Congrès FNCF 2022 - Cédric Aubry : "L'année 2022 marque une forte dégradation de nos trésoreries"
Date de publication : 20/09/2022 - 08:10
Bien qu’optimiste à moyen terme, le président de la commission de branche de la moyenne exploitation de la FNCF partage les inquiétudes présentes de ses membres, fortement fragilisés par la conjoncture actuelle.
Dans un marché national en repli de 30% en comparaison des années pré-Covid, comment se porte la fréquentation des membres de la moyenne exploitation ?
Les collègues sont conscients des difficultés du moment mais sans affolement, sûrs que les planètes vont se réaligner ! Pour être précis, la situation des 12 derniers mois glissants peut apparaître encourageante, avec un recul des entrées de 25% et des recettes de 20%. Si l’on pondère cela avec la multitude de facteurs conjoncturels défavorables (pass sanitaire, pass vaccinal, crise aiguë omicron de janvier-février, interdiction de vente de confiserie, été caniculaire et, surtout, une offre de films très en deçà des attentes), on peut y voir avec optimisme le bout du tunnel. Mais aussi, avec une fin d’année plus étoffée en offre, l’enclenchement d’une nouvelle séquence pour un retour progressif et rapide à la normale. 2023 sera un bon cru, j’en suis convaincu.
Les collègues sont conscients des difficultés du moment mais sans affolement, sûrs que les planètes vont se réaligner ! Pour être précis, la situation des 12 derniers mois glissants peut apparaître encourageante, avec un recul des entrées de 25% et des recettes de 20%. Si l’on pondère cela avec la multitude de facteurs conjoncturels défavorables (pass sanitaire, pass vaccinal, crise aiguë omicron de janvier-février, interdiction de vente de confiserie, été caniculaire et, surtout, une offre de films très en deçà des attentes), on peut y voir avec optimisme le bout du tunnel. Mais aussi, avec une fin d’année plus étoffée en offre, l’enclenchement d’une nouvelle séquence pour un retour progressif et rapide à la normale. 2023 sera un bon cru, j’en suis convaincu.
Concernant la problématique de l’offre de films, une épée de Damoclès pèse aujourd’hui sur Black Panther : Wakanda Forever, que The Walt Disney Company France pourrait finalement ne pas sortir dans les salles hexagonales en raison de son opposition à certaines dispositions de la nouvelle chronologie des médias…
Quel regret, avant tout, pour le public français ! Je me dois de rappeler qu'un film diffusé directement sur une plateforme est, par définition, excluant pour tous les Français qui n’y sont pas abonnés. Seule la sortie en salle permet de proposer immédiatement et sur l’ensemble du territoire une œuvre aussi attendue que Black Panther 2. Les enjeux pour Disney sont, soit de négocier à la marge des ajustements et, dans ce cas, nous sommes les otages d’une négociation à laquelle nous ne pouvons rien, soit de faire exploser un mécanisme vertueux qui protège avant tout la création française, et là nous serons par définition opposés à Disney ! Un acteur, aussi important soit-il, ne peut abuser de sa position pour remettre en cause notre modèle, qui a fait ses preuves et qui vient d’être renégocié pour trois ans.
Quel regret, avant tout, pour le public français ! Je me dois de rappeler qu'un film diffusé directement sur une plateforme est, par définition, excluant pour tous les Français qui n’y sont pas abonnés. Seule la sortie en salle permet de proposer immédiatement et sur l’ensemble du territoire une œuvre aussi attendue que Black Panther 2. Les enjeux pour Disney sont, soit de négocier à la marge des ajustements et, dans ce cas, nous sommes les otages d’une négociation à laquelle nous ne pouvons rien, soit de faire exploser un mécanisme vertueux qui protège avant tout la création française, et là nous serons par définition opposés à Disney ! Un acteur, aussi important soit-il, ne peut abuser de sa position pour remettre en cause notre modèle, qui a fait ses preuves et qui vient d’être renégocié pour trois ans.
