Cinéma

Annecy 2024 - Le SPI entend prendre collectivement la mesure de la période difficile qui s’annonce

Date de publication : 14/06/2024 - 08:09

Six ans après la création de son collège animation, le SPI a opéré sa première conférence de presse au Festival d’Annecy afin de mettre en avant ses actions et combats menés en faveur de la création et de la production indépendante d’animation.

"Cette année est particulière avec d'un côté des motifs de réjouissance, notamment un nombre record de films produits par les adhérents du SPI présents dans les différentes sélections ici à Annecy, mais aussi la signature d'accords structurants pour la filière. Il y a aussi des incertitudes qui planent sur le secteur, du fait notamment du ralentissement des investissements en prestations de services par les plateformes de streaming. Nous sommes entrés il y a un an maintenant dans un cycle que l'on espère le moins long possible, avec derrière des conséquences pour les producteurs, les emplois et les projets. La question qui se pose aujourd'hui, c'est de savoir comment collectivement prendre la mesure de cette période, pour permettre de la traverser sans trop de dommages" a résumé d’entrée de jeu Sébastien Onomo, vice-président animation du SPI.

Ce dernier a également insisté sur les valeurs d'indépendance "qui nous paraissent essentielles. C’est aussi une des garanties à la préservation de la liberté de la création, des auteurs et des autrices. Avec ces incertitudes sectorielles, s'ajoute l'instabilité politique dans laquelle nous sommes plongés depuis quelques jours. Nous rappelons à la France la vraie réalité, à laquelle nous sommes condamnés aujourd'hui. notre attachement sans faille à un service public de l'audiovisuel indépendant du pouvoir public".

Comme l’a rappelé ensuite Sébastien Colin, son délégué général, le Spi "aujourd'hui, c'est plus de 530 sociétés adhérentes, des entreprises qui produisent en cinéma et en audiovisuel, aussi bien du documentaire, de la fiction, de la captation de spectacles vivants, de la création numérique. Et bien évidemment, de l'animation. Bref c'est un syndicat unitaire qui couvre tout le spectre de la production indépendante française. Et c'est justement ce mélange d'expériences, de profils, d'expertises et ce partage de connaissances et d'envies qui font la richesse de l'animation".

Emmanuel Alain Raynal est revenu sur le fait que le long métrage avait constitué la raison première pour créer le collège animation en 2018. "Il s’agissait de pouvoir trouver des solutions pour qu'on puisse garantir à la fin une diversité d'œuvres, mais aussi un volume plus important dans ce format-là. Car le long métrage d'animation a cumulé un certain nombre de problématiques, la première étant liée au développement. C’est une étape coûteuse, en moyenne à 350 000 euros. Car il y a à la fois la présence d'un troisième auteur, contrairement à la prise de vues réelles, qui est l'auteur graphiqu. Et il faut aussi au besoin de réaliser des tests d'animation, voire des teasers, outil indispensable pour le financement des œuvres. Ensuite entre l'écriture, le développement et le financement de ces œuvres, on arrive à des temps de mise en production qui sont très longs, en moyenne de sept ans. Et puis surtout un nombre limité d'œuvres peuvent être produites car les chaînes n’investissent pas assez. Donc la diversité en souffre". Le Spi a également rappelé son attachement au court métrage d’animation "lieu d'émergence et d'expérimentation, moyen d'expression à part entière pour les autrices et les auteurs et véritable espace de liberté".

Le SPI s’est donc félicité de la signature de l’accord avec France Télévisions relatif au cinéma le 17 mai dernier à Cannes qui prévoit un engagement de France Télévisions dans 25 films sur les cinq années de l’accord. Cet accord historique et structurant pour le cinéma d’animation a été complété par celui relatif aux œuvres audiovisuelles, actuellement sous forme d’un deal mémo et qui devrait être signé la semaine prochaine. Celui-ci prévoit de consacrer 35 M€ pour l’animation en 2025, 36 M€ en 2026 et 37 M€ en 2027, dont 3 M€ par an pour les longs métrages, auxquels se rajoutent 3 M€ sur les trois premières années de l’accord.

