Congrès FNCF 2022 - Richard Patry : "Nous devons nous adapter aux nouvelles pratiques des spectateurs, dont les habitudes changent"
Date de publication : 20/09/2022 - 08:02
Alors que s'est ouverte hier à Deauville la 77e édition de la manifestation, le président de la FNCF fait le point sur les dossiers clés du secteur, de la baisse de la fréquentation à la crise énergétique en passant par les difficultés de recrutement. Avec, selon lui, une nécessité absolue : continuer d’investir.
La fréquentation hexagonale affichait, fin août, un recul de 30% environ tant par rapport à 2019 qu’à la moyenne 2015-2019, avec un repli plus prononcé en juillet et en août qu’au cours du deuxième trimestre. Comment analysez-vous ces résultats ?
A la réouverture de 2021, nous ne nous attendions pas à ce que cette reprise dure aussi longtemps. Force est de constater que la fréquentation se situe, en fonction de la situation et des chiffres que l’on regarde, 20% à 30% en-deçà des niveaux pré-crise. Il semble que nous nous installions sur un plateau, même si le comparatif est plus avantageux en prenant en compte l’année glissante : -22% par rapport à 2019, -23% en comparaison de 2017-2019. Concernant la fréquentation estivale, elle a été conforme à ce à quoi nous nous attendions, avec une offre de films tant américaine que française moins diversifiée et beaucoup moins forte qu’à l’accoutumée, en partie toujours à cause des conséquences de la pandémie sur la production. Ceci étant dit, nous avons eu une très bonne Fête du cinéma, quelques très bonnes surprises – françaises notamment – et une tendance, pour les œuvres qui fonctionnent, à s’installer dans la durée. On l’a observé sur Top Gun : Maverick, mais aussi La nuit du 12 ou As bestas, pour lesquels les spectateurs se sont mobilisés à des niveaux très proches – voire supérieurs – de ceux de l’avant-crise. On voit donc bien ici l’importance de laisser du temps à la fenêtre salle. Tout cela nous pousse à la confiance pour le reste de l’année, avec l’ambition de terminer entre 150 et 170 millions d’entrées.
A la réouverture de 2021, nous ne nous attendions pas à ce que cette reprise dure aussi longtemps. Force est de constater que la fréquentation se situe, en fonction de la situation et des chiffres que l’on regarde, 20% à 30% en-deçà des niveaux pré-crise. Il semble que nous nous installions sur un plateau, même si le comparatif est plus avantageux en prenant en compte l’année glissante : -22% par rapport à 2019, -23% en comparaison de 2017-2019. Concernant la fréquentation estivale, elle a été conforme à ce à quoi nous nous attendions, avec une offre de films tant américaine que française moins diversifiée et beaucoup moins forte qu’à l’accoutumée, en partie toujours à cause des conséquences de la pandémie sur la production. Ceci étant dit, nous avons eu une très bonne Fête du cinéma, quelques très bonnes surprises – françaises notamment – et une tendance, pour les œuvres qui fonctionnent, à s’installer dans la durée. On l’a observé sur Top Gun : Maverick, mais aussi La nuit du 12 ou As bestas, pour lesquels les spectateurs se sont mobilisés à des niveaux très proches – voire supérieurs – de ceux de l’avant-crise. On voit donc bien ici l’importance de laisser du temps à la fenêtre salle. Tout cela nous pousse à la confiance pour le reste de l’année, avec l’ambition de terminer entre 150 et 170 millions d’entrées.
Comment expliquez-vous la baisse actuelle ?