"Si, de manière mécanique et macro-économique, la grande exploitation connaît des tensions, c’est bien au sein de la moyenne que des défaillances d’entreprise peuvent subvenir si la conjoncture nous impose une fréquentation aussi faible sur un temps trop long", nous aviez-vous indiqué en amont du Congrès 2021. Un an plus tard, et alors que les éclaircies du deuxième trimestre ont été quelque peu gommées par un été maussade, dans quelle situation financière se trouvent aujourd’hui vos membres ?
La moyenne exploitation ne se bat pas au quotidien pour préserver des marges, mais simplement pour conserver des liquidités. Les défaillances d’entreprise se font toujours par asséchement des trésoreries. Les entreprises de la moyenne sont en train de vivre une période très stressante ! L’équation se complexifie chaque jour un peu plus. Les membres de la branche ont toujours, de manière systémique, été fortement endettés. Si on accumule des recettes en fort retrait, une hausse indiscutable des salaires, une amorce de remboursement de PGE et un mur de charges matérialisé par l’exponentielle augmentation des coûts de l’énergie, alors la crise de liquidités devient inévitable pour les plus fragiles.
A l’occasion de cet entretien, vous aviez également mentionné deux "sujets préoccupants", dont les PGE, avec donc en creux la problématique de l’endettement. De quelle façon ces prêts pèsent-ils aujourd’hui sur l’économie des exploitants de la branche ?
La souscription de PGE, indispensable pour nombre d’entre nous afin de répondre à la fermeture des salles, est devenue presque de façon prévisible un énorme problème pour les entreprises les plus fragiles. On pourrait considérer le problème transversal à l’économie, mais la particularité est que, contrairement à d’autres secteurs d’activité, nous sommes loin d’avoir redémarré pleinement. L’année 2022 marque en effet une forte dégradation de nos trésoreries. Il convient donc d’avoir, de la part des pouvoirs publics, une forte attention, et de fait un soutien actif face au poids de la dette de nos entreprises. La moyenne exploitation, pour l’essentiel représentée d’entreprises isolées, n’a pas de marge de manœuvre pour reconstituer sa trésorerie. Un accompagnement sera nécessaire pour certains, afin de pouvoir également répondre aux indispensables investissements à venir.
Afin de continuer à s’inscrire dans une dynamique de création de salles, vous nous aviez indiqué l’an dernier "porte[r] l’idée d’un crédit d’impôt à la création et modernisation des salles. Il pourrait notamment s’adosser sur des impôts sectoriels, et être un levier important aux côtés des collectivités locales". Comment cette idée suit-elle son chemin depuis ?
C’est en effet une idée que je continue de porter. La transition écologique s’impose notamment à nous, des investissements visant à moderniser les équipements énergivores sont donc devenus indispensables. C’est vertueux, et participe pleinement à la réduction progressive des consommations d’énergie que nous devons accompagner. Les investissements sont colossaux, seul un mécanisme agile incitatif et innovant permettra d’accélérer cette transition. Le crédit d’impôt peut participer à donner confiance à nos partenaires bancaires, et ainsi faire levier.
Vous aviez, en outre, évoqué la question du renouvellement du matériel numérique. Un an après, les choses semblent avoir peu évolué sur ce dossier…
Le sujet de l’investissement est prioritaire. Le passage à une source laser répond à la montée en gamme de nos projections, tout en étant vertueux pour la sobriété énergétique. Nombre d’exploitants déjà en tension avant la crise sanitaire sont loin de pouvoir faire face à cette évolution. Les pouvoirs publics doivent maintenant rouvrir ce dossier. C’est aussi l’occasion de répondre à un problème qui pourrait s’apparenter à un mur de charges : la renégociation des contrats d’énergie !
La moyenne exploitation ne se bat pas au quotidien pour préserver des marges, mais simplement pour conserver des liquidités. Les défaillances d’entreprise se font toujours par asséchement des trésoreries. Les entreprises de la moyenne sont en train de vivre une période très stressante ! L’équation se complexifie chaque jour un peu plus. Les membres de la branche ont toujours, de manière systémique, été fortement endettés. Si on accumule des recettes en fort retrait, une hausse indiscutable des salaires, une amorce de remboursement de PGE et un mur de charges matérialisé par l’exponentielle augmentation des coûts de l’énergie, alors la crise de liquidités devient inévitable pour les plus fragiles.
