Congrès FNCF 2024 - Rafaël Maestro : "Les préoccupations sur l’état de nos trésoreries restent au premier plan"
Date de publication : 23/09/2024 - 14:00
De la réforme art et essai à l’accès au film en passant par l’éducation à l’image ou le renouvellement du matériel de projection, le président de la commission de branche de la petite exploitation de la FNCF fait le point sur les grands sujets du secteur.
Si les quatre premiers mois ont été compliqués, la fréquentation a nettement rebondi depuis mai, avec même des records de fréquentation en juillet pour certains de vos membres. Où la petite exploitation se situe-t-elle par rapport à la tendance nationale ?
Depuis le début de l’année, notre branche a connu une courbe identique à celle de la filière, donc une baisse, moindre que celle de la grande exploitation. A fin août, les chiffres indiquent toutefois une légère augmentation : +2,5% par rapport à 2023. Au-delà de l’offre de films, notamment d’initiative française, les actions d’animation et une meilleure maîtrise de nos outils de communication expliquent ces résultats. Nos politiques tarifaires aussi, certainement. Pour autant, ce premier semestre a été rude. Beaucoup de films n’ont pas trouvé leur public, et la concentration des succès nous rend très dépendants de quelques périodes stratégiques.
Depuis le début de l’année, notre branche a connu une courbe identique à celle de la filière, donc une baisse, moindre que celle de la grande exploitation. A fin août, les chiffres indiquent toutefois une légère augmentation : +2,5% par rapport à 2023. Au-delà de l’offre de films, notamment d’initiative française, les actions d’animation et une meilleure maîtrise de nos outils de communication expliquent ces résultats. Nos politiques tarifaires aussi, certainement. Pour autant, ce premier semestre a été rude. Beaucoup de films n’ont pas trouvé leur public, et la concentration des succès nous rend très dépendants de quelques périodes stratégiques.
La réforme du classement art et essai, entérinée fin juin, a été l’un des dossiers majeurs de l’année écoulée pour l’exploitation. Comment a-t-elle été accueillie par la branche ?
La petite exploitation considère que la minoration des films recommandés les plus porteurs aura un impact direct (le montant de la prime art et essai) qui ne pourra pas être compensé par les nouveaux critères retenus par le CNC. Ce, pour une raison simple : la mise en œuvre de ces critères exige des moyens financiers et des ressources humaines dont la petite exploitation ne dispose pas. La communication, l’animation, tout cela nécessite une main d’œuvre qualifiée et disponible, alors même que nos modèles économiques ne nous laissent aucune marge de manœuvre pour recruter. Cette réforme pourrait aussi avoir des conséquences sur la préservation de la diversité des films au sein de nos cinémas. Nous serons donc très vigilants quant aux décisions des prochaines commissions.
La petite exploitation considère que la minoration des films recommandés les plus porteurs aura un impact direct (le montant de la prime art et essai) qui ne pourra pas être compensé par les nouveaux critères retenus par le CNC. Ce, pour une raison simple : la mise en œuvre de ces critères exige des moyens financiers et des ressources humaines dont la petite exploitation ne dispose pas. La communication, l’animation, tout cela nécessite une main d’œuvre qualifiée et disponible, alors même que nos modèles économiques ne nous laissent aucune marge de manœuvre pour recruter. Cette réforme pourrait aussi avoir des conséquences sur la préservation de la diversité des films au sein de nos cinémas. Nous serons donc très vigilants quant aux décisions des prochaines commissions.
"La hausse légitime du coût de la masse salariale de nos cinémas, en cette période de forte inflation, l’augmentation des coûts de l’énergie (…), la forte augmentation des charges fixes, conduisent à une réduction critique de nos marges", avait signalé l’an dernier à Deauville la rapporteure de la petite exploitation, Christine Bentabet, alertant en parallèle sur le taux d’endettement de nombreux exploitants. Dans quelle situation financière se trouvent aujourd’hui les membres de la branche ?
Il ne faut pas confondre chiffre de fréquentation et chiffre d’affaires ! Je rappelle que notre parc de salles est calibré pour accueillir 220 millions de spectateurs. C’est ce niveau de fréquentation qui permettrait à tous les exploitants de pouvoir dégager des marges afin de se projeter sereinement dans l’avenir. Même si nos difficultés financières sont, en valeur, moins importantes que celles de certains de nos autres collègues, les préoccupations sur l’état de nos trésoreries restent au premier plan. Le phénomène est accentué par ceux qui avaient mobilisé un PGE. Certes, le coût de l’énergie est désormais mieux maîtrisé, mais la hausse des salaires et des charges fixes est un sujet récurrent. A cela s’ajoutent la difficulté à recruter et les tensions constatées dans les relations professionnelles au sein des équipes.