Nous sommes sortis d’une crise (sanitaire, Ndlr), la plus importante depuis la création de notre métier, pour entrer dans une autre, liée à l’inflation et à la crise énergétique, mais aussi à l’éloignement d’un certain nombre de catégories de spectateurs de la salle de cinéma, pour des raisons que nous commençons à identifier : est-ce un détournement vers les plateformes ? une offre de films moins attractive ? ou la crise économique ? Un peu de tout cela, très probablement. Quoi qu’il en soit, nous devons nous adapter aux nouvelles pratiques des spectateurs, dont les habitudes changent. Il y a par exemple un certain nombre de films qu’ils n’ont plus envie de voir, ou alors beaucoup moins. Il va peut-être falloir, pour ceux-là, s’interroger sur les façons de mieux les exposer et les éditorialiser. Allons même plus loin : ne faudrait-il pas être plus exigeants sur les titres qui sortent en salle, et que ceux-ci soient mieux éditorialisés, mieux produits, mieux pensés, mieux mis en avant ? Une chose est claire : le niveau d’exigence des spectateurs est désormais plus élevé. On voit bien que les occasionnels sont présents. Aujourd’hui, notre problématique porte davantage sur les réguliers, qui viennent moins. Pour les (ré)attirer, il va falloir jouer sur l’offre de films, donc, mais aussi le marketing digital, l’investissement, le pricing... Le cinéma doit être plus séduisant, faire davantage envie. C’est l’enjeu central des mois à venir.
Nous sommes sortis d’une crise (sanitaire, Ndlr), la plus importante depuis la création de notre métier, pour entrer dans une autre, liée à l’inflation et à la crise énergétique, mais aussi à l’éloignement d’un certain nombre de catégories de spectateurs de la salle de cinéma, pour des raisons que nous commençons à identifier : est-ce un détournement vers les plateformes ? une offre de films moins attractive ? ou la crise économique ? Un peu de tout cela, très probablement. Quoi qu’il en soit, nous devons nous adapter aux nouvelles pratiques des spectateurs, dont les habitudes changent. Il y a par exemple un certain nombre de films qu’ils n’ont plus envie de voir, ou alors beaucoup moins. Il va peut-être falloir, pour ceux-là, s’interroger sur les façons de mieux les exposer et les éditorialiser. Allons même plus loin : ne faudrait-il pas être plus exigeants sur les titres qui sortent en salle, et que ceux-ci soient mieux éditorialisés, mieux produits, mieux pensés, mieux mis en avant ? Une chose est claire : le niveau d’exigence des spectateurs est désormais plus élevé. On voit bien que les occasionnels sont présents. Aujourd’hui, notre problématique porte davantage sur les réguliers, qui viennent moins. Pour les (ré)attirer, il va falloir jouer sur l’offre de films, donc, mais aussi le marketing digital, l’investissement, le pricing... Le cinéma doit être plus séduisant, faire davantage envie. C’est l’enjeu central des mois à venir.
Quelles conséquences ce repli de la fréquentation a-t-il sur la santé des salles, qui ne bénéficient désormais plus des aides leur ayant permis de tenir le coup depuis le début de la pandémie ?
Il faut à nouveau saluer l’action de Roselyne Bachelot, de Dominique Boutonnat et, bien sûr, du gouvernement de Jean Castex, qui a eu raison d’aider massivement les salles de cinéma. Certains ont pu dire qu’elles avaient été trop aidées, mais non. Elles ont été aidées à un très bon niveau, ce qui leur a permis de sortir de la crise financière avec une situation économique leur permettant de continuer à tenir dans la période que nous vivons. Reste que les PGE pèsent lourdement sur certaines entreprises. Nous sommes donc, aujourd’hui, pour certains face à un mur de la dette. Aucune défaillance de salle n’est pour le moment à déplorer, mais nous restons extrêmement vigilants. Actuellement, tous les exploitants sont focalisés sur leur budget et travaillent sur les manières de réaliser des économies. En matière d’énergie, bien sûr, mais aussi de masse salariale ou d’amplitude horaire, en regardant comment les rationnaliser au regard de l’évolution de la fréquentation. Lorsque vous perdez 20% à 30% de votre chiffre d’affaires, vous devez repenser votre modèle économique. Il y a donc une vraie inquiétude, un questionnement sur l’avenir de nos métiers. Ce dont nous sommes certains, c’est que nous ne retrouverons pas l’exploitation d’avant. Il va donc falloir, comme à de nombreuses reprises dans l’Histoire du cinéma, nous adapter pour rebondir.
