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Cinéma

Congrès FNCF 2023 – Rafael Maestro : "L’accès aux films est notre première préoccupation"

Date de publication : 19/09/2023 - 08:05

Pour son premier Congrès en tant que président de la commission de branche de la petite exploitation de la FNCF, Rafael Maestro expose sa vision des spécificités de la branche et les défis auxquels elle est aujourd’hui confrontée, tout en prenant position sur quelques sujets phares du moment, réforme de l’art et essai en tête.

Vous avez été élu, en juin, président de la commission de branche de la petite exploitation. Pour quelles raisons vous êtes-vous présenté et avec quelle feuille de route ?
Je siège à la commission de branche de la petite exploitation depuis près de sept ans, en tant que représentant du Syndicat des Exploitants du Centre-Sud. Je connaissais donc bien le rôle et l’importance de la branche, et j’ai souhaité m’investir davantage, avec l’objectif de travailler collectivement aux enjeux spécifiques de nos cinémas. Ma feuille de route est simple et repose sur quatre piliers. D’abord, l’accès aux films est la clé de voute de notre profession, et donc notre première préoccupation. Même si une expérience a déjà été mise en place sur ce sujet, la création d’un espace de discussion avec nos partenaires distributeurs pourrait contribuer à faciliter ces relations. Ensuite, les enjeux actuels liés à l’énergie sont primordiaux. Nous devons ainsi inciter nos collègues à adhérer au mieux à la charte de la FNCF relative à la sobriété. Par ailleurs, la recherche de financements liés au renouvellement de nos matériels de projection est une véritable nécessité. Le dialogue avec les collectivités régionales peut aboutir à des apports significatifs, à l’image de ma région, la Nouvelle-Aquitaine, qui a mis en place une aide de 20% dans son dernier règlement d’intervention, ou du Grand Est, sur des volumes encore plus significatifs. Enfin, fort de ma participation à la commission "attractivité" de la FNCF, je souhaite contribuer au développement de la formation professionnelle continue.
 
La petite exploitation a, au cours des trois années marquées par la crise sanitaire, mieux résisté que les deux autres branches au recul de la fréquentation. Comment se place-t-elle en cette année 2023 aux résultats nationaux bien meilleurs (+28%) par rapport à 2022 mais toujours en retrait (-9%) vis-à-vis des niveaux pré-pandémiques ?
Les derniers chiffres du baromètre de la FNCF font apparaitre, pour la petite exploitation, une baisse de 7 % par rapport à 2019, un résultat encourageant au vu de l’évolution du marché global (-10,5% sur la même période, Ndlr). La fréquentation des deux derniers mois est par ailleurs à la hausse dans l’ensemble des établissements de la branche. La bonne tenue de la petite exploitation pendant cette période post-covid peut s’expliquer sans doute par la proximité des cinémas et de leurs spectateurs, qui contribue à retisser plus facilement les liens entre la salle et son public. Mais aussi par l’abondance de films de la diversité, laquelle a favorisé les salles art et essai et celles de la petite exploitation qui, traditionnellement, assurent leur diffusion. Avec 1 603 cinémas (soit 77 % du parc français) ayant enregistré 30 millions d’entrées en 2022, la petite exploitation est un élément essentiel du maillage cinématographique exceptionnel du territoire. Elle demeure par nature la branche représentant la plus grande diversité, qu’il s’agisse des structures juridiques ou des programmations proposées. Pour autant, quelle que soit la nature de nos structures, la réalité de nos quotidiens et celle des problèmes que nous devons affronter sont bien plus fortes que des oppositions factices parfois mises en exergue. Notons également une mutation de fonds : l’évolution des générations d’exploitants a conduit les collectivités à prendre en charge la survie de nombreux lieux. Après avoir réalisé des investissements conséquents, les obligations de mise en concurrence des marchés publics conduisent ces collectivités à organiser des DSP où les exploitants privés se montrent très efficaces.
 
Quelles sont vos attentes – et vos craintes – autour de la proche réforme du classement art et essai, finalement bien plus profonde qu’initialement annoncée ?
Le principal enjeu est celui de la reconnaissance du travail de diffusion accompli par les cinémas en faveur des films les plus fragiles. Mais, aussi, la prise en compte de la dimension territoriale de ce travail. Ce classement se traduit par l’accès à l’enveloppe dévolue par le CNC : avec 18 M€, stable depuis plusieurs années, c’est un effort considérable du Centre. Observons d’ailleurs les résultats de la dernière commission de classement. Sur les 1 281 salles classées, les 10% qui réalisent le travail le plus exigeant ont perçu 40 % de l’enveloppe, soit 7 M€, et ont accueilli 8 millions de spectateurs sur les films recommandés. En parallèle, 11 M€ ont été répartis entre les 1 153 autres salles classées, où les titres art et essai ont été vus par 10 millions de spectateurs. Ces données montrent que la précédente réforme a abouti à un équilibre pertinent, qui, tout en valorisant le travail des cinémas à la programmation la plus exigeante, reconnait la qualité de diffusion en profondeur de l’ensemble des autres salles classées. L’enjeu du classement art et essai consiste donc, comme l’a déjà indiqué l’Afcae, à maintenir ce subtil équilibre entre les salles qui effectuent le travail le plus exigeant sur les films recommandés et les cinémas dont le rôle social d’accès à ces œuvres sur l’ensemble du territoire est avéré, notamment par le remarquable travail d’animation dont ils font preuve. En résumé, il ne faudrait pas sacrifier cet équilibre au nom d’un élitisme culturel.

Le fonds jeunes cinéphiles a été mis à l’arrêt cette année, les sommes provisionnées non distribuées dans le cadre de ce dispositif ayant été "redéployées" sur l’enveloppe art et essai afin que celle-ci puisse justement être maintenue à 18M€. Que vous inspire cette "mise en sommeil" ?
La mise en place du fonds jeunes cinéphiles, initié par François Aymé et l’Afcae, a été un succès. Ce fonds a mobilisé un nombre important de cinémas, qui ont investi en ressources humaines, en actions, en communication. Il participait de la nécessaire relance post-pandémique, au même titre que le déploiement des postes de médiateurs ou de l’appel à projet 15-25 ans. Certes, sa mise en sommeil représente une économie. Cependant, pour relancer la fréquentation, il faut de l’élan et du temps.
 
Vous évoquiez, parmi les piliers de votre feuille de route, la question de l’accès aux films, point de vigilance historique au sein de la petite exploitation. Qu’en est-il pour ce premier exercice annuel post-Covid ?
Nous devons assurer la fluidité de l’accès aux films, en tenant compte des contraintes de toutes les branches et en rappelant les règles imposées par la chronologie des médias. La petite exploitation accorde une attention fondamentale à assurer la diversité des œuvres exposées. Cela ne doit pas, pour autant, se faire au détriment de l’accès aux films qui assurent son équilibre économique. Par ailleurs, la petite exploitation n’a pas vocation à jouer un rôle de "faire valoir" dans les plans de diffusion où, par un accès tardif aux œuvres, la durée d’exploitation apparaitrait, artificiellement, prolongée. Les temps ont changé, plus que jamais nous devons repenser collectivement la façon de promouvoir et diffuser les films en salle, afin que le cinéma développe son attractivité et renouvelle ses publics.

Propos recueillis par Kevin Bertrand
© crédit photo : DR


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