Lumière MIFC 2023 - Carlotta Films : 25 ans et plus de 1 000 films édités et distribués
Date de publication : 17/10/2023 - 08:20
Comme la structure spécialisée dans le cinéma classique et de patrimoine souffle ses 25 bougies cette année, entretien avec son fondateur et dirigeant, Vincent Paul-Boncour, pour revenir sur son parcours, ses enjeux, mais aussi la relation singulière entretenue avec le Festival Lumière de Lyon.
Que retenez-vous de ces 25 années depuis la création de Carlotta ?
Tant de choses. La soif de découverte permanente, toujours aussi intacte, de découvrir et montrer l’histoire du cinéma, sous toutes ses formes, nationalités. Etant les premiers spectateurs des films dont on acquière les droits, je retiens surtout l’envie de faire (re)découvrir des œuvres, des filmographies que l’on aime et que l’on veut défendre, transmettre et partager, avec les professionnels comme avec le public. Avec cet anniversaire - un quart de siècle ! –, on réalise le chemin parcouru : plus de mille films distribués et édités, tant en salles qu’en vidéo physique, VàD, télévision, festivals ou rétrospectives…
Comment avez-vous vu évoluer le cinéma classique en France durant de ces 25 ans ?
Lorsque Carlotta Films a été créée, Le cinéma classique était déjà très présent dans les salles françaises. On se situe dans la lignée de distributeurs historiques dans ce domaine, avec Les Acacias, Théâtre du Temple, Connaissance du Cinéma ou Les Grands Films Classiques, pour ne citer qu’eux. Le passage au numérique fut effectivement un tournant. Pas tant au niveau de la diffusion, mais surtout dans le domaine de la restauration, qui s’est développée de manière exponentielle. Quasiment tous les pays du monde restaurent des films de nos jours. On le doit à la prise de conscience de beaucoup d’ayants-droits vis-à-vis de leur propre patrimoine, l’envie de le préserver mais aussi de le diffuser. Ainsi, à l’instar des films nouveaux, l’actualité du cinéma classique s’est incroyablement accélérée, avec certes - et c’est formidable -, une diversité énorme, mais qui engendre aussi une profusion d’offre par rapport à un public qui n’est pas extensible, et ne peut tout absorber.
En 2020, vous avez activement accompagné l’Appel des 85, visant à soutenir l’édition en vidéo physique, trois ans après, quel constat faites-vous sur ce domaine ?
Pendant la pandémie, cet Appel des 25, puis des 50, puis 70, puis, enfin, 85, était destiné à sensibiliser à la fois la profession et le public sur l’importance du support vidéo physique : ses enjeux, ses publics, son marché - bien existant, même si en décroissance d’année en année. Le support physique représente toujours un poids économique et culturel important, avec des publics variés, et qui assurent donc la pérennité des œuvres, leur diversité et leur préservation. On annonce la mort de la vidéo depuis 10 ans. Mais sont arrivés le Blu-ray puis l’UHD 4K, et de nouveaux publics se sont créés. Les Français restent friands de beaux coffrets, de belles éditons, d’œuvres que l’on garde, l’on prête, l’on préserve – à l’inverse du jetable ou de l’éphémère.
Quel bilan tirez-vous du Vidéo Club Carlotta, plateforme maison lancée juste avant que la pandémie ne frappe pour valoriser votre catalogue en ligne ?
Le Vidéo Club de Carlotta Films a été lancé en mars 2020, hasard du calendrier, en plein premier confinement. Avec un bel accueil, d’autant plus vu le contexte. On a dû atteindre un pic de 1 000 abonnés, ce qui n’était pas déjà assez satisfaisant. Depuis, nous sommes dans les 500 abonnés, ce qui n’est rien. A mon sens, la VàD et la VàDA pour le patrimoine cinématographique est un échec en France, et nous tous, éditeurs, en sommes responsables. Nous aurions pu bénéficier d’une synergie et d’une collaboration de tous les ayants-droits, des plus petits aux plus grands, des indépendants aux "majors", pour créer une plateforme commune, éditorialisée, proposant des milliers de titres. Aujourd’hui il est trop tard. Le public sur Internet s’est habitué au gratuit, de manière légale ou – malheureusement - trop souvent illégale. Si peu d’actions efficaces ont été menées contre le piratage en France. Même si des plateformes indépendantes vertueuses existent et font un beau travail, le public ne semble pas là, ou pas assez, contrairement à la salle, la vidéo physique ou la TV. Mais nous continuons le Vidéo Club, qui est aussi une vitrine de l’actualité Carlotta. Nous gardons aussi cette présence pour participer au développement de l’offre légale en ligne. Et peut-être qu’un jour, cela paiera.