Il faut à nouveau saluer l’action de Roselyne Bachelot, de Dominique Boutonnat et, bien sûr, du gouvernement de Jean Castex, qui a eu raison d’aider massivement les salles de cinéma. Certains ont pu dire qu’elles avaient été trop aidées, mais non. Elles ont été aidées à un très bon niveau, ce qui leur a permis de sortir de la crise financière avec une situation économique leur permettant de continuer à tenir dans la période que nous vivons. Reste que les PGE pèsent lourdement sur certaines entreprises. Nous sommes donc, aujourd’hui, pour certains face à un mur de la dette. Aucune défaillance de salle n’est pour le moment à déplorer, mais nous restons extrêmement vigilants. Actuellement, tous les exploitants sont focalisés sur leur budget et travaillent sur les manières de réaliser des économies. En matière d’énergie, bien sûr, mais aussi de masse salariale ou d’amplitude horaire, en regardant comment les rationnaliser au regard de l’évolution de la fréquentation. Lorsque vous perdez 20% à 30% de votre chiffre d’affaires, vous devez repenser votre modèle économique. Il y a donc une vraie inquiétude, un questionnement sur l’avenir de nos métiers. Ce dont nous sommes certains, c’est que nous ne retrouverons pas l’exploitation d’avant. Il va donc falloir, comme à de nombreuses reprises dans l’Histoire du cinéma, nous adapter pour rebondir.
Vous évoquez la question de l’énergie, dont les prix ne cessent d’augmenter. Quelles en sont les conséquences pour les cinémas ?
Il faut d’abord souligner une chose : la crise énergétique n’impacte pas toutes les entreprises en même temps, puisqu’elle dépend des contrats passés avec les fournisseurs d’énergie. Certaines ayant des garanties de prix, elles ne subissent pas cette crise pour le moment, mais y seront évidemment confrontées lors de la renégociation de leur contrat. Quoi qu’il en soit, nous travaillons depuis plusieurs mois sur le sujet. Nous avons notamment eu des rendez-vous avec le gouvernement et plusieurs ministères, afin de les sensibiliser à la situation des salles. C’est un sujet essentiel pour les prochains mois.
Il faut d’abord souligner une chose : la crise énergétique n’impacte pas toutes les entreprises en même temps, puisqu’elle dépend des contrats passés avec les fournisseurs d’énergie. Certaines ayant des garanties de prix, elles ne subissent pas cette crise pour le moment, mais y seront évidemment confrontées lors de la renégociation de leur contrat. Quoi qu’il en soit, nous travaillons depuis plusieurs mois sur le sujet. Nous avons notamment eu des rendez-vous avec le gouvernement et plusieurs ministères, afin de les sensibiliser à la situation des salles. C’est un sujet essentiel pour les prochains mois.
Les matières premières flambent elles aussi. Faut-il s’en inquiéter pour le développement du parc ?
Bien sûr. A titre personnel, nous (Noé Cinémas, Ndlr) avons récemment relancé un projet arrêté en 2020 en raison de la crise sanitaire : en l’espace de deux ans, son devis a augmenté de 30%. Ce projet va donc devoir évoluer, afin de réaliser des économies. Le pire pour le secteur serait de reproduire la situation des années 1970, c’est-à-dire de cesser d’investir dans les salles et, donc, de perdre encore plus de spectateurs. Notre secteur nécessite d’investir constamment, afin de s’adapter aux goûts et aux attentes du public. Le CNC a un rôle structurant à jouer en la matière.