Le précédent Congrès avait également été l’occasion, pour Christine Bentabet, d’alerter sur l’accès aux films, évoquant des "demandes de séances disproportionnées" et "inadaptées à la réalité du terrain" de la part de nombreux distributeurs. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Notre branche s’est mis au travail fin 2023 en mobilisant 14 exploitant(e)s volontaires dans un groupe dédié. Depuis la mutation numérique, l’augmentation du nombre de séances (+30%) a permis un meilleur accès aux films, sans pour autant générer une augmentation de la fréquentation. Cet "effet dilution" se traduit par une moyenne de spectateurs par séance passant de 30 à 17 entre 2011 et 2023. L’étude de nos bordereaux fait apparaître que 45% de nos séances génèrent moins de 10 spectateurs dans la petite exploitation. Nous présenterons, lors de la réunion de notre branche, une proposition de nouveaux critères complémentaires de négociation avec les distributeurs. Il faudrait, avec certains d’entre eux, bâtir un rapport qualitatif, par une analyse partagée, pour l’accès aux copies en sortie nationale.
Il ne faut pas confondre chiffre de fréquentation et chiffre d’affaires ! Je rappelle que notre parc de salles est calibré pour accueillir 220 millions de spectateurs. C’est ce niveau de fréquentation qui permettrait à tous les exploitants de pouvoir dégager des marges afin de se projeter sereinement dans l’avenir. Même si nos difficultés financières sont, en valeur, moins importantes que celles de certains de nos autres collègues, les préoccupations sur l’état de nos trésoreries restent au premier plan. Le phénomène est accentué par ceux qui avaient mobilisé un PGE. Certes, le coût de l’énergie est désormais mieux maîtrisé, mais la hausse des salaires et des charges fixes est un sujet récurrent. A cela s’ajoutent la difficulté à recruter et les tensions constatées dans les relations professionnelles au sein des équipes.
Le précédent Congrès avait également été l’occasion, pour Christine Bentabet, d’alerter sur l’accès aux films, évoquant des "demandes de séances disproportionnées" et "inadaptées à la réalité du terrain" de la part de nombreux distributeurs. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Notre branche s’est mis au travail fin 2023 en mobilisant 14 exploitant(e)s volontaires dans un groupe dédié. Depuis la mutation numérique, l’augmentation du nombre de séances (+30%) a permis un meilleur accès aux films, sans pour autant générer une augmentation de la fréquentation. Cet "effet dilution" se traduit par une moyenne de spectateurs par séance passant de 30 à 17 entre 2011 et 2023. L’étude de nos bordereaux fait apparaître que 45% de nos séances génèrent moins de 10 spectateurs dans la petite exploitation. Nous présenterons, lors de la réunion de notre branche, une proposition de nouveaux critères complémentaires de négociation avec les distributeurs. Il faudrait, avec certains d’entre eux, bâtir un rapport qualitatif, par une analyse partagée, pour l’accès aux copies en sortie nationale.
Les dispositifs d’éducation à l’image traversent une zone de turbulences depuis l’annonce, à la rentrée 2023, du conditionnement des sorties scolaires à un protocole de remplacement des professeurs dans l’enseignement secondaire et à la mise en place de la formation des enseignants hors du temps scolaire, tous deux partiellement entrés en vigueur. Comment ce dossier a-t-il depuis évolué ?
Ce sujet renvoie à la priorité absolue de notre secteur : sans renouvellement du public, le cinéma en salle n’a évidemment pas d’avenir. Toutes ces craintes sur les dispositifs doivent nous rappeler qu’ils sont les seuls à corriger les inégalités sociales, géographiques, culturelles des jeunes générations dans leur accès à la salle de cinéma. Nous vivons un temps préoccupant de domination des médias sociaux dans l’imaginaire de nos vies, et les effets sont ravageurs parmi les jeunes générations. Le CNC en a d’ailleurs fait sa priorité, notamment dans le cadre des politiques contractuelles qu’il mène aux côtés des régions. Prenons les problèmes dans l’ordre. Du côté de l’Education Nationale, nous constatons son net et préoccupant recul sur la formation des enseignants, alors même que c’est la clé de voûte de son engagement dans le cahier des charges national. Nous observons, ainsi, des baisses d’inscriptions. Auxquelles s’ajoutent des réformes en cours (pacte de remplacement) et des évolutions de programmes disciplinaires (classes de niveaux), qui décourageront les enseignants à s’investir par faute de temps et entraveront les sorties scolaires. Les collectivités, qui financent les places voire les déplacements et-ou des actions complémentaires, sont quant à elles essentielles dans l’organisation des dispositifs, et notamment dans l’égalité d’accès au cinéma pour les territoires les plus éloignés. Or, si l’on prend l’exemple des départements (Collège au cinéma), près d’un tiers connaissent déjà des difficultés financières insurmontables. Ce qui engendre des modèles territoriaux à plusieurs vitesses entre milieux urbain et rural. S’y ajoute un risque accru que les films ne soient pas travaillés en classe, mais aussi que des œuvres jugées délicates soient difficiles à programmer dans un contexte de grande frilosité face à certains sujets, d’autocensures, de craintes de réaction chez certains parents. Et, enfin, des enseignants qui se démobilisent et de nouveaux enseignants difficiles à recruter dans ces conditions. Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’il existe un tissu d’acteurs extrêmement dynamique avec des initiatives et expérimentations qu’on ne valorise pas assez : pôles d’éducation aux images, festivals, associations territoriales de cinémas… Nous héritons d’un modèle à défendre, et sans aucun doute à réinventer.
