Annecy 2022 - La production indépendante à la croisée des chemins
Date de publication : 16/06/2022 - 08:15
AnimFrance a tenu sa traditionnelle conférence de presse dans le cadre du Mifa, afin de faire un état des lieux du marché et des dossiers majeurs du moment. Et la création d’un calculateur carbone, spécifique au secteur, a été annoncée.
"L’animation française s’inscrit dans un contexte très dynamique et qui bénéficie principalement à la prestation de service. Si la production française n’a jamais été aussi plébiscitée, elle n’a jamais autant profité aux autres. Le modèle même de la production indépendante est soumis à une forte pression et se situe à une croisée des chemins. L’émergence des plateformes à la veille de la possible fusion de TF1 et M6 et la suppression de la redevance sont autant de remises en question. En ces temps, particuliers, AnimFrance se doit d’être particulièrement vigilante » a précisé d’entrée de jeu Samuel Kaminka, dont c’était le premier exercice en tant que président d’AnimFrance, avant d’ajouter. « Notre secteur est particulièrement sensible à la réglementation. Une clause de diversité mal ficelée modifie les équilibres entre prestation de service et production indépendante et un simple effet de seuil entraine la délocalisation de centaines d’emplois. A l’inverse, une mesure équilibrée engendre des effets vertueux et durables".
En introduction, Stéphane Le Bars a fait référence au grand plan France 2030, dont les grands axes ont été annoncés par Emmanuel Macron en octobre 2021. Son objectif n°8 est de "placer la France à nouveau en tête de la production des contenus créatifs et culturels", ces derniers étant perçus comme un enjeu stratégique majeur. Les studios de production numériques (animation, VFX, jeu vidéo) sont donc des acteurs majeurs de ce plan France 2030, étant ciblés prioritairement par l’appel d’offres lancé par le CNC.
Vers un calculateur carbone spécifique au secteur
Dans ce cadre, les objectifs pour l’animation française à l’horizon 2030 sont "produire plus, produire en France et produire plus responsable". Dès 2023, le CNC va demander que les productions présentent des bilans carbone, d’abord de façon déclarative, puis de manière opposable. Différents critères, déjà définis, vont permettre l’homologation. Mais comme il n’existe toujours pas de calculateur carbone dédié à la filière de l’animation, AnimFrance a décidé de prendre les devants et d’en développer un qui prenne en compte les spécificités de la filière.
En introduction, Stéphane Le Bars a fait référence au grand plan France 2030, dont les grands axes ont été annoncés par Emmanuel Macron en octobre 2021. Son objectif n°8 est de "placer la France à nouveau en tête de la production des contenus créatifs et culturels", ces derniers étant perçus comme un enjeu stratégique majeur. Les studios de production numériques (animation, VFX, jeu vidéo) sont donc des acteurs majeurs de ce plan France 2030, étant ciblés prioritairement par l’appel d’offres lancé par le CNC.
Vers un calculateur carbone spécifique au secteur
Dans ce cadre, les objectifs pour l’animation française à l’horizon 2030 sont "produire plus, produire en France et produire plus responsable". Dès 2023, le CNC va demander que les productions présentent des bilans carbone, d’abord de façon déclarative, puis de manière opposable. Différents critères, déjà définis, vont permettre l’homologation. Mais comme il n’existe toujours pas de calculateur carbone dédié à la filière de l’animation, AnimFrance a décidé de prendre les devants et d’en développer un qui prenne en compte les spécificités de la filière.
Il prendra la forme d’un site web partagé en open source avec l’ensemble des acteurs de l’industrie. Une V1 de l’outil financée par AnimFrance et développée avec l’expertise de Workflowers sera livrable en novembre 2022. Six studios expérimentateurs représentant la 2D, la 3D et la 3D temps réel dans un premier temps s’empareront de l’outil et iront présenter les premiers résultats au CNC pour obtenir une homologation. Cet outil, conçu pour accompagner la filière dans sa transition écologique, permettra à chaque société de calculer le bilan carbone de ses productions, passées, en cours ou à venir, afin de présenter des résultats comparables entre eux et de pouvoir améliorer ses pratiques. Un travail qui pourra être effectué en deux heures maximum.
