Cinéma

Annecy 2024 - Rencontre avec Yôko Kuno et Nobuhiro Yamashita, coréalisateurs de "Anzu, chat-fantôme"

Date de publication : 13/06/2024 - 08:21

Les deux coréalisateurs du film, présenté en compétition à Annecy après être passé par la Quinzaine des cinéastes à Cannes, racontent la fabrication d’un film qui détonne dans l’univers de l’animation japonaise.

Adapté du manga de Takashi Mashiro, Anzu, chat-fantôme suit Karin, confiée à son grand-père, un moine qui cohabite dans un temple en pleine campagne avec Anzu, un chat-fantôme de 37 ans à taille humaine, aussi ingénieux que sarcastique. La rencontre avec Karin va faire des étincelles. Le film a été coréalisé par Yôko Kuno et Nobuhiro Yamashita, ce dernier se chargeant des prises de vues réelles à partir desquelles a été réalisée l’animation.

Née en 1990, Yôko Kuno s’est formée à l’Université des beaux-arts Tama. Son film d’étude, Airy Me, remporte de nombreux prix.  Ayant travaillé comme directrice de l’animation en rotoscopie, elle est aujourd’hui considérée comme l’une des figures de l’animation contemporaine. Elle est également créatrice de manga. Quant à Nobuhiro Yamashita, né en 1976 c’est un réalisateur très populaire au Japon, comparé à ses débuts Aki Kaurismäki et Jim Jarmusch pour ses personnages de vagabonds à la dérive. Linda Linda Linda, son premier film tourné en 35mm, est un succès populaire. Malgré les contraintes de l’industrie, il ne renonce pas pour autant au ton et au regard qui font de lui un cinéaste singulier.

Rencontre avec les deux cinéastes

Qui a eu la première idée de ce film, de cette adaptation ?
Nobuhiro Yamashita
Alors, c'est plutôt moi qui ai eu l'idée d'adapter l’oeuvre originale de Takashi Mashiro. En fait, je connais très bien le producteur Keiichi Kondo, parce que nous travaillons ensemble depuis longtemps. Je lui ai dit il y a très longtemps que j'aimais beaucoup ce manga, mais en réalité, je ne me souviens pas très bien dans quel contexte j'ai dit ça.

Quelles étaient les difficultés pour adapter ce manga de Takashi Mashiro ?
Yôko Kuno
La plus grande difficulté a été de trouver une bonne manière d'adapter, car ce manga n’était absolument pas fait pour devenir un film de long-métrage. Il est constitué de sketchs avec personnage, de Gros Chat. Il fallait ajouter des choses et inventer. L'écriture du scénario a été l’étape la plus difficile.
Nobuhiro Yamashita
Le manga est constitué de petites histoires, très courtes. Ca ne fonctionnait pas en long-métrage. Nous avons donc inventé le personnage de Karin qui n'existe pas dans le manga original afin de créer une histoire correspondant au format du long-métrage.

Yôko Kuno vous êtes une grande spécialiste de la rotoscopie. Pourquoi avoir choisi cette technique ?
Yôko Kuno
Je suis pas particulièrement spécialisée dans la rotoscopie, c’est juste que comme il y a très peu de réalisateurs qui travaillent avec cette technique au Japon, que je suis considérée comme une spécialiste de la rotoscopie. Mais moi je voulais vraiment garder le côté prise de vue réelle du travail de Yamashita. Et pour cela la rotoscopie était évidemment la technique idéale.

Le Japon est autosuffisant pour produire ses films d'animation. Comment avez-vous été amené à travailler avec des Français ?
Yôko Kuno
Même s'il y a beaucoup de films d'animation qui sont produits au Japon, la plupart sont des adaptations de mangas qui cartonnent. Il y a vraiment des genres à la mode. Et donc pour un film un peu singulier comme le nôtre, il très difficile de trouver le financement. Parce que c'est un film dans lequel il ne se passe pas grand-chose en fin de compte. C'est un film, disons, bucolique. Et donc on était un peu dans une impasse. Et c'est là que j'ai rencontré l'équipe de Miyu, donc Emmanuel-Alain et Pierre. Sans eux, je pense qu'on n'aurait pas pu faire ce film.

