Annecy 2023 - Marcel Jean : "Le cru 2023 est au moins aussi fort que celui de 2022"
Date de publication : 12/06/2023 - 11:00
Alors que le festival s’est ouvert pour la première fois un dimanche soir, son délégué artistique revient sur les raisons qui ont conduit à ce choix et détaille les évolutions qui en découlent. Il évoque une sélection diversifiée et particulièrement riche.
Le festival a donc ouvert un dimanche pour la première fois de son histoire. Était-ce une évolution inéluctable ?
La raison principale était l’incongruité d’ouvrir le festival un lundi soir alors que des projections et des conférences avaient déjà eu lieu durant toute la journée. Historiquement à Annecy tout était concentré entre le lundi et le vendredi, le samedi étant une demi-journée. Nous ouvrions le festival, alors que 20% de la manifestation avait déjà eu lieu. Cela posait problème, car certains festivaliers n’arrivaient que le lundi soir pour la cérémonie d’ouverture. Beaucoup, surtout les français, estimaient que ce n’était pas la peine d’arriver le dimanche ou même trop tôt le lundi matin avec cette ouverture le lundi soir. Par ailleurs ceux dont les œuvres étaient programmées le lundi estimaient de leur côté qu’ils n’étaient pas vraiment dans la manifestation. Donc cette incongruité était source de tensions, de quiproquos et des malentendus.
Par ailleurs les places sont chères à Annecy dans la grande salle de Bonlieu. Car c’est la seule de cette dimension parmi les équipements dont dispose le festival. Or de plus en plus de grandes sociétés souhaitent y organiser des séances évènementielles ce qui enlève de la place pour la sélection officielle. D’autre part certaines séances qui ont lieu au Pathé1, la plus petite salle du multiplexe, ou dans la petite salle de Bonlieu, pourraient sans problème attirer 1000 personnes dans la grande salle de Bonlieu. L’offre a grossi, de même que le nombre de festivaliers, qui a quasiment doublé en 11 ans. Tout cela mis ensemble nous a forcés à aller dans cette direction. Cette année nous avons 11 longs métrages en compétition, ce qui signifie 11 cases horaire dans la grande salle de Bonlieu, plus le court métrage, composé de 5 séances.
Mais, autre fait marquant, cette compétition des courts est composée de 36 films, alors qu’il y en avait auparavant une cinquantaine. La tendance lourde de l’allongement de la durée courts métrages fait qu’il est fort possible que, d’ici deux ans, nous soyons obligés de rajouter une sixième séance de courts métrages, pour rester pertinents par rapport à l’ensemble de la production. Il y a 11 ans, nous recevions 1150 films de courts métrages. Cette année c’est autour de 1300. La production augmente donc légèrement mais les films sont plus longs, ce qui fait que la quantité de films sélectionnés se réduit. Dans ce contexte là il existe un réel danger de ne plus être aussi pertinent. J’ai toujours dit que je souhaitais donner un polaroid de l’état de l’animation. Si on n’a plus assez d’espace pour ça c’est un vrai problème.
Donc il n’y aura pas un retour ultérieur à une ouverture le lundi ?
Cette journée du dimanche a constitué une première cette année et c'est une sorte de demie journée. Il y a eu des séances à partir du début de l’après-midi le dimanche, pas de longs métrages en compétition, mais cela a permis aux festivaliers qui arrivent de commencer à prendre de l’avance. Et ouvrir le dimanche nous permet d’installer le lundi à fond à l’intérieur du cadre officiel du festival. On verra ensuite comment faire l’an prochain, en fonction des conclusions qui seront tirées de cette édition. Mais il n’y aura pas de retour en arrière. On ne reviendra pas à une ouverture le lundi.
Est-ce que l’organisation du planning des projections a changé ?