Du côté de l’emploi, le secteur affiche des chiffres records puisque le nombre de salariés a augmenté en 2021 de 9% par rapport à 2020, s’établissant à 8593, pour une masse salariale de 205,1 M€ qui a été multipliée par deux sur les dix dernières années. Et la parité progresse puisque 39% des postes sont féminins en 2020 contre 31% en 2010. Un rééquilibrage qui s’opère via les nouveaux entrants qui sont des à 48% des femmes.
L’animation française reste le numéro un à l’export à l’audiovisuel français, constituant 46% de celles-ci en 2020, année historique avec 125 M€ de ventes et de préventes. Ces dernière connaissent un dynamisme accru depuis quelques années, atteignant la barre des 50 M€ en 2021. Un phénomène auquel les plateformes ne sont pas étrangères. Et l’animation française est n°2 en Allemagne, Italie, Espagne derrière les États-Unis, mais devant la production nationale.
Un conventionnement SMAD "au rabais"
Reste l’écueil que représente le conventionnement opéré par l’Arcom (alors CSA à l’époque) en fin d’année dernière avec les différentes plateformes américaines. "L’animation a été ignorée et la production indépendante sacrifiée" a rappelé, Stéphane Le Bars. La convention avec Netflix prévoit 4,4% des 16% de CA net dévolus à l’audiovisuel à l’animation, un chiffre qui n’est que de 3,5% pour Disney+ et qui est de zéro pour Amazon alors que son offre en matière d’animation est assez proche de celle de Netflix.
Concrètement pour Netflix, l’assiette d’obligation de production estimée est de 1 Md€ en 2021, ce qui débouche sur 160 M€ d’obligations vers des œuvres audiovisuelles, soit l’équivalent des investissements de TF1. Avec le pourcentage négocié par l’Arcom, le minimum d’investissement dans l’animation par la plateforme est de 7 M€. L’impact du décret SMAD est donc très modéré à ce stade.
Le volume de production TV reste stable, avec une hausse de 21% en 2021 à 357 heures, après trois années consécutives à moins de 300 heures. Un plafond de verre qui semble difficile à percer. Une seule œuvre, Trico, 78 x 7’ de Xilam pour Netflix a été aidée en 2021 par le Fonds Sélectif Plateformes mis en place par le CNC. Et aucune ne l’a encore été en 2022
La prestation de service en hausse constante
Reste l’écueil que représente le conventionnement opéré par l’Arcom (alors CSA à l’époque) en fin d’année dernière avec les différentes plateformes américaines. "L’animation a été ignorée et la production indépendante sacrifiée" a rappelé, Stéphane Le Bars. La convention avec Netflix prévoit 4,4% des 16% de CA net dévolus à l’audiovisuel à l’animation, un chiffre qui n’est que de 3,5% pour Disney+ et qui est de zéro pour Amazon alors que son offre en matière d’animation est assez proche de celle de Netflix.
Concrètement pour Netflix, l’assiette d’obligation de production estimée est de 1 Md€ en 2021, ce qui débouche sur 160 M€ d’obligations vers des œuvres audiovisuelles, soit l’équivalent des investissements de TF1. Avec le pourcentage négocié par l’Arcom, le minimum d’investissement dans l’animation par la plateforme est de 7 M€. L’impact du décret SMAD est donc très modéré à ce stade.