Il y a sans doute une grande différence de culture, de langue, et puis sans doute aussi de façon de travailler. Qu'est-ce qui a été difficile au départ ?
Nobuhiro Yamashita
La direction artistique a été assurée par Julien De Man, un français qui a fait tous les décors du Japon. Et moi je me suis occupé de toutes les prises de vues réelles. Donc je n’ai pas directement travaillé avec les équipes françaises, c’est plutôt Yôko qui était en contact avec eux.
Yôko Kuno
Moi je recevais les rough dessinés par Julien. Et à chaque fois c’était vraiment extraordinaire. J’ai beaucoup aimé sa sensibilité. Évidemment, quand on regarde les détails, il y a une différence de culture et de méthode de travail. Mais en fait, je ne le ressentais pas vraiment parce que le plaisir était vraiment grand. Et globalement, cela s'est tellement bien passé. Et c'est un sentiment partagé avec Yamashita aussi.

Est-ce que le film aurait été différent s'il avait été produit 100% au Japon ?
Yôko Kuno
Rien que sur le décor, je pense que cela aurait été très différent si l'équipe avait été entièrement japonaise. Dans le décor, on voit un style français en tout cas celui de l'équipe de Julien. Au Japon on peut sans doute trouver des artistes comme lui mais il n’y pas d’équipe capable de travailler avec ce style-là. Si cela avait été des japonais, par exemple l'été qu'on voit dans le film aurait été beaucoup plus humide qu’il n’est dépeint.

Est-ce qu'à l'arrivée Anzu, chat-fantôme correspond à ce que vous avez imaginé au départ ?
Nobuhiro Yamashita
Comme je viens de la prise de vues réelles, je ne pouvais vraiment pas imaginer comment serait le résultat final. Mais à chaque fois j’ai découvert les décors créés par l'équipe française avec beaucoup de plaisir. C’est sans doute devenu quelque chose de très différent de tout ce que j’aurais pu imaginer.
Yôko Kuno
C'est la première fois que je réalise un long métrage, donc je ne pouvais pas imaginer quel serait le résultat final. D’autant que nous travaillions avec une équipe nombreuse. Mais chaque fois qu'on recevait des couleurs, des décors, je voyais peu à peu très bien ce que cela pouvait donner.

Nobuhiro Yamashita, c'est votre premier travail dans l'animation. Est-ce que vous avez envie de continuer ?
Nobuhiro Yamashita
Si c’est avec Yôko, avec grand plaisir.

Qu'est-ce qui vous a le plus surpris par rapport à la prise de vue réelle ?
Nobuhiro Yamashita
La durée de la production a été très longue, beaucoup plus longue que tout ce à quoi j'étais habitué. Après, il y a des contraintes pour la prise de vue réelle. Par exemple, quand il ne fait pas beau, il faut attendre. Des contraintes inexistantes en animation, ce qui est un avantage. Après, pour moi, dans la prises de vues réelles l'interprétation, le jeu d'acteur sont le plus important. Donc je n'étais pas sûr au début de pouvoir transposer cette qualité en animation. Mais j'ai été agréablement surpris de voir que finalement, en animation aussi, on peut tout à fait rendre le jeu d'un acteur et même parfois mieux que dans la prise de vue réelle. Cela m’a beaucoup ému.

Etes-vous déjà venus à Annecy?
Nobuhiro Yamashita
C’est vraiment la première fois que je viens à Annecy. Je n’étais non plus jamais allé à Cannes
Yôko Kuno
L’année dernière je suis venue à Annecy pour le WIP mais je ne peux pas dire que je suis une habituée du festival.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : Quinzaine des Cinéastes / Susy Lagrange


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