En termes de planning des projections je cherche la bonne formule depuis quelques années. Depuis mon arrivée, on avait calé les grandes projections officielles des courts métrages en compétition à 14 heures et ça n’a pas changé jusque à la pandémie. L’an dernier on a fait une tentative, on les a mises le matin, mais ce n’était pas du tout idéal. Donc cette année on les repositionne à 16 heures. Tout ce petit jeu tient au fait que la séance de 14 heures dans la grande salle de Bonlieu intéresse ceux qui font des présentations avec des intervenants sur scène. A l’image de ce que fait Disney et que Netflix a organisé l’année dernière pour la première fois. Mais ces séances exigent une répétition. Les mettre à 14 heures permet de la faire à l’heure du déjeuner et ensuite on enchaine directement. Optimiser Bonlieu suppose donc toute une logistique. Mais une chose est claire, le court métrage ne sortira jamais de la grande salle. La particularité d’Annecy est que c’est un festival qui est né du court. A ses débuts l’état de l’animation faisait que c’était essentiellement un festival de court métrage. Et selon la très belle formule de mon collègue Laurent Million, le court métrage demeure la noblesse de l’animation. Cette noblesse est majeure pour moi. J’ai mis beaucoup d’énergie à développer le court métrage à travers la création de sections compétitives comme Off-limits, Perspectives ou Jeune Public, histoire de faire en sorte que tous les courts métrages aient une bonne visibilité et la possibilité d’être primés. Et dans ce contexte il faut leur trouver la meilleure case possible. 16 heures selon moi est la bonne, car cela permet ensuite de discuter du programme à l’apéro.
Autant de films ont-ils été proposés cette année ?
Si je compte les longs métrages qui ont été soumis pour la compétition, on en est à une centaine. Si j’y ajoute ceux qui n’ont pas été soumis pour la compétition, mais pour des sélections diverses, soit parce qu’ils viennent de grands studios avec des budgets hors normes ou que les producteurs pensent que le film a sa place à Annecy mais hors compétition, on tourne plutôt autour de 130. C’est énorme, c’est autant que les plus grosses années, mais la différence est que, dans tout ce qui nous est soumis pour la compétition, le niveau moyen monte énormément. A une époque, il y avait un écrémage très facile à faire. On recevait une centaine de films mais 50 disparaissaient au bout de 20 minutes de visionnage. Ce n’est plus le cas maintenant. On doit voir les films jusqu’au bout pour en discuter ensuite. Avec des idées préconçues on pourrait se dire qu’un titre en provenance de tel studio ou d’une zone géographique donnée ne tiendra pas la route. Mais on ne peut plus raisonner comme ça. Le très bon film peut venir de partout, avoir été produit avec un budget minuscule et être d’un très haut niveau.
Vous aviez dit que le cru de l’année 2022 était exceptionnel. Comment qualifier celui de 2023 ?
Je ne peux effectivement plus utiliser le mot exceptionnel. Mais dans exceptionnel il y a exception, hors là l’exception devient la règle. Pour moi le cru 2023 est au moins aussi fort que celui de 2022. Il faut avoir à l’esprit qu’on juge souvent un cru à l’aune d’un film qui va se démarquer. L’année de Ma vie de courgette, tout le monde a dit, "c’est une année remarquable" à cause du film. Pareil quand on a présenté J’ai perdu mon corps. Est-ce qu’un équivalent à ces deux films figure en compétition cette année ? C’est vous qui me le direz. En tout cas le jury aura à boire et à manger car les prétendants aux honneurs sont très nombreux. Certains films sont passés par Berlin comme La sirène. Et d’autres, très attendus, sont des réussites comme Mars Express ou Sirocco et le Royaume des courants d’air qui a fait l’ouverture hier. Et puis nous avons Art College 1994 de Liu Jian, le réalisateur qui a fait Have a nice day. Pour moi Liu Jian n’est pas un des grands cinéastes d’animation en activité, c’est un des plus grands cinéastes, point final, pour aller dans le sens de ce que dit Guillermo del Toro. Il n’y a quasiment pas d’autre réalisateur qui nous parle de la Chine comme il le fait. Il arrive à dire des choses sur la vie dans ce pays qui sont difficiles à exprimer. Et c’est sans nul doute l’animation qui contribue à le rend possible. Il y a un film de Keichi Hara qui est l’un des cinéastes qui a été le plus souvent en compétition à Annnecy ou il été primé deux ou trois fois. Il est en compétition avec le deuxième meilleur film japonais qu’on ait vu cette année. Là-dessus se rajoutent les nouveautés très attendues comme The Inventor, dont on a tous vu making-off et extraits. Il est assez jeune public mais avec un beau sujet et une superbe maîtrise techniques. Ce sera pour moi une superbe année de ce côté-là.