Quelle est votre actualité au Festival Lumière 2023, qui s’est ouvert ce samedi 14 octobre ?
Notre actualité à Lyon est forte, comme souvent, et cela depuis la création du Festival. Nous travaillons avec L’Institut Lumière depuis le tout début de notre activité - l’Institut avait sorti, en national sur Lyon, La mort aux trousses, notre première réédition, dans leur toute nouvelle salle du Hangar. C’est donc une belle collaboration et une longue histoire d’amitié se perpétuent.
Cette année, la rétrospective Ozu en six films rares ou inédits, sera lancée au Festival en avant-première, avant une réédition en salle à partir du 25 octobre. Nous présenterons aussi notre travail sur le catalogue de Wim Wenders, avec la sortie en vidéo de presque tous ses films. Un travail de longue haleine, sur plusieurs années, inauguré au Festival Lumière avec Les ailes du désir - en très belle édition CUC, et en UHD pour la première fois en France - ; L’ami américain et le coffret La Trilogie de la route. Superbement restaurés en 4K par la Fondation Wim Wenders, quasiment tous ces classiques connus ou méconnus du cinéaste ne sont en fait jamais sortis en blu-ray en France. Et nous accompagnons aussi à Lumière La trilogie d’Apu, sommet de Satyajit Ray. Ici encore un projet de longue haleine destiné à le sortir et le montrer enfin en France dans une version restaurée 4K. Nous nous sommes associés avec Les Acacias pour le distribuer et l’éditer ensemble.
L’une des actualités fortes en salle de Carlotta cette année reste l’Evènement Ozu, qui prolonge, en deux parties, le travail de réédition du maître nippon, quels en sont les enjeux pour vous ?
Carlotta Films travaille l’œuvre d’Ozu depuis plus de 20 ans, avec des actualités régulières : nouvelles restaurations, dates anniversaire, films inédits, rétrospectives. Yasujirō Ozu est devenu le cinéaste japonais référé des cinéphiles français, et représente bien l’ADN de Carlotta depuis sa création. Pour les 120 ans du cinéaste et les 60 ans de sa disparition, les studios japonais Shochiku et Toho, ont restaurés six de ses films, des œuvres rares, invisibles depuis longtemps, et pour certains carrément inédites en France. C’est là ce nouvel Evènement Ozu que nous proposons, en laissant la primeur totale à la salle, puisque ces films seront lancés en vidéo cinq à six mois après - soit plus bien plus tard que ce que prévoit la chronologie des médias actuelles. Cela, pour fêter et célébrer Ozu d’abord sur grand écran, comme il se doit, mais aussi pour prouver l’attachement que nous avons à la salle.
Vous éditez cette année en salle un programme jeune public, Contes et silhouettes, regroupant quatre courts de Lotte Reiniger, est-ce là une volonté de reforcer cette diversification éditoriale chez Carlotta ?
Cette sortie d’un programme de courts métrages de Lotte Reiniger correspond juste à l’une des thématiques développées par Carlotta Films depuis sa création : un travail à destination du jeune public et des scolaires, avec des sorties de films pour toutes et tous. Quelques exemples : Voyage au centre de la Terre, La flèche et le flambeau, La flibustière des Antilles, Brisby et le secret de NIMH, ou encore les films de Jacques Tati, d’Harold Lloyd… Sans oublier Les aventures du Prince Ahmed, le seul long-métrage de Lotte Reiniger, que nous avons sorti il y a plus de 10 ans. Bref, ce programme de courts s’inscrit, à plus d’un titre, dans une continuité de notre travail depuis 25 ans !
Tant de choses. La soif de découverte permanente, toujours aussi intacte, de découvrir et montrer l’histoire du cinéma, sous toutes ses formes, nationalités. Etant les premiers spectateurs des films dont on acquière les droits, je retiens surtout l’envie de faire (re)découvrir des œuvres, des filmographies que l’on aime et que l’on veut défendre, transmettre et partager, avec les professionnels comme avec le public. Avec cet anniversaire - un quart de siècle ! –, on réalise le chemin parcouru : plus de mille films distribués et édités, tant en salles qu’en vidéo physique, VàD, télévision, festivals ou rétrospectives…
Comment avez-vous vu évoluer le cinéma classique en France durant de ces 25 ans ?
