Cinéma

Annecy 2024 – L'animation française entre croissance et résilience

Date de publication : 12/06/2024 - 08:08

Le bilan du CNC sur l'animation française en 2023 a permis de mettre en lumière le fort dynamisme du secteur côté cinéma et une résistance de la filière côté audiovisuel face à une conjoncture internationale délicate.

En 2023, le secteur de l'animation aura connu des dynamiques différentes entre l'audiovisuel et le cinéma.

Après un cycle bas en production plus prononcé que prévu en 2022 lié à de multiples facteurs (décalage de projets chez TF1, séries plus courtes), 2023 a été une année de rebond pour la production audiovisuelle avec 278 heures d'animation aidées (+25,6%). Le niveau est encore en retrait par rapport à la moyenne décennale (-8,1%). Logiquement le devis cumulé augmente également pour atteindre 238 M€, soit le cinquième plus haut niveau des dernières années. Le coût horaire progresse aussi pour atteindre 856 000 €.

2023 a été marqué par un investissement en hausse chez la majorité des diffuseurs à commencer par France Télévisions, premier commanditaire de très loin avec 29,6 M€ d'engagements (+34,2%) pour 155 heures d'animation. A noter qu'aucun projet n'a été financé par un SMAD en 2023.

Une contraction du marché international

L'activité de prestation en hausse depuis plusieurs années se maintient à un haut niveau. 54 œuvres d'animation agréées au crédit d'impôt international, dont 44 programmes audiovisuels, ont généré des dépenses en France contre 10 œuvres en 2015. Ces dépenses s'établissent à 194 M€, soit le double du niveau de 2019.

Ces projets sont très majoritairement nord-américains (près de 70%). Une dépendance qui pourrait s'avérer périlleuse. En effet, le CNC relève un net ralentissement des commandes des acteurs Outre-Atlantique, notamment des plateformes. Au premier trimestre 2024, les commandes en provenance de ces territoires ont diminué de 67% par rapport au premier trimestre 2022.

La France reste le 4e pays avec le plus de séries commandées (39 entre le T2 2023 et le T1 2024 selon Ampere Analysis) derrière le Japon (226), les Etats-Unis (99), et le Royaume-Uni (48). Malgré la baisse de commandes, Netflix et Disney demeurent les groupes les plus actifs avec 41 et 37 séries commandées.

Cette contraction du marché a également un impact sur l'export de l'animation française qui se fait dépasser par la fiction en 2023. Pour la troisième année consécutive, les ventes de séries animées sont en baisse pour s'établir à 57,6 M€. Une tendance qui s'explique également par la baisse des ventes de droits monde et par les durées d'exclusivité qui restreignent la disponibilité des droits.

La fragmentation de la consommation se poursuit

En 2023, 10 331 heures d’animation ont été diffusées sur les chaînes nationales en 2023 (hors France 4, qui n'est plus mesurée par Médiamétrie depuis 2022). Un chiffre stable par rapport à 2022 et en retrait de 10,2 % vis-à-vis de 2019 (-18,4% pour les chaînes TNT).

S'il est encore trop pour dire s'il s'agit d'une tendance de fond, le nombre de nouvelles séries françaises lancées à la télévision a sensiblement baissé en 2023 (9 contre 17 en moyenne entre 17 sur la période 2019-2023). Le nombre de créations originales est également très faible (2).

Le CNC souligne la transformation des usages qui s'accélère notamment chez les enfants, principale cible d'animation. La durée d'écoute globale pour les 4-14 ans est passé de 1h28 en 2019 à 58 minutes en 2023.

En parallèle, plus de la moitié de ces enfants (55%) ont regardé des dessins animés en replay chaque mois. La plateforme Okoo totalise 507 millions de vidéos vues entre janvier et novembre 2023, soit une hausse annuelle de 10%. Le succès des services Avod comme YouTube, les chaînes FAST et des services de VàDA illustrent bien ce transfert d'audience.

Un cinéma d'animation record

Côté cinéma, tous les voyants semblent au vert. La production est notamment au beau fixe. Depuis 2019, le seuil de 10 productions agréées est systématiquement atteint. En 2023, le CNC en recense 18, dont 12 films d'initiative française. Un record. Le tout avec une grande diversité de projets en termes de devis, de techniques d'animation et de publics visés.

Marcel et Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet (en photo) est le film d'initiative français agréé avec le devis le plus élevé en 2023 avec 16,83 M€. Un long métrage d'animation a un coût moyen de 10,1 M€ entre 2014 et 2023, soit le double qu'une œuvre de fiction. L'animation demeure également le seul genre avec des coûts définitifs supérieurs au devis (+7%). Autre spécificité du genre : le recours à la coproduction. 70,4% des films français ont des partenaires étrangers entre 2004 et 2023 avec la Belgique (58 coproductions) et le Luxembourg (32) en têtes d'affiche.

Canal+ est le principal diffuseur partenaire ayant pris part à 43 films d'initiative française entre 2014 et 2023.

Retour en force de la fréquentation

En 2023, 59 films d'animation inédits ont fait l'objet d'une sortie en salles en France. Un record porté par un retour remarqué des productions américaines (12, soit le même niveau que la période 2017-2019). Les titres français (14) et japonais (13) sont également nombreux.

Ces longs métrages ont généré 29,7 millions d'entrées en 2023, soit une hausse de 1,1% par rapport à 2017-2019, pour 212,8 M€ de recettes (+18,2%). Cette dynamique s'explique par les productions américaines qui concentrent 68,5% des entrées. Super Mario Bros. le film a été le plus gros succès du box-office de l'année avec 7,25 millions d'entrées. L'animation française n'est pas en reste à l'image de Miraculous le film (1,65 million d'entrées).

Le succès du film est également perceptible à l'international. Il permet grandement à l'animation française de totaliser 11,01 millions d'entrées à l'étranger en 2023. Un tel niveau n'avait plus été atteint depuis 2017.

Emploi : Des signes de ralentissement du marché

En 2022, le nombre de structures actives avait sensiblement augmenter pour s'établir à 192, soit 10 de plus qu'en 2021 et une hausse de 34,3% par rapport à 2013. Par ailleurs, ces entreprises avaient gagné en envergure. Audiens recensait 29 entreprises avec une masse salariale supérieure à 2 M€ en 2022 contre 10 en 2013.

Le nombre de salariés a également augmenté pour s'établir à 10 172 en 2022, soit des effectifs trois fois supérieurs en nombre par rapport à 2004 et une masse salariale multipliée par 5,5 (275,3 M€ contre 50,1 M€ en 2022).

La décentralisation du secteur se poursuit. 58% des établissements sont implantés en Ile-de-France contre 65% en 2013. La féminisation du secteur progresse également, avec 4 327 femmes salariées, soit 42,5% des effectifs (+10,6 points vs 2013).

Malgré ces chiffres encourageants, des signaux alertent d'une possible évolution du secteur. Sur l’ensemble des entreprises du secteur de la production de films d’animation, le CNC note depuis avril 2023 une tendance à la baisse de l’emploi (7 724 en mars 2024 vs. 8 639 salariés en mars 2023.)

Florian Krieg
© crédit photo : What The Prod - ON Classics


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