La raison principale était l’incongruité d’ouvrir le festival un lundi soir alors que des projections et des conférences avaient déjà eu lieu durant toute la journée. Historiquement à Annecy tout était concentré entre le lundi et le vendredi, le samedi étant une demi-journée. Nous ouvrions le festival, alors que 20% de la manifestation avait déjà eu lieu. Cela posait problème, car certains festivaliers n’arrivaient que le lundi soir pour la cérémonie d’ouverture. Beaucoup, surtout les français, estimaient que ce n’était pas la peine d’arriver le dimanche ou même trop tôt le lundi matin avec cette ouverture le lundi soir. Par ailleurs ceux dont les œuvres étaient programmées le lundi estimaient de leur côté qu’ils n’étaient pas vraiment dans la manifestation. Donc cette incongruité était source de tensions, de quiproquos et des malentendus.
Par ailleurs les places sont chères à Annecy dans la grande salle de Bonlieu. Car c’est la seule de cette dimension parmi les équipements dont dispose le festival. Or de plus en plus de grandes sociétés souhaitent y organiser des séances évènementielles ce qui enlève de la place pour la sélection officielle. D’autre part certaines séances qui ont lieu au Pathé1, la plus petite salle du multiplexe, ou dans la petite salle de Bonlieu, pourraient sans problème attirer 1000 personnes dans la grande salle de Bonlieu. L’offre a grossi, de même que le nombre de festivaliers, qui a quasiment doublé en 11 ans. Tout cela mis ensemble nous a forcés à aller dans cette direction. Cette année nous avons 11 longs métrages en compétition, ce qui signifie 11 cases horaire dans la grande salle de Bonlieu, plus le court métrage, composé de 5 séances.
Mais, autre fait marquant, cette compétition des courts est composée de 36 films, alors qu’il y en avait auparavant une cinquantaine. La tendance lourde de l’allongement de la durée courts métrages fait qu’il est fort possible que, d’ici deux ans, nous soyons obligés de rajouter une sixième séance de courts métrages, pour rester pertinents par rapport à l’ensemble de la production. Il y a 11 ans, nous recevions 1150 films de courts métrages. Cette année c’est autour de 1300. La production augmente donc légèrement mais les films sont plus longs, ce qui fait que la quantité de films sélectionnés se réduit. Dans ce contexte là il existe un réel danger de ne plus être aussi pertinent. J’ai toujours dit que je souhaitais donner un polaroid de l’état de l’animation. Si on n’a plus assez d’espace pour ça c’est un vrai problème.
Donc il n’y aura pas un retour ultérieur à une ouverture le lundi ?
Cette journée du dimanche a constitué une première cette année et c'est une sorte de demie journée. Il y a eu des séances à partir du début de l’après-midi le dimanche, pas de longs métrages en compétition, mais cela a permis aux festivaliers qui arrivent de commencer à prendre de l’avance. Et ouvrir le dimanche nous permet d’installer le lundi à fond à l’intérieur du cadre officiel du festival. On verra ensuite comment faire l’an prochain, en fonction des conclusions qui seront tirées de cette édition. Mais il n’y aura pas de retour en arrière. On ne reviendra pas à une ouverture le lundi.
Est-ce que l’organisation du planning des projections a changé ?