Comment appréhendez-vous le sujet crucial du renouvellement du matériel de projection numérique ? Les réflexions un temps évoquées autour d’un plan d’aide pour le passsage au laser ont, semble-t-il, été complètement abandonnées…
Nous pouvons déjà apprécier la durée de fonctionnement du matériel initial ! 13 ans après, le renouvellement du matériel doit permettre aux exploitants de bien réfléchir à leurs besoins spécifiques. Le rétrofit, le marché de l’occasion et du reconditionné sont autant de solutions à évaluer, évidemment avec la source d’énergie la plus économique. Je tiens également à dire un mot sur les itinérants, qui ne bénéficient que d’un seul modèle de projecteur adapté à leur activité. Le groupe technique de l’Association nationale des cinémas itinérants (Anci) est à pied d’œuvre pour trouver des solutions, afin que les aides spécifiques du CNC (enveloppe supplémentaire dans le cadre de l’aide sélective) puissent être efficaces.
Ce sujet renvoie à la priorité absolue de notre secteur : sans renouvellement du public, le cinéma en salle n’a évidemment pas d’avenir. Toutes ces craintes sur les dispositifs doivent nous rappeler qu’ils sont les seuls à corriger les inégalités sociales, géographiques, culturelles des jeunes générations dans leur accès à la salle de cinéma. Nous vivons un temps préoccupant de domination des médias sociaux dans l’imaginaire de nos vies, et les effets sont ravageurs parmi les jeunes générations. Le CNC en a d’ailleurs fait sa priorité, notamment dans le cadre des politiques contractuelles qu’il mène aux côtés des régions. Prenons les problèmes dans l’ordre. Du côté de l’Education Nationale, nous constatons son net et préoccupant recul sur la formation des enseignants, alors même que c’est la clé de voûte de son engagement dans le cahier des charges national. Nous observons, ainsi, des baisses d’inscriptions. Auxquelles s’ajoutent des réformes en cours (pacte de remplacement) et des évolutions de programmes disciplinaires (classes de niveaux), qui décourageront les enseignants à s’investir par faute de temps et entraveront les sorties scolaires. Les collectivités, qui financent les places voire les déplacements et-ou des actions complémentaires, sont quant à elles essentielles dans l’organisation des dispositifs, et notamment dans l’égalité d’accès au cinéma pour les territoires les plus éloignés. Or, si l’on prend l’exemple des départements (Collège au cinéma), près d’un tiers connaissent déjà des difficultés financières insurmontables. Ce qui engendre des modèles territoriaux à plusieurs vitesses entre milieux urbain et rural. S’y ajoute un risque accru que les films ne soient pas travaillés en classe, mais aussi que des œuvres jugées délicates soient difficiles à programmer dans un contexte de grande frilosité face à certains sujets, d’autocensures, de craintes de réaction chez certains parents. Et, enfin, des enseignants qui se démobilisent et de nouveaux enseignants difficiles à recruter dans ces conditions. Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’il existe un tissu d’acteurs extrêmement dynamique avec des initiatives et expérimentations qu’on ne valorise pas assez : pôles d’éducation aux images, festivals, associations territoriales de cinémas… Nous héritons d’un modèle à défendre, et sans aucun doute à réinventer.
Comment appréhendez-vous le sujet crucial du renouvellement du matériel de projection numérique ? Les réflexions un temps évoquées autour d’un plan d’aide pour le passsage au laser ont, semble-t-il, été complètement abandonnées…
Nous pouvons déjà apprécier la durée de fonctionnement du matériel initial ! 13 ans après, le renouvellement du matériel doit permettre aux exploitants de bien réfléchir à leurs besoins spécifiques. Le rétrofit, le marché de l’occasion et du reconditionné sont autant de solutions à évaluer, évidemment avec la source d’énergie la plus économique. Je tiens également à dire un mot sur les itinérants, qui ne bénéficient que d’un seul modèle de projecteur adapté à leur activité. Le groupe technique de l’Association nationale des cinémas itinérants (Anci) est à pied d’œuvre pour trouver des solutions, afin que les aides spécifiques du CNC (enveloppe supplémentaire dans le cadre de l’aide sélective) puissent être efficaces.
Propos recueillis par Kevin Bertrand
© crédit photo : DR
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