Le volume de production TV reste stable, avec une hausse de 21% en 2021 à 357 heures, après trois années consécutives à moins de 300 heures. Un plafond de verre qui semble difficile à percer. Une seule œuvre, Trico, 78 x 7’ de Xilam pour Netflix a été aidée en 2021 par le Fonds Sélectif Plateformes mis en place par le CNC. Et aucune ne l’a encore été en 2022
La prestation de service en hausse constante
En fin de compte la croissance du secteur est portée par la prestation de services auprès de clients étrangers, qui est un accélérateur d’activité. En l’espace de six ans, les dépenses réalisées sur le territoire français bénéficiant du crédit d’impôt international ont été multipliées par sept, passant de 30 M€ en 2015 à plus de 180 M€ en 2021. 40% des dépenses concernent le long métrage animation et 60% les séries audiovisuelles d’animation destinées essentiellement aux plateformes.
Pendant longtemps le volume d’affaires du secteur a été tiré historiquement par la production télé qui représente à présent 280 M€, la production cinématographique pesant 50 M€. Mais la prestation pèse à présent 250 M€, dont 210 M€ grâce à des clients étrangers. Le risque à présent est de voir se créer un marché à deux vitesses, avec des prestations très rémunératrices drainant les meilleurs talents. L’enjeu pour AnimFrance est donc de veiller à ce que la croissance du secteur profite à la production indépendante, via notamment la création et la détention de propriétés intellectuelles, sources de richesses.
Des investissements français trop stables
Mais les investissements côté français ne progressent guère. France Télévisions a investi en 2021, 26,88 M€ dans l’animation, Arte France 0,75 M€, le groupe TF1, 9,58 M€, le groupe M6, 9,11 M€ et Canal+ 11,41 M€. Or le contexte est incertain avec le processus de fusion en cours entre les groupes TF1 et M6 et la suppression de la Contribution à l’Audiovisuel Public.
France Télévisions restant le premier partenaire de l’animation, la renégociation de l’accord interprofessionnel organisant son investissement qui arrive à échéance en fin d’année 2022 est donc cruciale. Car pour AnimFrance, force est de constater que l’obligation est certes respectée au cordeau, mais ce qui était au départ présenté par le groupe public comme un minimum est devenu un plafond.
Cette renégociation va donc passer par trois axes. En premier lieu, consolider l’investissement dans l’animation jeunesse pour permettre à France Télévisions de rester concurrentiel. Aller à la conquête d’un nouveau territoire, celui de l’animation ado/jeunes adultes. En 2021 elle pèse 2M€ contre 0,8 M€ en moyenne sur les trois années précédentes, mais cela reste 6% de l’enveloppe animation. Or le mouvement de fonds est mondial puisque, selon certaines projections, 2 Mds$ de commandes sont anticipés dès 2025 aux Etats-Unis. Troisième axe, mieux accompagner le long métrage d’animation. Le groupe accompagne trois à quatre films par an, avec un investissement moyen de l’ordre de 500 K€. Un investissement qui représente 5 à 10% du budget des films. Au total l’animation ne représente donc que 3% des investissements de France Télévisions dans le cinéma.
Pendant longtemps le volume d’affaires du secteur a été tiré historiquement par la production télé qui représente à présent 280 M€, la production cinématographique pesant 50 M€. Mais la prestation pèse à présent 250 M€, dont 210 M€ grâce à des clients étrangers. Le risque à présent est de voir se créer un marché à deux vitesses, avec des prestations très rémunératrices drainant les meilleurs talents. L’enjeu pour AnimFrance est donc de veiller à ce que la croissance du secteur profite à la production indépendante, via notamment la création et la détention de propriétés intellectuelles, sources de richesses.
Des investissements français trop stables
Mais les investissements côté français ne progressent guère. France Télévisions a investi en 2021, 26,88 M€ dans l’animation, Arte France 0,75 M€, le groupe TF1, 9,58 M€, le groupe M6, 9,11 M€ et Canal+ 11,41 M€. Or le contexte est incertain avec le processus de fusion en cours entre les groupes TF1 et M6 et la suppression de la Contribution à l’Audiovisuel Public.