En termes de planning des projections je cherche la bonne formule depuis quelques années. Depuis mon arrivée, on avait calé les grandes projections officielles des courts métrages en compétition à 14 heures et ça n’a pas changé jusque à la pandémie. L’an dernier on a fait une tentative, on les a mises le matin, mais ce n’était pas du tout idéal. Donc cette année on les repositionne à 16 heures. Tout ce petit jeu tient au fait que la séance de 14 heures dans la grande salle de Bonlieu intéresse ceux qui font des présentations avec des intervenants sur scène. A l’image de ce que fait Disney et que Netflix a organisé l’année dernière pour la première fois. Mais ces séances exigent une répétition. Les mettre à 14 heures permet de la faire à l’heure du déjeuner et ensuite on enchaine directement. Optimiser Bonlieu suppose donc toute une logistique. Mais une chose est claire, le court métrage ne sortira jamais de la grande salle. La particularité d’Annecy est que c’est un festival qui est né du court. A ses débuts l’état de l’animation faisait que c’était essentiellement un festival de court métrage. Et selon la très belle formule de mon collègue Laurent Million, le court métrage demeure la noblesse de l’animation. Cette noblesse est majeure pour moi. J’ai mis beaucoup d’énergie à développer le court métrage à travers la création de sections compétitives comme Off-limits, Perspectives ou Jeune Public, histoire de faire en sorte que tous les courts métrages aient une bonne visibilité et la possibilité d’être primés. Et dans ce contexte il faut leur trouver la meilleure case possible. 16 heures selon moi est la bonne, car cela permet ensuite de discuter du programme à l’apéro.
Autant de films ont-ils été proposés cette année ?
Si je compte les longs métrages qui ont été soumis pour la compétition, on en est à une centaine. Si j’y ajoute ceux qui n’ont pas été soumis pour la compétition, mais pour des sélections diverses, soit parce qu’ils viennent de grands studios avec des budgets hors normes ou que les producteurs pensent que le film a sa place à Annecy mais hors compétition, on tourne plutôt autour de 130. C’est énorme, c’est autant que les plus grosses années, mais la différence est que, dans tout ce qui nous est soumis pour la compétition, le niveau moyen monte énormément. A une époque, il y avait un écrémage très facile à faire. On recevait une centaine de films mais 50 disparaissaient au bout de 20 minutes de visionnage. Ce n’est plus le cas maintenant. On doit voir les films jusqu’au bout pour en discuter ensuite. Avec des idées préconçues on pourrait se dire qu’un titre en provenance de tel studio ou d’une zone géographique donnée ne tiendra pas la route. Mais on ne peut plus raisonner comme ça. Le très bon film peut venir de partout, avoir été produit avec un budget minuscule et être d’un très haut niveau.
Vous aviez dit que le cru de l’année 2022 était exceptionnel. Comment qualifier celui de 2023 ?
Je ne peux effectivement plus utiliser le mot exceptionnel. Mais dans exceptionnel il y a exception, hors là l’exception devient la règle. Pour moi le cru 2023 est au moins aussi fort que celui de 2022. Il faut avoir à l’esprit qu’on juge souvent un cru à l’aune d’un film qui va se démarquer. L’année de Ma vie de courgette, tout le monde a dit, "c’est une année remarquable" à cause du film. Pareil quand on a présenté J’ai perdu mon corps. Est-ce qu’un équivalent à ces deux films figure en compétition cette année ? C’est vous qui me le direz. En tout cas le jury aura à boire et à manger car les prétendants aux honneurs sont très nombreux. Certains films sont passés par Berlin comme La sirène. Et d’autres, très attendus, sont des réussites comme Mars Express ou Sirocco et le Royaume des courants d’air qui a fait l’ouverture hier. Et puis nous avons Art College 1994 de Liu Jian, le réalisateur qui a fait Have a nice day. Pour moi Liu Jian n’est pas un des grands cinéastes d’animation en activité, c’est un des plus grands cinéastes, point final, pour aller dans le sens de ce que dit Guillermo del Toro. Il n’y a quasiment pas d’autre réalisateur qui nous parle de la Chine comme il le fait. Il arrive à dire des choses sur la vie dans ce pays qui sont difficiles à exprimer. Et c’est sans nul doute l’animation qui contribue à le rend possible. Il y a un film de Keichi Hara qui est l’un des cinéastes qui a été le plus souvent en compétition à Annnecy ou il été primé deux ou trois fois. Il est en compétition avec le deuxième meilleur film japonais qu’on ait vu cette année. Là-dessus se rajoutent les nouveautés très attendues comme The Inventor, dont on a tous vu making-off et extraits. Il est assez jeune public mais avec un beau sujet et une superbe maîtrise techniques. Ce sera pour moi une superbe année de ce côté-là.