Lorsque Carlotta Films a été créée, Le cinéma classique était déjà très présent dans les salles françaises. On se situe dans la lignée de distributeurs historiques dans ce domaine, avec Les Acacias, Théâtre du Temple, Connaissance du Cinéma ou Les Grands Films Classiques, pour ne citer qu’eux. Le passage au numérique fut effectivement un tournant. Pas tant au niveau de la diffusion, mais surtout dans le domaine de la restauration, qui s’est développée de manière exponentielle. Quasiment tous les pays du monde restaurent des films de nos jours. On le doit à la prise de conscience de beaucoup d’ayants-droits vis-à-vis de leur propre patrimoine, l’envie de le préserver mais aussi de le diffuser. Ainsi, à l’instar des films nouveaux, l’actualité du cinéma classique s’est incroyablement accélérée, avec certes - et c’est formidable -, une diversité énorme, mais qui engendre aussi une profusion d’offre par rapport à un public qui n’est pas extensible, et ne peut tout absorber.
En 2020, vous avez activement accompagné l’Appel des 85, visant à soutenir l’édition en vidéo physique, trois ans après, quel constat faites-vous sur ce domaine ?
Pendant la pandémie, cet Appel des 25, puis des 50, puis 70, puis, enfin, 85, était destiné à sensibiliser à la fois la profession et le public sur l’importance du support vidéo physique : ses enjeux, ses publics, son marché - bien existant, même si en décroissance d’année en année. Le support physique représente toujours un poids économique et culturel important, avec des publics variés, et qui assurent donc la pérennité des œuvres, leur diversité et leur préservation. On annonce la mort de la vidéo depuis 10 ans. Mais sont arrivés le Blu-ray puis l’UHD 4K, et de nouveaux publics se sont créés. Les Français restent friands de beaux coffrets, de belles éditons, d’œuvres que l’on garde, l’on prête, l’on préserve – à l’inverse du jetable ou de l’éphémère.
Quel bilan tirez-vous du Vidéo Club Carlotta, plateforme maison lancée juste avant que la pandémie ne frappe pour valoriser votre catalogue en ligne ?
Le Vidéo Club de Carlotta Films a été lancé en mars 2020, hasard du calendrier, en plein premier confinement. Avec un bel accueil, d’autant plus vu le contexte. On a dû atteindre un pic de 1 000 abonnés, ce qui n’était pas déjà assez satisfaisant. Depuis, nous sommes dans les 500 abonnés, ce qui n’est rien. A mon sens, la VàD et la VàDA pour le patrimoine cinématographique est un échec en France, et nous tous, éditeurs, en sommes responsables. Nous aurions pu bénéficier d’une synergie et d’une collaboration de tous les ayants-droits, des plus petits aux plus grands, des indépendants aux "majors", pour créer une plateforme commune, éditorialisée, proposant des milliers de titres. Aujourd’hui il est trop tard. Le public sur Internet s’est habitué au gratuit, de manière légale ou – malheureusement - trop souvent illégale. Si peu d’actions efficaces ont été menées contre le piratage en France. Même si des plateformes indépendantes vertueuses existent et font un beau travail, le public ne semble pas là, ou pas assez, contrairement à la salle, la vidéo physique ou la TV. Mais nous continuons le Vidéo Club, qui est aussi une vitrine de l’actualité Carlotta. Nous gardons aussi cette présence pour participer au développement de l’offre légale en ligne. Et peut-être qu’un jour, cela paiera.
Quelle est votre actualité au Festival Lumière 2023, qui s’est ouvert ce samedi 14 octobre ?
Notre actualité à Lyon est forte, comme souvent, et cela depuis la création du Festival. Nous travaillons avec L’Institut Lumière depuis le tout début de notre activité - l’Institut avait sorti, en national sur Lyon, La mort aux trousses, notre première réédition, dans leur toute nouvelle salle du Hangar. C’est donc une belle collaboration et une longue histoire d’amitié se perpétuent.
Cette année, la rétrospective Ozu en six films rares ou inédits, sera lancée au Festival en avant-première, avant une réédition en salle à partir du 25 octobre. Nous présenterons aussi notre travail sur le catalogue de Wim Wenders, avec la sortie en vidéo de presque tous ses films. Un travail de longue haleine, sur plusieurs années, inauguré au Festival Lumière avec Les ailes du désir - en très belle édition CUC, et en UHD pour la première fois en France - ; L’ami américain et le coffret La Trilogie de la route. Superbement restaurés en 4K par la Fondation Wim Wenders, quasiment tous ces classiques connus ou méconnus du cinéaste ne sont en fait jamais sortis en blu-ray en France. Et nous accompagnons aussi à Lumière La trilogie d’Apu, sommet de Satyajit Ray. Ici encore un projet de longue haleine destiné à le sortir et le montrer enfin en France dans une version restaurée 4K. Nous nous sommes associés avec Les Acacias pour le distribuer et l’éditer ensemble.
