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Cinéma

Cannes 2024 - Tyler Taormina réalisateur de "Christmas Eve in Miller's Point" : "Le cinéma m'a permis de capturer une expérience qui ne sera plus éphémère"

Date de publication : 19/05/2024 - 18:11

Présenté à la Quinzaine des Cinéastes, ce conte de Noël a été produit par le collectif Omnes Films, regroupant des cinéastes basés à Los Angeles, qui a également coproduit un autre film de la Quinzaine.

Quelques mots sur votre parcours. Comment avez-vous commencé à réaliser des films ?
J'ai commencé à m’intéresser aux signes dès mon plus jeune âge. Dès huit ans, j'écrivais des scénarios sur des feuilles volantes et je créais des films avec la caméra vidéo familiale. Vers l'âge de douze ans, j'ai réalisé un spectacle de comédie à sketches avec mes cousins, mes frères et mes sœurs. Nous avons réalisé environ cinq épisodes d'une demi-heure que j'ai montés sur Windows Movie Maker et qui ont été diffusés sur une chaîne de télévision publique le lundi à 5h30 du matin. Lorsque j'ai été un peu plus âgé, je me suis perdu dans la musique. Je ne rêvais plus de cinéma ou de télévision. Un jour, au début de la vingtaine, j'ai regardé par la fenêtre et j'ai vu un film entier se dérouler devant moi. C'est à ce moment-là que je suis devenu cinéaste.

Comment décrivez-vous Christmas Eve in Miller's Point ?
C'est comme une boîte remplie d'ornements de Noël faits à la main. Vous en prenez un et il peut vous rappeler toute une série de souvenirs et de sentiments. Puis vous le posez et en regardez un autre, puis un autre. Après avoir fait le tour de la boîte, vous vous rendez compte que toutes ces décorations rassemblées racontent une histoire merveilleuse

L’idée du film vous est-elle venue lors d’un réveillon de Noël particulier ?
Elle vient d’une tradition familiale très ancrée. Ma famille italienne élargie de Long Island organise depuis des décennies un réveillon de Noël semblable à celui du film. Un soir nous nous dirigions vers la maison de ma tante pour le réveillon de Noël, où nous arrivons généralement vers huit ou neuf heures du soir. J’amenais une pile de cadeaux et je regardais ces décorations de Noël que j'avais pourtant vues toute ma vie. Je me suis dit : "Je suis sur le point d'entrer dans cette maison et passer un beau moment avec toutes ces belles personnes. Et puis je vais repartir. Et ce sera fini". Et bien grâce au cinéma, j’ai réussi à capturer cette expérience et elle ne sera plus éphémère.

Vous avez écrit avec Eric Berger. Qui a fait quoi sur le scénario ?
Je ne pourrais pas vous dire qui a fait quoi. C'est dire à quel point Eric et moi sommes liés ! Nous avons écrit le film en faisant à chaque fois des sortes de retraites dans des cabanes en rondins. Nous avons décoré chaque cabane comme si c'était Noël et nous nous sommes plongés dans la psychologie de cette famille, afin de découvrir à la fois leur histoire collective et individuelle. Nous avons défini les grandes lignes du projet et nous nous sommes enfermés dans différentes pièces pour écrire les scènes que nous nous étions attribuées. Eric se concentre plus sur les dialogues. Il fait également preuve de beaucoup de retenue. Qu'il soit béni.

Y a-t-il eu des étapes particulières dans le développement du film ?
Nous avons écrit le film il y a plusieurs années. Mais nous n'étions pas prêts à le réaliser tout de suite. J'ai failli ne jamais le faire car je m’étais m'associé à un moment avec les mauvaises personnes. Mais nous n’avons fait aucun lab, n’avons bénéficié d’aucun soutien de l'industrie.