Ensuite les gens ont leur favori. Je me rappelle l’an dernier Unicorn Wars. A la fin de la projection une moitié de la salle a fait une ovation debout et l’autre est sortie au début du générique. C’était clivant, comme le prouvent les discussions qu’il y a eu après. J’aime bien qu’il y ait des films qui polarisent. Dans la compétition on a Four Souls of Coyote film hongrois de Áron Gauder qui a été une véritable surprise quand on l’a vu. Et puis Linda veut du poulet qui est magnifique, à la hauteur des attentes, avec une grande finesse dans la conduite du récit et un travail sur la couleur. J’ai des images qui me reviennent encore. Donc un super programme avec 11 longs métrages en compétition et 12 en contrechamp. On voit d’ailleurs que cette section prend de la force.
Habituellement Contrechamp c’était une dizaine de titres ?
Oui et cette année nous en avons pris 12. Donc cela pousse vers le haut. Il y a White Plastic Sky de Tibor Banoczki et Sarolta Szabo qui est un superbe film de science-fiction. Toldi, film posthume de Marcell Jankovics, grand cinéaste hongrois décédé pendant la pandémie. Bill Plympton qui se retrouve en Contrechamp avec un film très personnel. Il y a une œuvre qui nous vient de Jordanie et un très joli film, Komada – A Whisky Family de Masayuki Yoshihara, qui parlera aux amateurs de whisky, avec un aspect documentaire dans des plans de distillerie. Et puis La Grotte sacrée de Daniel Minlo et Cyrille Masso, un film qui nous vient du Cameroun.
Habituellement Contrechamp c’était une dizaine de titres ?
Oui et cette année nous en avons pris 12. Donc cela pousse vers le haut. Il y a White Plastic Sky de Tibor Banoczki et Sarolta Szabo qui est un superbe film de science-fiction. Toldi, film posthume de Marcell Jankovics, grand cinéaste hongrois décédé pendant la pandémie. Bill Plympton qui se retrouve en Contrechamp avec un film très personnel. Il y a une œuvre qui nous vient de Jordanie et un très joli film, Komada – A Whisky Family de Masayuki Yoshihara, qui parlera aux amateurs de whisky, avec un aspect documentaire dans des plans de distillerie. Et puis La Grotte sacrée de Daniel Minlo et Cyrille Masso, un film qui nous vient du Cameroun.
La section Contrechamp présente-t-elle encore des œuvres avec des recherches formelles assez poussées comme l’an passé ?
C’est moins le cas cette année. L’an dernier il y avait effectivement des films qui étaient proches du cinéma expérimental. On ne l’exclut pas dans Contrechamp, c’est même le bon endroit pour eux, mais cette année nous n’avons n’a pas eu de fortes propositions qui allaient aussi loin que ça. Nous avons reçu des films de type expérimental qui mettaient à contribution une intelligence artificielle mais qui n’étaient pas très convaincants. Par contre en court métrage nous avons sélectionné un titre qui à nos yeux constitue le meilleur film fait à ce jour avec une intelligence artificielle. C’est un film australien qui figure dans Off Limits. Ce sera notre contribution au débat sur l’IA cette année.
Des thématiques globales se distinguent-elles au sein de l’ensemble de la sélection ?
La première passe par deux des longs métrages français, Mars express et Sirocco et le Royaume des courants d’air. On le pressentait à travers certaines séries télé, vidéoclips et pubs. Mais là on sent l’influence de l’animé japonais et de l’animation asiatique dans l’esthétique du cinéma européen. On voit qu’il y a maintenant des générations de cinéastes nourris d’animés japonais et de mangas. Je suis plus vieux et j’ai le souvenir de la révélation d’Akira par exemple, de ce qui avait été fait au forum des Images par Xavier Kawa-Topor et Ilan Nguyên à l’époque, autour du cinéma japonais. Il y a eu la découverte de Ghibli à partir de Porco Rosso, je veux parler bien sûr de Myazaki et de Takahata dans leurs diverses créations. Mais là on voit une esthétique qui a été intégrée par des créateurs européens. Ils ont leur propre culture, produisent des films avec une esthétique et une conduite de récit originale mais on sent ces influences. Quand on a vu arriver le cinéma de Tarantino on voyait qu’il était nourri de choses qui ne constituaient pas la nourriture classique des cinéastes avant lui. Et là aussi on constate ce changement. Et il est profond car je vous parle de deux longs métrages terminés et qui sont en compétition officielle cette année mais on remarque les mêmes tendances sur d’autres films actuellement en production mais aussi des séries. Pour moi c’est un mouvement de fond.