De même, l’avenant signé en début de semaine avec TF1 revalorise substantiellement l’investissement du groupe dans l’animation et son exposition sur TFX et TF1+ notamment. Et l’année qui vient sera l'occasion de poursuivre nos échanges avec les diffuseurs, avec lesquels nous devons conclure ou renouveler de nouveaux accords. Canal+, en premier lieu, pour les diffuseurs historiques.

L’accord avec France Télévisions permet notamment de prendre en compte toute la spécificité des nouveaux formats de séries et des spéciaux. "En effet, de nombreux producteurs ont souhaité produire des séries plus courtes, plus ambitieuses, souvent feuilletonnantes et dans d'autres genres" a rappelé le Spi. "Or, un format plus court permet moins d'économies d'échelle sur la fabrication. L’écriture feuilletonnante demande aussi plus d'investissement et l'ambition créative sur des genres tels que la fantaisie, la science-fiction, les récits historiques, nécessite également plus de moyens. Or, une grande partie des financements de séries sont annexés au format, et notamment les apports diffuseurs, les préventes, souvent à prix fixe à la demi-heure, le crédit d'impôt, et l'aide à la production du CNC. Il nous a paru nécessaire donc de trouver un cadre et un modèle économique permettant plus de diversité. Et pour ce faire, nous avons mené, et nous continuerons à mener, différentes actions auprès des diffuseurs nationaux et internationaux, mais aussi auprès du CNC. Et cela a été pour partie des discussions que nous avons eues avec France Télévisions dans la renégociation des accords".

Dans un contexte politique incertain, le SPI a tenu à rappeler son attachement indéfectible à un audiovisuel public fort et indépendant. "Au-delà de la crise politique, le secteur de l’animation connait par ailleurs des difficultés majeures depuis plusieurs mois, du fait du ralentissement important des investissements en prestation de service par les plateformes de streaming. Les conséquences sont lourdes pour de nombreuses productions et pour l’emploi. Le cadre réglementaire accompagné des soutiens publics représentent, selon nous, la meilleure des réponses à cette crise que nous espérons passagère. Il est également essentiel de redire à quel point la production déléguée doit être préservée, au niveau français et européen. C’est la garantie d’acteurs français, forts, détenteurs de leurs IP qui gardent la maitrise de leurs œuvres et de leurs développements".

C’est dans ce contexte que le SPI a proposé officiellement aux pouvoirs publics de mettre en place une année de l’animation. Après l’année du documentaire, elle permettrait de mettre en avant les différentes problématiques propres à l’animation audiovisuel comme cinéma.

Le SPI a rappelé l’importance de tout mettre en œuvre pour l’effectivité du dispositif réglementaire de contribution des éditeurs de services à la production indépendante française et s’inquiète notamment du critère relatif à l’audience minimale qui exclut des obligations un certain nombre d’acteurs. Or le fait est que l’Arcom tente de corriger les effets regrettables des décrets SMAD et Cable Satellite. Travail qui a déjà porté ses fruits puisque certains éditeurs de services ont accepté de s’assujettir volontairement au régime des obligations pour 2023 et 2024.

Le syndicat a aussi abordé les problèmes que rencontrent les étudiants pour trouver des stages. "Sur un marché tendu, de plus en plus de stagiaires sortent des écoles qui sont en nombre croissant. Nous avons de plus en plus de mal à intégrer ces stagiaires dans nos structures, parce que les stages sont encadrés par une réglementation stricte. Nous avons donc déjà démarré des discussions avec les organismes de représentation des écoles, de façon à permettre à chacun et à chacune des étudiants en stage de trouver une place au sein de nos structures, et de faire en sorte que cela ne déséquilibre pas trop nos préoccupations et nos façons de fonctionner".

 Il a été rappelé que les adhérents suivaient de près les outils qui permettront d'assurer la transition des entreprises et des productions, parmi lesquels le carbulator, outil de calcul du bilan carbone. Le Spi a aussi évoqué ses réflexions sur les enjeux de l’intelligence artificielle pour les métiers de la production et diffusion d’animation. Enfin, les producteurs et productrices du Spi ont rappelé leur engagement plein et entier dans la lutte pour plus de parité dans l’animation et contre toute forme de violence et de harcèlement.

Patrice Carré
© crédit photo : Patrice Carré


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