Bien sûr. A titre personnel, nous (Noé Cinémas, Ndlr) avons récemment relancé un projet arrêté en 2020 en raison de la crise sanitaire : en l’espace de deux ans, son devis a augmenté de 30%. Ce projet va donc devoir évoluer, afin de réaliser des économies. Le pire pour le secteur serait de reproduire la situation des années 1970, c’est-à-dire de cesser d’investir dans les salles et, donc, de perdre encore plus de spectateurs. Notre secteur nécessite d’investir constamment, afin de s’adapter aux goûts et aux attentes du public. Le CNC a un rôle structurant à jouer en la matière.
De plus en plus de professionnels pointent des difficultés de recrutement dans l’exploitation. L’observez-vous également ?
Comme tous les autres secteurs du service (hôtellerie, restauration, santé…, Ndlr), nous sommes effectivement confrontés à des difficultés de recrutement. Nos entreprises ont de plus en plus de mal à séduire de nouveaux salariés. Aujourd’hui, notre objectif est donc de redonner de l’attractivité à nos métiers. Cela implique de repenser la grille salariale, bien sûr, mais pas seulement. Il y a un certain nombre de contraintes à intégrer, liées en particulier aux horaires, alors que les Français sont de moins en moins prêts à sacrifier leur vie personnelle au profit de leur vie professionnelle. Odile Tarizzo, avec la commission des questions sociales (qu’elle préside, Ndlr), anime actuellement un groupe travail sur cette problématique, dont les propositions – assez concrètes – seront détaillées au Congrès.
Comme tous les autres secteurs du service (hôtellerie, restauration, santé…, Ndlr), nous sommes effectivement confrontés à des difficultés de recrutement. Nos entreprises ont de plus en plus de mal à séduire de nouveaux salariés. Aujourd’hui, notre objectif est donc de redonner de l’attractivité à nos métiers. Cela implique de repenser la grille salariale, bien sûr, mais pas seulement. Il y a un certain nombre de contraintes à intégrer, liées en particulier aux horaires, alors que les Français sont de moins en moins prêts à sacrifier leur vie personnelle au profit de leur vie professionnelle. Odile Tarizzo, avec la commission des questions sociales (qu’elle préside, Ndlr), anime actuellement un groupe travail sur cette problématique, dont les propositions – assez concrètes – seront détaillées au Congrès.
Comment anticipez-vous 2023, théoriquement la première année dépourvue de contraintes sanitaires depuis 2019 ?
Objectivement, nous devrions retrouver l’an prochain une offre comparable aux années pré-crise, avec de très nombreux blockbusters américains attendus, un nombre important de longs métrages français ambitieux et énormément de films d’auteurs. 2023 va d’ailleurs être une année capitale. Mon objectif, pour la profession, est de repasser la barre des 200 millions d’entrées l’an prochain, et de s’y accrocher. Pour nous rassurer nous-mêmes, mais aussi nos partenaires (bancaires notamment), afin de pouvoir reconstituer notre capacité d’investissement, qui est l’enjeu majeur des salles de cinéma pour les dix prochaines années, en particulier dans un contexte de sobriété énergétique. Puis qu’ensuite, nous écrivions collectivement, avec les pouvoirs publics et les autres professions du secteur, une nouvelle page de l’Histoire du cinéma français.
Objectivement, nous devrions retrouver l’an prochain une offre comparable aux années pré-crise, avec de très nombreux blockbusters américains attendus, un nombre important de longs métrages français ambitieux et énormément de films d’auteurs. 2023 va d’ailleurs être une année capitale. Mon objectif, pour la profession, est de repasser la barre des 200 millions d’entrées l’an prochain, et de s’y accrocher. Pour nous rassurer nous-mêmes, mais aussi nos partenaires (bancaires notamment), afin de pouvoir reconstituer notre capacité d’investissement, qui est l’enjeu majeur des salles de cinéma pour les dix prochaines années, en particulier dans un contexte de sobriété énergétique. Puis qu’ensuite, nous écrivions collectivement, avec les pouvoirs publics et les autres professions du secteur, une nouvelle page de l’Histoire du cinéma français.
Propos recueillis par Kevin Bertrand
© crédit photo : DR
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