Ensuite il y a toujours ce rapport à la réalité, dans le cadre d’une animation plus adulte avec des productions comme Art College 1994 ou encore La sirène. Dans la section Contrechamp il y a le documentaire Johnny & Me – Eine Zeitreise mit John Heartfield de Katrin Rothe. Il y a un très fort courant de l’animation qui veut nous parler du monde dans lequel on vit de manière assez explicite. Certes ce n’est pas nouveau on le trouvait déjà dans Valse avec Bachir. Mais ces sont des éléments auxquels s'ajoutent diverses influences. Dans Contrechamp nous avons aussi Adam change lentement de Joël Vaudreuil, qui avait été présenté à Annecy goes to Cannes l’an dernier. Là c’est l’influence de Mike Judge qui est très forte, comme Beavis and Butt-Head et toute cette esthétique de mauvais goût, avec un dessin qui est délibérément laid. Et Vaudreuil l’utilise pour décrire une vie de banlieue à un rythme lent, avec un humour assez décalé, très pince sans rire. La science-fiction est aussi très présente, alors qu’à une époque c’était un peu une exclusivité nippone. On le voit chez Tibor Banoczki et Sarolta Szabo, dans le film franco-espagnol Robot Dreams de Pablo Berger qui va aussi dans ce sens-là, ou Mars Express évidemment. Donc c’est très varié. Il y a vraiment plusieurs courants.
On note une très belle présence française avec des titres qui étaient en gestation depuis longtemps. Est-ce le résultat d’un hasard de calendrier de production ou avant tout d’une soumission de propositions artistiques de très haut niveau ?
Il y avait aussi beaucoup de titres français l’an dernier. C’était une présence forte mais assez inattendue alors que pour cette année on nous dit depuis septembre que Mars Express et Linda veut du poulet seront finis à temps. Même chose pour Sirocco et le Royaume des courants d’air et The inventor. Quant à La Sirène je savais depuis un an qu’il serait prêt. Donc cette forte présence n’est pas une surprise. Mais si je jette un coup d’œil sur ce qui est en cours de production je me dis qu’on pourrait très bien avoir une aussi belle participation l’année prochaine. Et la présence française passe aussi par la coproduction avec Les inséparables ou Robot Dreams. Cela en dit long sur le développement continu de l’industrie du long métrage en France et l’apparente bonne santé de la filière.
Un souhait particulier de votre part pour cette édition ?
Pour moi il y a cette nécessité d’imposer le festival sur une semaine complète de sept jours. C’est dans ce cadre que nous serons en mesure de rendre justice à la production et aux artisans de cette industrie. Le samedi va être beaucoup plus lourd en termes de programmation que ce qu’on a pu avoir précédemment. Nous aurons ainsi la présence de Makoto Shinkai à Annecy. Et sa présentation en grande salle de Bonlieu aura lieu le samedi matin. Et j’ai un autre souhait, qu’il y ait du beau temps.
C’est moins le cas cette année. L’an dernier il y avait effectivement des films qui étaient proches du cinéma expérimental. On ne l’exclut pas dans Contrechamp, c’est même le bon endroit pour eux, mais cette année nous n’avons n’a pas eu de fortes propositions qui allaient aussi loin que ça. Nous avons reçu des films de type expérimental qui mettaient à contribution une intelligence artificielle mais qui n’étaient pas très convaincants. Par contre en court métrage nous avons sélectionné un titre qui à nos yeux constitue le meilleur film fait à ce jour avec une intelligence artificielle. C’est un film australien qui figure dans Off Limits. Ce sera notre contribution au débat sur l’IA cette année.
Des thématiques globales se distinguent-elles au sein de l’ensemble de la sélection ?