A l’occasion de cet entretien, vous aviez également mentionné deux "sujets préoccupants", dont les PGE, avec donc en creux la problématique de l’endettement. De quelle façon ces prêts pèsent-ils aujourd’hui sur l’économie des exploitants de la branche ?
La souscription de PGE, indispensable pour nombre d’entre nous afin de répondre à la fermeture des salles, est devenue presque de façon prévisible un énorme problème pour les entreprises les plus fragiles. On pourrait considérer le problème transversal à l’économie, mais la particularité est que, contrairement à d’autres secteurs d’activité, nous sommes loin d’avoir redémarré pleinement. L’année 2022 marque en effet une forte dégradation de nos trésoreries. Il convient donc d’avoir, de la part des pouvoirs publics, une forte attention, et de fait un soutien actif face au poids de la dette de nos entreprises. La moyenne exploitation, pour l’essentiel représentée d’entreprises isolées, n’a pas de marge de manœuvre pour reconstituer sa trésorerie. Un accompagnement sera nécessaire pour certains, afin de pouvoir également répondre aux indispensables investissements à venir.
Afin de continuer à s’inscrire dans une dynamique de création de salles, vous nous aviez indiqué l’an dernier "porte[r] l’idée d’un crédit d’impôt à la création et modernisation des salles. Il pourrait notamment s’adosser sur des impôts sectoriels, et être un levier important aux côtés des collectivités locales". Comment cette idée suit-elle son chemin depuis ?
C’est en effet une idée que je continue de porter. La transition écologique s’impose notamment à nous, des investissements visant à moderniser les équipements énergivores sont donc devenus indispensables. C’est vertueux, et participe pleinement à la réduction progressive des consommations d’énergie que nous devons accompagner. Les investissements sont colossaux, seul un mécanisme agile incitatif et innovant permettra d’accélérer cette transition. Le crédit d’impôt peut participer à donner confiance à nos partenaires bancaires, et ainsi faire levier.
Vous aviez, en outre, évoqué la question du renouvellement du matériel numérique. Un an après, les choses semblent avoir peu évolué sur ce dossier…
Le sujet de l’investissement est prioritaire. Le passage à une source laser répond à la montée en gamme de nos projections, tout en étant vertueux pour la sobriété énergétique. Nombre d’exploitants déjà en tension avant la crise sanitaire sont loin de pouvoir faire face à cette évolution. Les pouvoirs publics doivent maintenant rouvrir ce dossier. C’est aussi l’occasion de répondre à un problème qui pourrait s’apparenter à un mur de charges : la renégociation des contrats d’énergie !
A l’instar des autres branches, l’intervention de votre rapporteuse, Sylvie Jaillet, lors du Forum de discussion du Congrès 2021, a été l’occasion d’aborder l’épineux sujet du piratage, qui n’a lui non plus pas bougé depuis un an…
Que dire ? Les gouvernements successifs continuent de considérer que de piller des œuvres culturelles n’est pas un délit ! La perte de revenu pour l’ensemble de la filière est pourtant très réelle. La période que nous vivons devrait être le moment d’éradiquer le plus rapidement possible cette pratique illégale. Des moyens existent ! Cela permettrait d’injecter immédiatement des revenus complémentaires, dont aucune entreprise cinématographique ne peut se passer dans le contexte actuel. Il faut continuer le travail de persuasion incarné par notre ambassadeur de choc, Nicolas Seydoux.
Que dire ? Les gouvernements successifs continuent de considérer que de piller des œuvres culturelles n’est pas un délit ! La perte de revenu pour l’ensemble de la filière est pourtant très réelle. La période que nous vivons devrait être le moment d’éradiquer le plus rapidement possible cette pratique illégale. Des moyens existent ! Cela permettrait d’injecter immédiatement des revenus complémentaires, dont aucune entreprise cinématographique ne peut se passer dans le contexte actuel. Il faut continuer le travail de persuasion incarné par notre ambassadeur de choc, Nicolas Seydoux.
Propos recueillis par Kevin Bertrand
© crédit photo : DR
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