Annecy 2023 - Animation et documentaire toujours plus proches
Date de publication : 16/06/2023 - 08:22
L’une des conférences du Mifa a tenté de cerner pourquoi et comment l'animation est-elle employée comme code narratif, que ce soit en complément ou sur l'ensemble d'un documentaire. Un débat qui englobe aussi le mode de production des œuvres.
Valse avec Bachir a sans nul doute marqué une étape, en étant le premier véritable long métrage documentaire d'animation. Mais après des continuations timides, de plus en plus de documentaires ont recours à l’animation, à l’exemple de Persépolis ou comme l’a récemment prouvé Flee de Jonas Poher Rasmussen, qui raconte l’histoire vraie d’un réfugié afghan homosexuel. Et la télévision s’en empare également
Fondatrice de Silex Films, Judith Nora a notamment produit Les Aventuriers de l'Art Moderne, une série 6x52' réalisée par Amélie Harrault, Pauline Gaillard et Valérie Loiseleux, écrite par Dan Franck. Son principe est de raconter la scène artistique et littéraire du 19ème siècle à travers les destins intimes des plus grands musiciens, écrivains, poètes, photographes, architectes qui ont bouleversé cette période de l’histoire de l’art et des Idées. Le parti pris a été d’utiliser les codes de la fiction en ayant recours à des illustrations, de l’animation et des documents d’époque. Coproduite avec Arte, la série a été vendue dans plus d’une trentaine de pays
Et la productrice a lancé une deuxième saison, Romantisme : Les Aventuriers de l'Art. Réalisée par Amélie Harrault et écrite par Valérie Loiseleux elle est en production depuis octobre 2022. "Si la première série était l’adaptation d’un livre de Dan Franck, celle-ci est un projet original. Et nous avons donc décidé de la réaliser entièrement en animation car il n’existe pas d’archives, notamment sur la jeunesse des grands romantiques comme Victor-Hugo, Baudelaire, George Sand ou Balzac. Cela représente un défi considérable". La réalisatrice s’est notamment inspirée de photos, scannant visages et sculptures puis en les retravaillant afin d’obtenir des rendus très picturaux. L’intégralité de la série est réalisée en 2D.
Autre exemple de recours à l’animation pour un travail documentaire, Interdit aux chiens et aux italiens d’Alain Ughetto. Le film retrace les origines de la famille du cinéaste, ce qui a amené ses grands-parents à émigrer d’Italie en France. Alain Ughetto a délibérément choisi la stop-motion, ayant notamment amassé différents éléments naturels du Piémont, du charbon de bois, des brocolis, des châtaignes, qui ont été intégrés dans les décors afin de leur conférer une dimension organique. Il a aussi voulu utiliser cette technique pour son côté artisanal, "fait main" en référence à son grand-père qui était ouvrier. Il a fallu au total neuf ans au cinéaste pour mener à bien son projet. Sorti le 25 janvier dernier, le film a fédéré près de 200 000 spectateurs.
Fondatrice de Silex Films, Judith Nora a notamment produit Les Aventuriers de l'Art Moderne, une série 6x52' réalisée par Amélie Harrault, Pauline Gaillard et Valérie Loiseleux, écrite par Dan Franck. Son principe est de raconter la scène artistique et littéraire du 19ème siècle à travers les destins intimes des plus grands musiciens, écrivains, poètes, photographes, architectes qui ont bouleversé cette période de l’histoire de l’art et des Idées. Le parti pris a été d’utiliser les codes de la fiction en ayant recours à des illustrations, de l’animation et des documents d’époque. Coproduite avec Arte, la série a été vendue dans plus d’une trentaine de pays
Et la productrice a lancé une deuxième saison, Romantisme : Les Aventuriers de l'Art. Réalisée par Amélie Harrault et écrite par Valérie Loiseleux elle est en production depuis octobre 2022. "Si la première série était l’adaptation d’un livre de Dan Franck, celle-ci est un projet original. Et nous avons donc décidé de la réaliser entièrement en animation car il n’existe pas d’archives, notamment sur la jeunesse des grands romantiques comme Victor-Hugo, Baudelaire, George Sand ou Balzac. Cela représente un défi considérable". La réalisatrice s’est notamment inspirée de photos, scannant visages et sculptures puis en les retravaillant afin d’obtenir des rendus très picturaux. L’intégralité de la série est réalisée en 2D.
Autre exemple de recours à l’animation pour un travail documentaire, Interdit aux chiens et aux italiens d’Alain Ughetto. Le film retrace les origines de la famille du cinéaste, ce qui a amené ses grands-parents à émigrer d’Italie en France. Alain Ughetto a délibérément choisi la stop-motion, ayant notamment amassé différents éléments naturels du Piémont, du charbon de bois, des brocolis, des châtaignes, qui ont été intégrés dans les décors afin de leur conférer une dimension organique. Il a aussi voulu utiliser cette technique pour son côté artisanal, "fait main" en référence à son grand-père qui était ouvrier. Il a fallu au total neuf ans au cinéaste pour mener à bien son projet. Sorti le 25 janvier dernier, le film a fédéré près de 200 000 spectateurs.
La complexité du sujet de Chris The Swiss
De son côté la cinéaste Anja Kofmel a également en partie eu recours à l’animation pour son film Chris The Swiss qui a démarré sa carrière après avoir été sélectionné à la Semaine de la Critique puis à Annecy en 2018. La cinéaste s'est inspirée d'une tragédie ayant frappé sa famille pour réaliser cette œuvre hybride, qui prend ses racines dans les conflits ayant déchiré l'ex Yougoslavie. Le film raconte en effet l’histoire d'un jeune journaliste suisse, cousin de la réalisatrice, qui a été retrouvé mort, revêtu de l'uniforme d'un groupe de mercenaires internationaux.