France Télévisions restant le premier partenaire de l’animation, la renégociation de l’accord interprofessionnel organisant son investissement qui arrive à échéance en fin d’année 2022 est donc cruciale. Car pour AnimFrance, force est de constater que l’obligation est certes respectée au cordeau, mais ce qui était au départ présenté par le groupe public comme un minimum est devenu un plafond.
Cette renégociation va donc passer par trois axes. En premier lieu, consolider l’investissement dans l’animation jeunesse pour permettre à France Télévisions de rester concurrentiel. Aller à la conquête d’un nouveau territoire, celui de l’animation ado/jeunes adultes. En 2021 elle pèse 2M€ contre 0,8 M€ en moyenne sur les trois années précédentes, mais cela reste 6% de l’enveloppe animation. Or le mouvement de fonds est mondial puisque, selon certaines projections, 2 Mds$ de commandes sont anticipés dès 2025 aux Etats-Unis. Troisième axe, mieux accompagner le long métrage d’animation. Le groupe accompagne trois à quatre films par an, avec un investissement moyen de l’ordre de 500 K€. Un investissement qui représente 5 à 10% du budget des films. Au total l’animation ne représente donc que 3% des investissements de France Télévisions dans le cinéma.
Une dizaine de longs métrages produits par an
En moyenne une dizaine de films d’animation sont produits chaque année avec des pics comme en 2012 et 2020 avec 12 films et quelques creux. Mais la structure de financement est toujours aussi complexe. Et si le CNC vient corriger le faible apport des diffuseurs français dans la production audiovisuelle d’animation ce n’est pas le cas pour le long métrage.
Par ailleurs AnimFrance constate un recul du soutien du CNC au court métrage d’animation. Ce dernier qui était traditionnellement peu accompagné par les aides sélectives du court subit encore un recul en 2021 et 2022 et décroche aussi dans l’aide au programme d’entreprises ou les sociétés dédiées à l’animation sont de moins en moins présentes. Elles ne représentent plus que 25% de l’enveloppe en 2022.
Mais le syndicat se félicite de la récente réforme des aides CVS, qui a débouché sur la réation d’une aide aux techniques d’animation avec une enveloppe de 3 M€. Une enveloppe certes fixe mais qui permettra d’aider les longs métrages plus fortement en amont grâce à cette commission spécialisée. Autre piste de travail suggérée par AnimFrance, dupliquer le taux dérogatoire à 40% mis en place dans la cadre du crédit d’impôt international pour les films de fiction ayant plus de 2 M€ de dépenses de VFX, en l’élargissant aux films d’animation.
Par ailleurs AnimFrance constate un recul du soutien du CNC au court métrage d’animation. Ce dernier qui était traditionnellement peu accompagné par les aides sélectives du court subit encore un recul en 2021 et 2022 et décroche aussi dans l’aide au programme d’entreprises ou les sociétés dédiées à l’animation sont de moins en moins présentes. Elles ne représentent plus que 25% de l’enveloppe en 2022.
Mais le syndicat se félicite de la récente réforme des aides CVS, qui a débouché sur la réation d’une aide aux techniques d’animation avec une enveloppe de 3 M€. Une enveloppe certes fixe mais qui permettra d’aider les longs métrages plus fortement en amont grâce à cette commission spécialisée. Autre piste de travail suggérée par AnimFrance, dupliquer le taux dérogatoire à 40% mis en place dans la cadre du crédit d’impôt international pour les films de fiction ayant plus de 2 M€ de dépenses de VFX, en l’élargissant aux films d’animation.
Plus globalement, estime le syndicat, il est urgent de se reposer la question de la place de l’animation au sein des aides en faveur du court métrage et du long métrage avec des dispositifs dédiés et des commissions spécialisées. Car actuellement c’est une cinématographie qui souffre d’être un peu noyée dans la masse. Les mesures prises en ce sens pour l’audiovisuel ont largement prouvé leur pertinence et leur efficacité.
Patrice Carré
© crédit photo : Patrice Carré
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