agit aussi d’un salut à la danse classique, où des saints et martyrs qui se dévouent complètement à leur art. J’ai voulu lui offrir quelque chose de beau, au soleil, dans le ciel de Paris. Et les yeux qui brillent, les cheveux qui bougent un peu, la chemise qui s’étire sur l’architecture subtile du corps, c’est quelque chose qu’on peut rendre en dessin, mais le dessin animé n’y arrive pas. Il faut connaître ses limites. Alors oui, j’ai envie de continuer. Mais j’ai un peu dressé mon cerveau à penser animation. Il faudrait que je prenne une année sabbatique et que j’essaie d’évoluer dans un autre espace-temps.
D’autres projets dans vos cartons ?
Bien entendu ! J’ai un projet relativement ambitieux et politique, faire l’Europe par le conte de fées, à travers une série. Et j’ai un autre projet de spectacle cinématographique avec plusieurs histoires, cette fois pour les adultes.
Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : Michel Ocelot
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