"J'ai décidé de mélanger l'animation et la prise de vues documentaire en raison de la complexité du sujet. Je filme mes recherches et rencontre des témoins oculaires au moyen d'un mode documentaire classique, alors que l'animation me permet d'interpréter l'histoire et de donner vie à la cruauté et au désespoir de la guerre d'une façon subjective" a raconté la cinéaste.
Utiliser l’animation a permis d’avoir accès à des guichets délivrant des montants bien supérieurs à ceux dont bénéficie habituellement le documentaire. Pour autant le financement du film a été extrêmement complexe. "Certaines questions revenaient sans cesse : C'est quoi ce film ? Documentaire ? Fiction ? Animation ? Pour quel guichet ? J'ai eu l'impression que les fonds d'aides et les chaînes de télévision n'avaient pas vraiment confiance dans le potentiel d'un tel film hybride, surtout lorsqu'il s'agit d'une première réalisation".
Autre difficultés, des modes de fabrication diamétralement opposés. "Sur un plan purement artistique, l'animation et le documentaire ont des modes de fabrication totalement opposés. Le documentaire prend forme dans la salle de montage, en se nourrissant des heures et des heures d'images, tandis que l'animation doit être planifiée avec précision avant de commencer. Avec un film moitié animation et moitié documentaire, le processus du montage peut en outre s'avérer très douloureux et difficile parce qu'il faut trouver la structure et le rythme alors que manque la moitié du matériel".
Œil réaliste, touche fantastique
Présente également à la table ronde, la réalisatrice Camille Authouart est revenue sur son court métrage La grande Arche (photo), sélectionné cette année dans la compétition officielle. Ayant comme toile de fond le quartier de la Défense, ou vivait sa grand-mère, sa fameuse Grande Arche et ses sculptures monumentales, son film propose de les redécouvrir avec un œil nouveau, mais néanmoins réaliste, l’animation conférant une touche un peu fantastique à l’ensemble. Un choix qui fut opéré a posteriori puisqu’elle pensait au tout départ réaliser son film en prises de vues réelles. Ayant commencé par remplir un carnet de croquis elle a fini par imaginer en faire une œuvre animée. Opter pour l’animation lui a permis de faire un docu-fiction prenant la forme d’une fable poétique.
De son côté la cinéaste Anja Kofmel a également en partie eu recours à l’animation pour son film Chris The Swiss qui a démarré sa carrière après avoir été sélectionné à la Semaine de la Critique puis à Annecy en 2018. La cinéaste s'est inspirée d'une tragédie ayant frappé sa famille pour réaliser cette œuvre hybride, qui prend ses racines dans les conflits ayant déchiré l'ex Yougoslavie. Le film raconte en effet l’histoire d'un jeune journaliste suisse, cousin de la réalisatrice, qui a été retrouvé mort, revêtu de l'uniforme d'un groupe de mercenaires internationaux.
"J'ai décidé de mélanger l'animation et la prise de vues documentaire en raison de la complexité du sujet. Je filme mes recherches et rencontre des témoins oculaires au moyen d'un mode documentaire classique, alors que l'animation me permet d'interpréter l'histoire et de donner vie à la cruauté et au désespoir de la guerre d'une façon subjective" a raconté la cinéaste.
Utiliser l’animation a permis d’avoir accès à des guichets délivrant des montants bien supérieurs à ceux dont bénéficie habituellement le documentaire. Pour autant le financement du film a été extrêmement complexe. "Certaines questions revenaient sans cesse : C'est quoi ce film ? Documentaire ? Fiction ? Animation ? Pour quel guichet ? J'ai eu l'impression que les fonds d'aides et les chaînes de télévision n'avaient pas vraiment confiance dans le potentiel d'un tel film hybride, surtout lorsqu'il s'agit d'une première réalisation".
Autre difficultés, des modes de fabrication diamétralement opposés. "Sur un plan purement artistique, l'animation et le documentaire ont des modes de fabrication totalement opposés. Le documentaire prend forme dans la salle de montage, en se nourrissant des heures et des heures d'images, tandis que l'animation doit être planifiée avec précision avant de commencer. Avec un film moitié animation et moitié documentaire, le processus du montage peut en outre s'avérer très douloureux et difficile parce qu'il faut trouver la structure et le rythme alors que manque la moitié du matériel".
Œil réaliste, touche fantastique
Présente également à la table ronde, la réalisatrice Camille Authouart est revenue sur son court métrage La grande Arche (photo), sélectionné cette année dans la compétition officielle. Ayant comme toile de fond le quartier de la Défense, ou vivait sa grand-mère, sa fameuse Grande Arche et ses sculptures monumentales, son film propose de les redécouvrir avec un œil nouveau, mais néanmoins réaliste, l’animation conférant une touche un peu fantastique à l’ensemble. Un choix qui fut opéré a posteriori puisqu’elle pensait au tout départ réaliser son film en prises de vues réelles. Ayant commencé par remplir un carnet de croquis elle a fini par imaginer en faire une œuvre animée. Opter pour l’animation lui a permis de faire un docu-fiction prenant la forme d’une fable poétique.
Patrice Carré
© crédit photo : Miyu
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