L’une des actualités fortes en salle de Carlotta cette année reste l’Evènement Ozu, qui prolonge, en deux parties, le travail de réédition du maître nippon, quels en sont les enjeux pour vous ?
Carlotta Films travaille l’œuvre d’Ozu depuis plus de 20 ans, avec des actualités régulières : nouvelles restaurations, dates anniversaire, films inédits, rétrospectives. Yasujirō Ozu est devenu le cinéaste japonais référé des cinéphiles français, et représente bien l’ADN de Carlotta depuis sa création. Pour les 120 ans du cinéaste et les 60 ans de sa disparition, les studios japonais Shochiku et Toho, ont restaurés six de ses films, des œuvres rares, invisibles depuis longtemps, et pour certains carrément inédites en France. C’est là ce nouvel Evènement Ozu que nous proposons, en laissant la primeur totale à la salle, puisque ces films seront lancés en vidéo cinq à six mois après - soit plus bien plus tard que ce que prévoit la chronologie des médias actuelles. Cela, pour fêter et célébrer Ozu d’abord sur grand écran, comme il se doit, mais aussi pour prouver l’attachement que nous avons à la salle.
Vous éditez cette année en salle un programme jeune public, Contes et silhouettes, regroupant quatre courts de Lotte Reiniger, est-ce là une volonté de reforcer cette diversification éditoriale chez Carlotta ?
Cette sortie d’un programme de courts métrages de Lotte Reiniger correspond juste à l’une des thématiques développées par Carlotta Films depuis sa création : un travail à destination du jeune public et des scolaires, avec des sorties de films pour toutes et tous. Quelques exemples : Voyage au centre de la Terre, La flèche et le flambeau, La flibustière des Antilles, Brisby et le secret de NIMH, ou encore les films de Jacques Tati, d’Harold Lloyd… Sans oublier Les aventures du Prince Ahmed, le seul long-métrage de Lotte Reiniger, que nous avons sorti il y a plus de 10 ans. Bref, ce programme de courts s’inscrit, à plus d’un titre, dans une continuité de notre travail depuis 25 ans !
Quels seront les principaux rendez-vous, en salle comme en vidéo, de Carlotta pour 2024 ?
Carlotta Films va continuer son travail éditorial sur des films connus et reconnus, mais aussi beaucoup de films rares, l’exploration de nationalités du monde entier. Avec un gros travail sur le cinéma asiatique. Nous allons évidemment continuer à explorer le cinéma japonais, avec des grands films d’Akira Kurosawa pour la première fois en 4K - des œuvres rares et méconnues. Notre focale s’étendra sur toute l’Asie, explorant les cinémas de Taïwan, Hong Kong – avec une rétrospective Stanley Kwan, le romantisme made in HK -, Les Philippines - avec Lino Brocka -, etc. Nous allons aussi bien-sûr poursuivre notre travail sur le cinéma italien – dont ses westerns - , hongrois, iranien… Mais aussi une des grandes pages de l’histoire du cinéma français, avec l’œuvre cinématographique de Marcel Pagnol, pour le centenaire de sa naissance. En vidéo, nous allons continuer à accompagner Wim Wenders, Yasujirō Ozu, Claude Chabrol, Masahiro Shinoda, Nagisa Ōshima, Jane Campion, Chen Kaige et bien d’autres !
Carlotta Films va continuer son travail éditorial sur des films connus et reconnus, mais aussi beaucoup de films rares, l’exploration de nationalités du monde entier. Avec un gros travail sur le cinéma asiatique. Nous allons évidemment continuer à explorer le cinéma japonais, avec des grands films d’Akira Kurosawa pour la première fois en 4K - des œuvres rares et méconnues. Notre focale s’étendra sur toute l’Asie, explorant les cinémas de Taïwan, Hong Kong – avec une rétrospective Stanley Kwan, le romantisme made in HK -, Les Philippines - avec Lino Brocka -, etc. Nous allons aussi bien-sûr poursuivre notre travail sur le cinéma italien – dont ses westerns - , hongrois, iranien… Mais aussi une des grandes pages de l’histoire du cinéma français, avec l’œuvre cinématographique de Marcel Pagnol, pour le centenaire de sa naissance. En vidéo, nous allons continuer à accompagner Wim Wenders, Yasujirō Ozu, Claude Chabrol, Masahiro Shinoda, Nagisa Ōshima, Jane Campion, Chen Kaige et bien d’autres !
Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : DR
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