Vous avez produit votre film via ce collectif Omnes Films, qui a également coproduit Eephus, également sélectionné à la Quinzaine. Comment ce collectif a-t-il vu le jour ?
Omnes est quelque chose de très spécial. C'est le nom que nous avons donné à notre communauté qui, d'une certaine manière, ne cesse de s'agrandir. Nous avons réalisé qu'il est beaucoup plus facile de produire des films à petit budget collectivement qu'individuellement, ou par l'intermédiaire de l'industrie. En particulier pour le type de cinéma que nous défendons, des films qu’on ne voit pas ailleurs. Ce qui est beau, c'est que nous comprenons les impulsions créatives des uns et des autres. Nous nous encourageons mutuellement sur le plan créatif et produisons tous les films ensemble. Nous avons mis au point un système permettant d'alléger la charge de travail afin de maintenir les coûts à un niveau très bas. Il y a trop de façons de gaspiller de l'argent dans les films à petit budget. Nous avons réussi à faire des films ambitieux avec des budgets modestes parce que nous sommes là les uns pour les autres.

Comment avez-vous financé Christmas Eve on Miller's Point ?
Grâce à un fonds d'investissement privé. Je n'ai pas le droit de divulguer le budget, mais je peux dire qu'il est inférieur à 2 M$.

Comment avez-vous choisi vos acteurs ?
Je les choisis toujours sur la même base. S'ils m'illuminent et remplissent mon cœur de joie et de tendresse, je suis partant

Où et quand avez-vous tourné ?
Dans ma ville natale de Long Island, à New York. C'était en février et mars 2023. Nous avons tourné surtout de nuit, et je peux vous assurer que la buée qui sort de la bouche des personnages est réelle. Il était important de tourner à Long Island, car c'est là que se déroule le film. Il s'agit en quelques sortes d'une étude de cet environnement et de ses habitants. Vous ne trouverez ces accents nulle part ailleurs, pas même ce type de train et même de centres commerciaux. Je sais que ce pays en compte beaucoup mais aucun centre commercial ne me déprime autant que ceux de Smithtown.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières pendant le tournage ? 
Le froid nous a certainement pénalisés. Certains soirs, toute la table de régie a gelé, plus rien n'était comestible, le lait était devenu de la glace. A part ces nuits difficiles, je n'ai que de bons souvenirs du plateau. Il y avait tellement de bonne volonté, de rires et de belles personnes avec nous. Il faut dire que l’équipe avait été choisie avec beaucoup de soins, afin que tout soir aussi confortable que possible.

Qu'attendez-vous de cette sélection de la Quinzaine ?
Je ne sais pas exactement quelles sont mes attentes. Je n'ai jamais eu de film dans un festival aussi important. C'est assez surréaliste et j'en suis reconnaissant, même si sur le coup je n’ai pas su qu’en penser. Je crois que c'est le meilleur cadre au monde pour ce film. J'ai rêvé de la Quinzaine pour lui depuis le début.

Comment se porte le cinéma indépendant américain selon vous ?
Les cinéastes américains devraient reconnaître que le niveau a baissé. Il y a beaucoup de gens passionnants dans le cinéma indépendant américain en ce moment, mais j'ai l'impression qu’on devrait plus se stimuler les uns les autres. C’est peut être lié à la technologie. Le montage sur ordinateur et le tournage numérique font que la quantité de sueur que les cinéastes devaient verser pour voir leur travail aboutir a considérablement diminué. Réaliser un film devient presque cool. J'ai entendu dire que François Truffaut pouvait envoyer ses contemporains à l'hôpital en écrivant une mauvaise critique de leur film. Et qu’il était malade de jalousie quand un autre des Cahiers faisait son propre film. Je n’ai pas vraiment le sens de la compétition, mais j’ai quand même l’impression que ça manque de feu dans notre cinéma. Mais en même temps ne vous méprenez pas. Je suis incroyablement inspiré par les cinéastes modernes. Ce qui m'intéresse, c'est d'approfondir ce qui est exploré aujourd'hui.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : DR


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