La première passe par deux des longs métrages français, Mars express et Sirocco et le Royaume des courants d’air. On le pressentait à travers certaines séries télé, vidéoclips et pubs. Mais là on sent l’influence de l’animé japonais et de l’animation asiatique dans l’esthétique du cinéma européen. On voit qu’il y a maintenant des générations de cinéastes nourris d’animés japonais et de mangas. Je suis plus vieux et j’ai le souvenir de la révélation d’Akira par exemple, de ce qui avait été fait au forum des Images par Xavier Kawa-Topor et Ilan Nguyên à l’époque, autour du cinéma japonais. Il y a eu la découverte de Ghibli à partir de Porco Rosso, je veux parler bien sûr de Myazaki et de Takahata dans leurs diverses créations. Mais là on voit une esthétique qui a été intégrée par des créateurs européens. Ils ont leur propre culture, produisent des films avec une esthétique et une conduite de récit originale mais on sent ces influences. Quand on a vu arriver le cinéma de Tarantino on voyait qu’il était nourri de choses qui ne constituaient pas la nourriture classique des cinéastes avant lui. Et là aussi on constate ce changement. Et il est profond car je vous parle de deux longs métrages terminés et qui sont en compétition officielle cette année mais on remarque les mêmes tendances sur d’autres films actuellement en production mais aussi des séries. Pour moi c’est un mouvement de fond.
Ensuite il y a toujours ce rapport à la réalité, dans le cadre d’une animation plus adulte avec des productions comme Art College 1994 ou encore La sirène. Dans la section Contrechamp il y a le documentaire Johnny & Me – Eine Zeitreise mit John Heartfield de Katrin Rothe. Il y a un très fort courant de l’animation qui veut nous parler du monde dans lequel on vit de manière assez explicite. Certes ce n’est pas nouveau on le trouvait déjà dans Valse avec Bachir. Mais ces sont des éléments auxquels s'ajoutent diverses influences. Dans Contrechamp nous avons aussi Adam change lentement de Joël Vaudreuil, qui avait été présenté à Annecy goes to Cannes l’an dernier. Là c’est l’influence de Mike Judge qui est très forte, comme Beavis and Butt-Head et toute cette esthétique de mauvais goût, avec un dessin qui est délibérément laid. Et Vaudreuil l’utilise pour décrire une vie de banlieue à un rythme lent, avec un humour assez décalé, très pince sans rire. La science-fiction est aussi très présente, alors qu’à une époque c’était un peu une exclusivité nippone. On le voit chez Tibor Banoczki et Sarolta Szabo, dans le film franco-espagnol Robot Dreams de Pablo Berger qui va aussi dans ce sens-là, ou Mars Express évidemment. Donc c’est très varié. Il y a vraiment plusieurs courants.
On note une très belle présence française avec des titres qui étaient en gestation depuis longtemps. Est-ce le résultat d’un hasard de calendrier de production ou avant tout d’une soumission de propositions artistiques de très haut niveau ?
Il y avait aussi beaucoup de titres français l’an dernier. C’était une présence forte mais assez inattendue alors que pour cette année on nous dit depuis septembre que Mars Express et Linda veut du poulet seront finis à temps. Même chose pour Sirocco et le Royaume des courants d’air et The inventor. Quant à La Sirène je savais depuis un an qu’il serait prêt. Donc cette forte présence n’est pas une surprise. Mais si je jette un coup d’œil sur ce qui est en cours de production je me dis qu’on pourrait très bien avoir une aussi belle participation l’année prochaine. Et la présence française passe aussi par la coproduction avec Les inséparables ou Robot Dreams. Cela en dit long sur le développement continu de l’industrie du long métrage en France et l’apparente bonne santé de la filière.
Un souhait particulier de votre part pour cette édition ?
Pour moi il y a cette nécessité d’imposer le festival sur une semaine complète de sept jours. C’est dans ce cadre que nous serons en mesure de rendre justice à la production et aux artisans de cette industrie. Le samedi va être beaucoup plus lourd en termes de programmation que ce qu’on a pu avoir précédemment. Nous aurons ainsi la présence de Makoto Shinkai à Annecy. Et sa présentation en grande salle de Bonlieu aura lieu le samedi matin. Et j’ai un autre souhait, qu’il y ait du beau temps.
Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : ANNECY FESTIVAL/G. Piel
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