Cinéma

Congrès FNCF 2023 – Cédric Aubry : "La dégradation de nos trésoreries demeure le sujet d’inquiétude le plus alarmant dans la moyenne exploitation"

Date de publication : 19/09/2023 - 08:10

Le président de la commission de branche de la moyenne exploitation partage ses inquiétudes sur la fragilité de ses membres dans un contexte de hausse des charges - dont l'énergie - et d'inflation, tout en s'exprimant sur la transition écologique et la réforme du classement art et essai, entre autres.

Comment la moyenne exploitation se situe-t-elle par rapport à l’évolution de la fréquentation nationale, en repli de 9% par rapport aux années pré-Covid mais en progression de 28% vis-à-vis de 2022 ?
Nous constatons des écarts assez hétérogènes pour les exploitations de la branche. Les plus chanceux approchent effectivement les -9% par rapport à la période pré-pandémique, mais nous sommes pour la plupart plus proches des -20 %. Il ne faut pas oublier que le périmètre de salles a nettement évolué depuis la Covid. Les chiffres macro-économiques, très encourageants, masquent donc des situations individuelles beaucoup plus mitigées.
 
"L'année 2022 marque une forte dégradation de nos trésoreries", nous aviez-vous déclaré l’an dernier. Dans quelle situation celles-ci se trouvent-elles aujourd’hui, alors que la fréquentation s’est nettement améliorée en 2023 ?
Malheureusement, la dégradation de nos trésoreries demeure le sujet d’inquiétude le plus alarmant dans la moyenne exploitation. D’un côté, le remboursement des PGE alourdit terriblement les charges financières. De l’autre, l’inflation galopante nous a rattrapé : en raison du coût de l’énergie, en premier lieu, mais aussi de la hausse de toutes nos charges. Le rebond de la fréquentation attendu n’a donc pas d’effet sur nos lignes de trésorerie, et nombre d’exploitants ont vu leur situation se dégrader fortement.
 
Deux cinémas de la moyenne exploitation, le Ciné Pince-Vent de Chennevières-sur-Marnerepris en août par Megarama – et le Buxy de Boussy-Saint-Antoine, ont été contraints de fermer leurs portes ces derniers mois pour des raisons financières. S’agit-il selon vous de cas isolés ou les premiers d’une – plus ou moins – longue série ?
Les exploitants privés indépendants sont dans une situation de stress constant. Les salles les plus fragiles sont clairement en difficultés. Les arbitrages sont donc très complexes pour les chefs d’entreprise : moins de marge de manœuvre pour recruter dans le meilleur des cas, mise en vente contrainte pour certains et, donc, passage par la case tribunal dans les cas les plus extrêmes. La concentration guette plus que jamais notre secteur, au détriment inévitablement de la moyenne exploitation et, donc, de la diversité.
 
L’an dernier, le coût de l’énergie et la nécessaire transition écologique des salles avaient concentré une bonne part de l’intervention de Sylvie Jaillet, rapporteure de la branche de la moyenne exploitation, lors du Forum de discussion. Comment ce dossier a-t-il depuis évolué ?
Le coût de l’énergie constitue cette année encore une très forte préoccupation pour nos collègues. Les conséquences de la crise énergétique font basculer certaines exploitations dans le rouge. L’idée, simpliste, d’augmenter les prix pour passer le cap se heurte à une réalité de terrain pour nos catégories de salles. Le pouvoir d’achat est la première préoccupation des Français. Au cœur des territoires, dans les petites villes dans lesquelles nos cinémas sont implantés pour la plupart, il n’est pas possible de répercuter totalement cette hausse, qui devrait être de plus de 2€ pour couvrir cette inflation ! C’est assurément pour les salles de notre branche que le ratio ticket moyen/prix de l’énergie s’est le plus dégradé. Le constat est sans équivoque : le coût de l’énergie impacte plus fortement la moyenne exploitation. Cela induit de fait des difficultés pour opérer des investissements indispensables à la transition écologique. De surcroît, la hausse des taux d’intérêt devient un frein à l’investissement. Le dossier est sur la table à la FNCF, et nous travaillons à trouver des accompagnements pour cette transition, mais les marges de manœuvre des entreprises de la moyenne exploitation en termes d’investissement sont de plus en plus limitées.
 
Le classement art et essai devrait, d’ici à la fin de l’année peut-être, faire l’objet d’une importante réforme. Comment la branche se positionne-t-elle sur ce sujet ?
Avec la plus grande vigilance, puisque les derniers ajustements et réformes – les engagements de programmation ou l’art et essai – se sont toujours fait au détriment de la moyenne exploitation. Il est donc hors de question que la prochaine réforme se fasse, une fois encore, à nos dépens. Les salles de la moyenne exploitation sont la définition même de ce qu’est une exploitation indépendante. Elle dépend en grande partie des ressources liées à son rapport à ses spectateurs. Nous arbitrons tels des chefs d’entreprise responsables, en fonction des entrées que nous réalisons. Le travail effectué afin de faire vivre la diversité au cœur des villes moyennes doit être accompagné à sa juste valeur. Les entrées art et essai réalisées dans nos salles sont souvent très conséquentes, et il convient à mon sens de mieux les prendre en compte dans le classement. J’interroge donc le CNC sur sa vision de la diffusion des œuvres recommandées art et essai dans les villes moyennes. Il me semble essentiel de ne pas casser ce lien avec la population dans ces communes. Si le classement devenait trop restrictif pour nos exploitations, la diversité de programmation au cœur des territoires aurait beaucoup à perdre.

Propos recueillis par Kevin Bertrand
© crédit photo : DR


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