Cinéma

Cannes 2024 - Jonathan Millet, réalisateur des "Fantômes " : "Le premier choix c'est de faire un film d'espionnage"

Date de publication : 15/05/2024 - 11:00

Le réalisateur du film d’ouverture de la Semaine de la Critique revient sur la genèse de son long métrage qui raconte la traque de criminels de guerre syriens.

Comment présentez-vous Les fantômes en quelques mots ?
Les Fantômes est un thriller sensoriel. Il s'agit de la traque de criminels de guerre syriens en Europe par une cellule secrète - un groupe d'une dizaine d'exilés - des citoyens ordinaires que rien ne prédestinait à cela.

D’ou est venue cette idée de film ?
Le film poursuit le travail sur l'exil que j'ai pu mettre en place dans mes courts métrages et mes documentaires. Ma boussole est toujours la même, saisir des destins singuliers pour raconter une histoire plus grande. Je travaillais sur la question du trauma chez les réfugiés de guerre. Des semaines durant, je nourris mon écriture de rencontres, de témoignages. Principalement des Syriens à ce moment-là. Et puis je commence à entendre parler de cellules secrètes qui chassent les criminels de guerre. Là je suis complètement emporté et je pressens tout de suite le film à venir.

Comment se sont déroulé les différentes étapes de l’écriture du scénario ?
L'écriture s'est faite en plusieurs étapes. D'abord une année entière de documentation. Puis, j'ai élaboré seul les grandes lignes du film, qui ne bougeront plus jusqu'au bout, en échangeant beaucoup avec la productrice, Pauline Seigland. J'ai travaillé ensuite à l'écriture avec Florence Rochat, qui co-signe le film. Puis le projet a été sélectionné en résidence d'écriture, au Moulin d'Andé et au Groupe Ouest. Une année d'émulation d'écriture avec de nombreux auteurs rencontrés sur place. L'écriture s'est terminée avec Hala Rajab, réalisatrice syrienne qui joue dans le film, comme consultante.

Comment avez-vous travaillé avec vos producteurs des Films Grand Huit ?
Nous travaillons ensemble avec Pauline Seigland depuis 9 ans, au moment de la création de Films Grand Huit. Nous avons fait quatre courts métrages ensemble et travaillons déjà sur le prochain long. Nous nous connaissons donc très bien, nous nous faisons confiance.
Nous avons une relation fusionnelle sur les projets, nous parlons beaucoup, et de tout. De l'artistique, des collaborateurs, des choix de financements. On construit le film ensemble à tous les niveaux.

Quelles étapes particulières pendant le développement du film ?
Nous avons eu la chance d'être soutenus tôt dans le développement par plusieurs organismes/résidences : je pense au Moulin d'Andé, au Groupe Ouest, à CinéMed, à Emergence, aux Ateliers d'Angers, au Prix du Scénario. Tout cela a amené une vraie lumière sur le projet et cela nous a galvanisé pour la suite.

Comment avez-vous choisi vos comédiens ?
Le casting a duré plus d’un an. J’ai rencontré un très grand nombre de comédiens arabophones, dans plus de 15 pays. Et enfin j'ai rencontré Adam Bessa, qui dégage l'intensité que je recherchais, une immédiate intériorité. Il émane de lui une aura de gravité, qui permet de croire qu'il lui est arrivé le pire. Quelque chose pèse sur lui. On ressent, en le regardant immobile, les tourbillons de son esprit troublé. On a peur pour lui, et on a peur de lui, de ce qu'il peut faire. C'est cela que je recherchais pour incarner Hamid.

Ou et quand avez-vous tourné ?
Le film a été tourné à Strasbourg, en Jordanie et en Allemagne. Sur l'été 2023. Nous avons beaucoup tourné dans des décors réels, gorgés de vie (foyers d'exilés et chantiers à Strasbourg, l'immense camp de réfugiés Syriens en Jordanie, etc...). Pour la partie Jordanienne, je connaissais bien les déserts et les quartiers de la ville qui m'intéressaient. Cela nous a conduit à vite opter pour un tournage là-bas, avec une équipe locale très qualifiée.

Avez-vous opéré des choix de mise en scène particuliers ?
Le premier choix c'est d'en faire un film d'espionnage. L’espionnage c'est l'observation de l'autre, et le mensonge sur soi-même. Ce furent les deux ingrédients de l'écriture et de la mise en scène. Et puis le genre espionnage me permet d'amener du cinéma, de l'intensité, des enjeux forts, de la tension. J'ai voulu faire de mes personnages des vrais héros de cinéma. Ensuite, je voulais faire un film porté tout du long par les sens. Filmer l'écoute, le tactile, l'odeur. La mise en scène nous immerge dans l'intériorité du personnage, au cœur de ses doutes et de tous ses ressentis. Cela a été notamment un très long travail de création sonore, de Sound-design, fait de gros plans sonores, d'hyperacuité, de chuchotements, de larsen et de puissance sonore.

Des difficultés particulières sur le tournage ?
Le tournage avait quelques difficultés inhérentes : les trois comédiens principaux qui ne parlent pas la langue dans laquelle ils jouent, la reconstitution de l'hiver et d'un marché de Noël en plein mois de juillet et le tournage sur trois pays.

Quand le film a-t-il été terminé ?
Le film a été définitivement terminé... le 3 mai dernier.

Qu’attendez-vous de cette sélection en ouverture de la Semaine de la Critique ?
C'est d'abord une joie incommensurable pour nous de montrer le film, là, en Ouverture de la Semaine de la Critique. J'ai eu beaucoup de coups de cœur dans les dix dernières années de films découverts par la Semaine et je suis absolument ravi que Les Fantômes puisse faire partie de cette sélection. C'est pour nous aussi une manière de présenter le film au public et à la presse, en prévision de sa sortie le 3 juillet.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : DR


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